Equations aux dérivées partielles



Nota : u,x ou u,y désignent par la suite les dérivées partielles de u par rapport à x ou y.

On s'intéressera ici aux edp quasi-linéaires du premier et du second ordre, donc du type

a.u,x + b.u,y + c = 0

ou bien

a.u,xx + b.u,xy + c.u,yy + d = 0

Le terme quasi-linéaires signifie que les équations sont linéaires par rapport aux dérivées d'ordre le plus élevé, ce qui veut dire que a, b et c sont dans le premier cas des fonctions des variables indépendantes x, y et de la fonction inconnue u, et dans le deuxième cas que a, b, c et d sont des fonctions de x, y, u et des dérivées partielles premières u,x et u,y.

Une edp devient linéaire lorsque les fonctions a, b, c et d ne dépendent que de x et y, et elle est dite à coefficients constants lorsque a, b, c et d sont ... des constantes.

Les edp du premier ordre sont toujours hyperboliques : dans le cas simple où l'équation est linéaire et à coefficients constants (e.l.c.c), on montre que l'on peut se ramener à une solution sous la forme d'une fonction quelconque de (x-k.y). Si y désigne le temps, la solution au point x à l'instant t se retrouve à l'identique en x+k.dt à l'instant t+dt : elle est " transportée " à la célérité k, d'où le nom d'équation du transport.
 

Le comportement des e.l.c.c du second ordre est gouverné par le signe de b2-a.c.

- si b2-a.c < 0, on parle de problèmes elliptiques (ex. type : équation de Laplace)
- si b2-a.c = 0, le problème est dit parabolique (ex : équation de la chaleur)
- si b2-a.c > 0, il s'agit du cas hyperbolique (ex : équation des cordes vibrantes)
 

Equation de Laplace : problème elliptique

Soit u une grandeur dont le flux est conservatif, V un domaine borné par une surface S dont n est la normale unitaire sortante. On a alors :

S [(grad u).n].dS = 0

En utilisant Green, on peut écrire

V [div(grad u)].dV = 0

Ceci étant vrai pour tout domaine V, on a alors

div(grad u) = 0

soit

Δ(u) = 0

où Δ désigne le laplacien.

Si le flux sortant de grad u est compensé par une création "interne" décrite par une fonction f dans V, on arrive à l'équation de Poisson :

Δ(u) = f

En mono-dimensionnel, l'équation de Laplace s'écrit u,xx = 0, et la solution est de la forme u(x) = ax + b. On peut, pour finir de résoudre le problème, imposer les valeurs de u aux extrémités (conditions aux limites de type Dirichlet), y imposer les valeurs de u,x (c.l de type Neumann) ou encore faire un mélange des deux (pb mixte). Le problème de Neumann est ici mal posé, car on aboutit selon les valeurs des c.l à une impossibilité ou à une indétermination. On peut également retomber sur le problème de Cauchy déjà vu dans le paragraphe sur les e.d.o., où l'on impose u et u,x en un seul point. On peut cependant montrer qu'un tel problème est mal posé au-delà du cas mono-dimensionnel. Des données de Cauchy sont en revanche adaptées à des problèmes hyperboliques ...

La résolution d'un problème de Laplace en 2D par la méthode des différences finies passe par l'utilisation de l'approximation des dérivées secondes par un schéma centré. Si h et k sont les longueurs de maille en x et y, on peut écrire, au point de " coordonnées " i et j :

[ui+1,j - 2ui,j + ui-1,j] / h2 + [ui,j+1 - 2ui,j + ui,j-1] / k2 = 0

La discrétisation des c.l est évidente dans le cas de conditions de Dirichlet, et plus délicate dans le cas de conditions de Neumann. Puisque l'on utilise un schéma centré, l'utilisation d'un point extérieur au domaine pour pouvoir imposer la condition à la frontière constitue une extrapolation hasardeuse. Il est en fait nécessaire de combiner l'écriture de la c.l avec celle de l'équation de Laplace, ce qui permet de passer à la notion de dérivée seconde tangentielle (et non plus normale). On peut en effet montrer qu'imposer u,y = -g en un point Mi,1 revient à imposer, en tenant compte de Δ(u) = 0 :

ui,2 - (1+k2/h2)ui,1 + k2/2h2 (ui+1,1+ui-1,1) = -kg(Mi,1)

Equation de la chaleur : problème parabolique

Un matériau de chaleur spécifique massique C et de masse volumique ρ occupe un domaine V de frontière S. S'il reçoit et conduit un certain flux de chaleur dont le vecteur densité est q, sa température u évolue dans le temps et dans l'espace. On a, par définition de q :

S [-q.n].dS = ∫V [-div q].dV

L'énergie thermique augmente de

V [C.u,t].dm = ∫V [ρ.C.u,t]dV

Le bilan nous permet d'écrire

V [ρ.C u,t + div q] dV = 0

qui est en fait l'expression du premier principe de la thermodynamique.

Ceci étant valable quel que soit V, on peut en déduire

ρ.C u,t = -div q

On introduit la loi de Fourier :

q = -k grad u

Cette loi caractérise le comportement du matériau, et montre que les flux de chaleur sont d'autant plus intenses que les variations de température sont importantes, et que la chaleur va du chaud vers le froid. K est la conductivité thermique du matériau. La condition k > 0 est une conséquence du second principe de la thermodynamique.

On obtient enfin l'équation de la chaleur :

ρ.C u,t = div (k grad u)

Dans le cas d'un matériau homogène, k, ρ et C ne dépendent pas du point x considéré, et l'on a, en notant la diffusivité thermique α = k/(ρ.C) :

u,t = α Δ(u)

Tous les phénomènes de thermique et de pollution font intervenir des équations paraboliques de ce style, qui sont caractérisés par une non-réversibilité dans le temps. En effet, alors que l'équation ci-dessus est invariante dans le changement x => -x, elle ne l'est pas dans le changement t => -t.

Prenons l'exemple d'une barre métallique suffisamment élancée pour que u ne dépende que de l'abscisse x et du temps, on a alors le problème mono-dimensionnel suivant :

u,t = α u,xx

Soient h le pas d'espace, k le pas de temps, j et n les coordonnées respectives dans le plan (x,t). La différence finie décentrée en temps donne (uj,n+1 - uj,n) / k = u,tj,n ou u,tj,n+1 selon que l'on écrive le schéma en n ou en n+1. En appliquant de la même manière en n ou en n+1 l'approximation de différence finie centrée à la dérivée seconde en espace, on obtient respectivement un schéma explicite ou un schéma implicite. Le schéma implicite est inconditionnellement stable, alors que le schéma explicite est stable sous la condition h2/2k > α. On peut également faire une moyenne entre les deux schémas et aboutir au schéma de Crank-Nicholson, également implicite donc plus coûteux, mais que l'on peut prouver comme étant précis au deuxième ordre. Plus généralement, on peut écrire :

uj,n+1 = uj,n + α.k/h2 [(1-b)(uj+1,n - 2uj,n + uj-1,n) + b (uj+1,n+1 - 2 uj,n+1 + uj-1,n+1)]

où b est un réel compris entre 0 et 1. b = 0 redonne le schéma explicite, b = 1 l'implicite, et b = 1/2 celui de Crank-Nicholson.
 

Equation des cordes vibrantes : problème hyperbolique

Les vibrations transversales d'une corde homogène tendue peuvent être représentées, dans le cas de petites perturbations et si l'on néglige les effets de la pesanteur, par l'équation :

1/c2 u,tt - u,xx = 0

où la célérité des ondes propagées est c = (T/ρ)1/2, T étant la tension et ρ la masse linéique.

En acoustique, l'équation des ondes dans un tuyau sonore prend exactement la même forme, u étant dans ce cas la pression p, et c = p,r, dérivée partielle de la pression par rapport à la masse volumique. Pour un gaz parfait dont les chaleurs spécifiques sont constantes, on a c = (γ.RT)1/2, où γ = Cp/Cv rapport des chaleurs spécifiques, R est la constante des gaz parfaits, et T la température.

Le problème de Cauchy associé à l'équation des cordes vibrantes consiste à fixer deux conditions initiales : u(x,0) et u,t(x,0) pour tout x dans le domaine. Les conditions aux limites sont du type u(0,t) = u(L,t) = 0.

On peut remplacer l'équation des cordes vibrantes du deuxième ordre par un système d'équations du premier ordre en posant v = u,x et w = u,t / c. On a alors :

v,t = c w,x
w,t = c v,x

Le schéma le plus naturel (différences centrées en espace et décentrées avançantes en temps) nous conduit à :

vj,n+1 = vj,n + ck/2h (wj+1,n-wj-1,n)
wj,n+1 = wj,n + ck/2h (vj+1,n-vj-1,n)

qui est inconditionnellement instable.

Le schéma implicite

vj,n+1 = vj,n + ck/2h (wj+1,n+1-wj-1,n+1)
wj,n+1 = wj,n + ck/2h (vj+1,n+1-vj-1,n+1)

est inconditionnellement stable, mais bien plus coûteux.

Le schéma

vj,n+1 = vj,n + ck/2h (wj+1,n-wj-1,n)
wj,n+1 = wj,n + ck/2h (vj+1,n+1-vj-1,n+1)

bien qu'apparemment implicite à cause du n+1 dans le second membre de l'équation en w, devient en fait explicite si l'on résout bien la deuxième équation après la première. En effet, en reportant la première équation dans la deuxième, on obtient

wj,n+1 = wj,n + ck/2h (vj+1,n-vj-1,n) + c2k2/4h2 (wj+2,n-2wj,n+wj-2,n)

qui est de toute évidence explicite. On peut montrer que ce schéma est stable sous la condition ck/h < 2.

Le schéma de Lax s'inspire du schéma naturel en faisant un lissage des valeurs en n :

vj,n+1 = (vj+1,n+vj-1,n)/2 + ck/2h (wj+1,n-wj-1,n)
wj,n+1 = (wj+1,n+wj-1,n)/2 + ck/2h (vj+1,n-vj-1,n)

La condition de stabilité s'écrit cette fois ck/h < 1. On l'appelle condition de Courant-Friedrichs-Lewy (CFL).

Il existe également un schéma explicite à deux niveaux du deuxième ordre, schéma dit de Lax-Wendroff :

 
vj,n+1 = vj,n + ck/2h (wj+1,n-wj-1,n) + c2k2/2h2 (vj+1,n-2vj,n+vj-1,n)
wj,n+1 = wj,n + ck/2h (vj+1,n-vj-1,n) + c2k2/2h2 (wj+1,n-2wj,n+wj-1,n)

dont la condition de stabilité est identique.

Le schéma de " saute-mouton " (leap-frog chez les britons) est un schéma explicite à trois niveaux et du second ordre :

vj,n+1 = vj,n-1 + ck/h (wj+1,n-wj-1,n)
wj,n+1 = wj,n-1 + ck/h (vj+1,n-vj-1,n)

Ce schéma doit être amorcé par un autre qui fournisse le niveau 1 à partir des conditions initiales (niveau 0). On retrouve la condition de CFL.
 

Equation de Bürgers : problème hyperbolique non-linéaire du premier ordre
 

Il s'agit de l'équation non-linéaire

u,t + (u2/2),x = 0 ou encore u,t + u.u,x = 0

Cette équation est conservative, car on peut l'exprimer sous la forme divx,t V = 0, où V est le vecteur de composantes (u2/2,u) dans l'espace (x,t). Elle constitue un modèle pour l'étude de la dynamique des gaz. Les phénomènes quasi-1D dans un tube à choc ou dans une tuyère à section variable sont représentés par la vitesse u et par deux grandeurs thermodynamiques comme la pression p et l'entropie spécifique s, fonctions de x et de t. La conservation de la masse, de la quantité de mouvement et de l'énergie fournit trois équations. L'équation de Bürgers présente les mêmes caractéristiques que le système à trois équations, et peut s'interpréter comme un bilan entre le terme instationnaire u,t et le terme de " convection " u.u,x.

Le bruit engendré par un bang supersonique se concentre dans des zones où la pression est également gouvernée par l'équation de Bürgers. Cette équation peut admettre des solutions discontinues (notion de " choc ", absente des problèmes elliptiques ou paraboliques), ce qui rend utile, voire nécessaire, la formulation variationnelle du problème.

Si l'on rajoute un terme dissipatif, on a un problème de la forme

u,t + u.u,x = a.u,xx

où a est une constante positive. L'équation devient parabolique, et constitue un bon modèle des équations de Navier-Stokes. En pratique, le terme de dérivation le plus élevé est affecté d'un petit coefficient (faible dissipation), ce qu'on appelle problème de perturbation singulière.

Cette technique, qui peut également être introduite de manière artificielle, est largement utilisée pour stabiliser des processus numériques. Dans le cas général, on remplacera donc les dérivées temporelles u,t par u,t - e.u,xx, où e est une constante suffisamment " petite ".

On peut reprendre et adapter les schémas déjà vus de Lax, Lax-Wendroff, saute-mouton pour discrétiser l'équation de Bürgers. A chaque fois apparaît une condition du type CFL et de la forme k/h < 1/|u|, où |u| est la valeur moyenne locale de l'inconnue. Ceci signifie que le pas doit être adapté automatiquement au cours du calcul, en fonction de supj (1/|uj|), j désignant la " coordonnée " en espace.
 

Equations de Navier-Stokes

Dans le cas d'un fluide incompressible (donc où seuls le vecteur vitesse u et la pression p jouent un rôle) et newtonien (le tenseur des contraintes est une fonction affine de celui des taux de déformation), on a la loi de comportement

sij = 2 \mu.Dij

où Dij = 1/2 (ui,j+uj,i) et \mu est le coefficient de viscosité dynamique. Le p.f.d et la conservation de la masse nous permettent alors d'écrire :

du/dt + (grad p) / ρ = \nu Lap (u), \nu = \mu / ρ

div u = 0

où ρ est la masse volumique et d/dt représente une dérivée particulaire, c'est-à-dire que dui/dt = ui,t + sommej uj.ui,j.

Le nombre de Reynolds Re = \nu / (V.L) mesure le rapport des forces d'inertie aux forces de frottement. Il est basé sur une longueur caractéristique L (la longueur d'un conduit, par exemple) et une vitesse caractéristique V (vitesse moyenne de l'écoulement, ...). Deux écoulements ne peuvent se comparer que s'ils ont même nombre de Reynolds. Dans le cas d'une maquette à échelle réduite, comme L change, les résultats obtenus ne sont pas parfaitement transposables, par exemple ... Dans la pratique, \mu est petit et Re est grand. L'équation est donc du type " perturbation singulière ". Ceci se traduit par les phénomènes de couche limite le long des parois. C'est dans ces zones que la viscosité joue vraiment un rôle. Ailleurs, l'approximation du fluide parfait est suffisante.

Lorsque Re dépasse un seuil critique, on passe à un écoulement turbulent. L'étude des turbulences est délicate pour deux raisons essentielles :

- le spectre est large, c'est-à-dire que différentes échelles interviennent, et que les phénomènes à petite échelle finissent par influer sur ceux à grande échelle.

- les équations de Navier-Stokes en 3D pour Re assez grand, la solution n'est pas forcément unique ... On considère alors des équations faisant intervenir des moments, i.e des moyennes des fluctuations par rapport à la moyenne. Le système comportant dans ce cas davantage d'équations que d'inconnues, il est nécessaire de le " fermer " en ajoutant des relations empiriques.

A suivre ...