Eléments de suspension

Même si une suspension est constituée d'éléments dont la souplesse est non nulle, il est plus simple de commencer par l'analyser comme si elle était constituée d'éléments rigides, quitte à ajouter les effets des déformations par la suite.

En analyse bidimensionnelle, un objet quelconque est défini par trois degrés de liberté. Par exemple, la position d'une barre peut être localisée si l'on connaît les coordonnées x et y d'un point de cette barre ainsi que l'angle que forme cette barre avec une direction de référence.

Même dans des mouvements complexes, on peut identifier ce que l'on appelle un centre instantané de rotation (CIR). Cette notion est en fait associée à un couple d'objets. Ainsi, si une barre est articulée en rotation, le CIR se situe évidemment à l'articulation. Mais il désigne le centre de la rotation de la barre par rapport au bâti sur lequel est fixé l'articulation.

Lorsque l'on est en présence de trois objets A, B et C, le théorème de Kennedy-Arronhold dit que les CIR des trois paires que l'on peut former (AB, AC et BC) sont alignés.

 kennedy-arronhold

Dans cet exemple, MN est articulé sur NO, qui est articulé sur OP. Si l'on considère le mouvement par rapport à MN, il est clair que O ne peut se déplacer qu'orthogonalement à NO. De la même manière, P ne peut se déplacer que perpendiculairement à OP. Comme la vitesse vP/N de P par rapport à N est la somme de vP/O et de vO/N, qui sont tous deux perpendiculaires à NOP, vP/N est également perpendiculaire à NOP. Donc le CIR de MN par rapport à OP doit être quelque part sur NO, ce qui signifie que les 3 CIR sont sur la même ligne.

En deux dimensions, la connection entre deux objets est soit de type glissière soit de type pivot. En pratique, une glissière est rectiligne, et l'un des deux objets a un degré de liberté par rapport à l'autre. Un pivot également, mais la position doit être spécifiée par un angle. On peut obtenir deux degrés de liberté (pas plus, puisqu'on se restreint à un mouvement 2D ...) en combinant deux éléments en série.

Mécanismes générateurs de mouvement rectiligne

On cherche souvent à assurer un mouvement rectiligne à un point donné d'un élément de suspension, et il y a plusieurs moyens d'y arriver approximativement, en pratique. La solution la plus simple est celle de la glissière, évidemment. Sa compacité, et l'exactitude du mouvement, en ont parfois fait une solution de choix en compétition, mais elle n'a pas été retenue en série pour des raisons de transmission du bruit et d'usure. La deuxième solution envisageable par ordre croissant de complexité, c'est une barre simplement articulée, aussi connue sous le nom de barre Panhard.

 barre Panhard

Le guidage n'est évidemment pas parfait, mais ses avantages surpassent l'imprécision de l'approximation réalisée. Si la longueur de la barre est L, un déplacement h provoque une erreur latérale de L(1-cos \theta), où sin \theta = h/2L. Cette erreur est de l'ordre de h2/8l, ce qui montre qu'elle est proportionnelle au carré du déplacement, et inversement proportionnelle à la longueur de la barre. Une deuxième erreur peut survenir lorsque la barre n'est pas perpendiculaire à la trajectoire souhaitée.

Le mécanisme de Watt fournit une troisième solution au problème qui nous occupe. C'est en fait un développement de la barre Panhard, qui introduit un système de compensation des erreurs :

mecanisme de Watt

L'erreur dépend (tout comme le débattement maximum autorisé) de la longueur de la liaison CDE. L'erreur est négligeable sur près de la moitié de la course verticale.

Ce mécanisme peut être généralisé : il n'est en effet pas nécessaire que les bras AB et DE soient de la même longueur, tant que C est disposé de manière à minimiser les erreurs. Pour résumer, on doit placer C du côté du plus grand bras, de façon à ce que l'on ait BC/CD = DE/AB. On peut même disposer les deux bras du même côté :

mecanisme de Watt 2 

Bien d'autres mécanismes ont été proposés (Roberts, Tchebichef, Evans, Aston-Martin, Mumford, Adex, ...)

En pratique, en se limitant ici à deux dimensions, les solutions retenues pour assurer le guidage vertical d'une roue se résument aux trois schémas suivants :

- l'essieu brisé :

 essieu brise

- les doubles triangles superposés :

double triangulation

- un triangle + une jambe

 Mc Pherson

Analyse tridimensionnelle

En 3D, un objet non contraint possède 6 degrés de liberté (ddl). Pour un angle de braquage donné, une roue possède deux ddl. Le premier est la rotation correspondant au roulage, le second permet l'action verticale de la suspension. Compte tenu de l'obligation de laisser le premier cité libre (et pour cause ...), il convient donc de supprimer quatre ddl, ou, ce qui revient au même, de contraindre cinq des six ddls du support de la roue pour obtenir ce qu'on appelle une suspension à roues indépendantes.

Compte tenu des spécificités des liaisons "classiques" (3 ddl pour une rotule, 2 pour un joint universel, 2 pour un pivot glissant, 4 pour un corps rotulé sur un triangle, 4 pour la tige mobile d'un amortisseur rotulé à l'autre extrémité, ...), les combinaisons pratiques permettant de contraindre 5 ddl sont les suivantes :

- bras rigide
- deux triangles + une barre
- un triangle + une barre + un amortisseur
- un triangle + 3 barres
- un amortisseur + 3 barres
- 5 barres 

Les sytèmes à roues dépendantes sont ceux pour lesquels le positionnement d'une roue dépend directement du positionnement de l'autre roue du même essieu. La dépendance doit être fondamentalement géométrique, ce qui signifie qu'une barre anti-roulis, par exemple, n'est pas considérée comme un élément rendant un système dépendant.

Eléments élastiques

Ce sont des éléments conçus pour obtenir une souplesse non négligeable, et classés généralement selon le matériau utilisé. C'est, dans le domaine de la dynamique du véhicule, plus leur raideur qui intervient que la manière dont cette raideur est obtenue. Que le milieu élastique soit de l'azote, du caoutchouc ou de l'acier importe donc peu.

L'utilisation d'un gaz permet d'accumuler une grande quantité d'énergie à l'aide d'une masse réduite, même si l'on tient compte du nécessaire réservoir. Il y a par ailleurs quatre éléments élastiques à air montés d'origine sur une voiture : les pneus ...

Parmi les solides, le caoutchouc est un matériau de choix. Si l'on choisit des constituants métalliques, il faut impérativement que les éléments travaillent en flexion ou en torsion, car la raideur en traction/compression est beaucoup trop élevée. La flexion est utilisée dans les ressorts à lames, aujourd'hui cantonnés aux véhicules industriels, alors que la torsion est utilisée dans les barres de torsion ou les ressorts hélicoïdaux, qui ne sont d'ailleurs rien d'autre que des barres de torsion ... de forme hélicoïdale.

Le ressort peut être amené à travailler sur n'importe quelle partie mobile de la suspension. Il est généralement enroulé autour de l'amortisseur sur une jambe McPherson, ou vient prendre appui sur un triangle lorsque l'on a une double triangulation superposée. Dans ce cas, on le fixe si l'on peut sur le triangle inférieur pour gagner en compacité, ou sur le triangle supérieur si un demi-arbre de transmission gêne le passage.

En compétition, pour diminuer la traînée et donc ramener "à l'intérieur" tout ce qui peut l'être (dont le ressort), on utilise fréquemment des biellettes de renvoi, basculeurs, poussoirs, etc ...

En général, la compression ou l'extension du ressort est différente du déplacement de la roue, et le ratio déplroue/déplressort n'est pas constant. L'effort au ressort est souvent plus important qu'à la roue, mais comme l'amplitude des déplacements est réduite en conséquence, les besoins en termes de capacité de stockage d'énergie ne dépendent pas de ce ratio. Pour obtenir une raideur donnée à la roue, la raideur du ressort doit varier proportionnellement au carré du ratio.

Les mouvements de roulis et de pompage sont conditionnés non seulement par les raideurs à chaque roue, mais aussi par la manière dont les raideurs de deux roues d'un même essieu sont connectées entre elles. Ainsi, la barre anti-roulis fournit une raideur en roulis, mais n'en a aucune en pompage :

 barre anti-roulis

Inversement, la barre dite "en Z" n'offre qu'une raideur de pompage :

barre en Z

On peut donc obtenir, à l'aide de ces deux systèmes, n'importe quelle combinaison "raideur en roulis / raideur en pompage".

En pratique, on cherche surtout à augmenter, pour lutter contre le roulis, la raideur obtenue simplement à l'aide des ressorts (dimensionnés vis-à-vis du pompage), et on leur adjoint donc une b.a.r.

La distribution de raideur en roulis entre les essieux AV et AR a une influence importante sur la tenue de route, et il est assez habituel sur les véhicules de compétition qu'au moins l'un des deux essieux soit réglable en roulant.

Pour le tangage, contrairement au roulis, la raideur obtenue par les seuls ressorts est largement suffisante, voire excessive compte tenu des impératifs de confort. On peut alors chercher à la diminuer, par exemple en utilisant une barre en Z entre les essieux AV et AR. Mais les systèmes de suspension hydrauliques présentent à ce sujet un avantage indéniable.

L'augmentation de la raideur de tangage n'est recherchée qu'en compétition (par exemple pour limiter les variations de Cz, très sensible à "l'angle d'incidence" de la voiture), et peut passer par l'utilisation d'une barre en U, i.e d'une barre "anti-roulis" disposée longitudinalement.