Direction

 

L'angle de braquage d'une roue n'est pas fonction exclusive de la consigne donnée au volant, mais dépend également de l'angle de braquage induit par les débattements de la suspension et des braquages induits par la souplesse de l'ensemble de la chaîne de direction et des trains.

Le mécanisme de transmission de la direction doit être "asymétrique", de manière à ce qu'un effort faible au volant donne un effort suffisant à la roue, mais inversement que les réactions de direction ne remontent pas de manière excessive au conducteur. Un compromis doit cependant être trouvé sur ce dernier point, car le "senti" de la route est quand même essentiel à la conduite.

Deux systèmes sont principalement utilisés sur les essieux à roues indépendantes : le boîtier de direction et la crémaillère. Cette dernière solution est réputée plus précise, mais il est difficile d'établir des tests permettant de quantifier la différence.

L'axe autour duquel la roue pivote lors du braquage, appelé axe de pivot, est généralement défini par deux rotules. Cet axe est incliné d'un angle apiv, et son intersection avec le sol définit le déport au sol d.

 deport au sol

Le déport est parfois réglé de manière à être négatif, ce qui assure une meilleure stabilité au freinage lorsque l'adhérence est différente entre deux roues d'un même essieu. Un déport nul permet d'annuler les réactions dans la direction lorsque la roue est soumise à un effort longitudinal.

L'axe de pivot est également incliné lorsque l'on regarde la voiture de côté : c'est l'angle de chasse acha. L'intersection de cet axe avec le sol définit la chasse c (qui est une distance).

chasse

Cette chasse c, qui est de nature géométrique, s'ajoute algébriquement à la chasse pneumatique déjà évoquée, le tout ayant une importance fondamentale sur la stabilité et le "senti" de la direction. Dans cette vue de côté, on constate que l'axe de pivot ne passe pas par le centre de la roue. Ce décalage est fréquemment nul sur les véhicules de tourisme, mais ce n'est pas une nécessité. Au contraire, un tel décalage peut permettre de faire varier la chasse indépendamment de l'angle de chasse.

L'angle de chasse varie avec le rebond de la suspension, en plus de l'effet dû au tangage. La variation de chasse avec le débattement est en général un phénomène indésirable.

Lorsque la roue est braquée, l'angle de chasse et l'angle de pivot affectent l'angle de carrossage. Grossièrement, à 30o de braquage, la variation de l'angle de carrossage est de 0.15o par degré d'inclinaison de pivot, et est proportionnelle au carré de l'angle de braquage.

De même, à 30o de braquage, la variation de l'angle de carrossage est de -0.5o par degré de chasse, et est linéairement proportionnelle à l'angle de braquage.

Les systèmes de direction sont des combinaisons complexes d'éléments sujets à différents modes de vibration. Heureusement, la dynamique du véhicule est surtout du domaine des basses fréquences, et l'on peut se contenter de modèles simplifiés. Les inerties les plus importantes sont celles des roues (env. 1 kg m2 chacune autour de l'axe de pivot), et celle du volant (env. 0.04 kg m2). Comme les deux sont reliées par la démultiplication de la direction (de l'ordre de 20), et que les inerties sont proportionnelles au carré de la démultiplication, l'inertie du volant ramenée à la roue est de l'ordre de 16 kg m2, rendant l'inertie de la roue quasiment négligeable. La flexibilité la plus importante est celle de la colonne de direction, dont la raideur est d'environ 25 Nm/rad.

Le couple nécessaire pour braquer les roues d'un véhicule est bien évidemment plus important à l'arrêt qu'en marche. Il peut être approché, dans le premier cas, par :

C = \mu Fv1.5/(3p0.5)

où p est la pression de gonflage, Fv la charge verticale et \mu le coefficient d'adhérence.

En roulage, la flexibilité angulaire de la colonne de direction est d'importance, et il faut pouvoir être capable de calculer le couple de braquage par rapport à l'axe de pivot. Cela comprend un couple pour fournir l'accélération angulaire de la roue (faible), auquel s'ajoute un couple qui équilibre les efforts que le sol exerce sur les pneus, ainsi que le couple de traction, et éventuellement la raideur de torsion des ressorts dans le cas d'une jambe McPherson.

Le couple moteur intervient pour les roues motrices ou pour des freins montés inboard. Le couple de braquage correspondant est simplement la composante du couple moteur projetée sur l'axe de pivot. Ca s'équilibre théoriquement, sauf en cas de roulis ou si les couples aux roues sont différents à cause de la présence d'un différentiel à glissement limité.

Les conséquences des efforts sur les pneus sont calculées en considérant les trois forces et les trois moments au centre de la zone de contact du pneu au sol. Le moment de résistance au roulement ainsi que le moment de renversement sont négligeables dans ce contexte. Il reste les effets suivants :

Ces moments, qui agissent par rapport à la verticale, peuvent être décomposés suivant l'axe de pivot. La somme pour les deux roues est

Ma = (MzD+MzG) cos (\phi2+acha2)0.5

Ce moment tend à ramener la direction en ligne droite.

Du fait de la chasse, les efforts latéraux FyD et FyG aux roues droite et gauche agissent, par rapport à l'axe de pivot, à une distance c.cos (acha), ce qui crée pour un essieu, et si acha est petit, un moment ML = (FyD+FyG).c, et confirme l'effet de stabilisation obtenu par une chasse positive, effet qui s'ajoute donc à celui des moments d'alignement.

Du fait du déport, les efforts longitudinaux FxD et FxG créent un moment MT = (FxG-FxD).d. Si les conditions sont symétriques, le moment est nul. Mais ce n'est pas forcément le cas si les conditions sont différentes entre les deux voies, que ce soit au freinage ou à l'accélération dans le cas d'un différentiel à glissement limité.

Du fait de l'inclinaison de l'axe de pivot, lorsque la roue est braquée d'un angle a, une composante Fv sin \phi (où \phi est l'angle de roulis) agit avec un bras de levier ba sin a, où ba est le déport perpendiculaire à l'axe au niveau du moyeu. Pour les deux roues, le moment résultant est

MVi = -(FvD+FvG).ba sin (\phi) sin (a)

Ce moment est indépendant du transfert de charge, les deux roues agissant dans le même sens. Il explique le soulèvement de l'avant d'un véhicule lors du braquage.

Du fait de l'angle de chasse, la composante Fv sin (acha) agit avec un bras de levier d.cos (a), ce qui provoque pour les deux roues un moment

MVc = (FvG - FvD) d sin (acha) cos (a)

Les contributions de chaque roues sont opposées, et l'effet global dépend donc des transferts de charge.

Application numérique très grossière :
Considérons une berline de 1400 kg, avec 700 kg sur le train avant. Le couple maxi à la roue est 123.5 Nm. Avec 70o d'angle entre l'arbre de transmission et l'axe de pivot, la composante due au couple moteur est de 420 Nm. Du fait du roulis, les déséquilibres seront de l'ordre de 40 Nm. Avec un différentiel à glissement limité (d.g.l), le déséquilibre pourrait être maximal, donc de 420 Nm. Le moment d'alignement s'élèvera à 5000 N sur 30 mm, soit 150 Nm. Avec 5o de chasse, la chasse est de 30 mm, ce qui donne 150 Nm à partir des efforts latéraux. L'effort de traction avec un d.g.l donnerait jusqu'à 2500 N sur 30 mm de déport, soit 75 Nm.

Du fait des forces verticales, l'effet dû à l'angle de pivot (15o) donne 60 Nm avec 30o de braquage et 60 mm de déport au moyeu. La contribution de la chasse est ici de 18 Nm.

On comprend donc que la composante due au couple moteur est prépondérante dans le cas d'un d.g.l. Avec un différentiel simple, ce sont les moments d'auto-alignement et les efforts latéraux qui prennent le dessus.

En pratique, la sensation au volant est modulée en ajustant la chasse à travers l'angle de chasse pour obtenir la relation voulue entre l'effort latéral et le couple total d'alignement, ce qui permet de renseigner le conducteur sur l'approche de la limite d'adhérence des pneus. Le fait d'augmenter la chasse décale le couple de braquage maxi vers la force latérale maxi, ce qui retarde l'apparition de la sensation de légèreté au volant.