Modèles de pneu sous charge latérale

 

Les modèles employés pour représenter le comportement d'un pneu ne sont pas phénoménologiques, dans la mesure où ils ne sont pas dérivés des propriétés du matériau ou de la structure du pneu. Dans le modèle le plus communément employé, on décompose la zone de contact en éléments indépendants, chacun étant relié au sol par une raideur latérale. Un autre modèle, celui de la corde, introduit la notion de tension entre des éléments successifs. Enfin, un modèle de poutre introduit la flexion entre un élément et ses voisins. Revenons au premier :

 modèle de ressorts en parallèle

Le déplacement de la bande de roulement peut être représenté comme suit :

déformation bande roulement 

Cette modélisation permet de calculer la force nécessaire pour écarter un élément de longueur dx d'une longueur d :

dF = c.d.dx.

En intégrant sur la longueur L de la zone de contact, on a donc

F = Int0->L [c.d]dx

Le moment exercé autour de l'axe vertical est

M = Int0->L [c.d (x-L/2)]dx

La force normale par unité de longueur étant supposée uniforme, donc égale à Fv/L, la condition de non-glissement s'écrit

c.d < \mu.Fv/L

 regime lineaire 

Le déplacement latéral maximum est donc

dmax = \mu.Fv/(L.c)

Si l'on note S = tan(\alpha) le glissement latéral, on a pour des petits angles de glissement

d = L.tan(\alpha) = S.L,

donc S < dmax / L, soit

S < \mu.Fv / (L2.c)

En prenant les valeurs suivantes :

on obtient un angle de glissement de l'ordre de 3o, et un déplacement correspondant de 9 mm. Pour des glissements aussi limités, l'hypothèse faite que le déplacement est "triangulaire" est à peu près valable. La force latérale est alors proportionnelle au glissement :

Fy = ½ cL2S

soit, comme S ~ \alpha pour des petits glissements,

Fy = ½ cL2 \alpha

La raideur associée ky = dFy/d\alpha est donc ½ cL2 (soit de l'ordre de 50 kN/rad avec les valeurs numériques retenues ci-dessus). La force maximum de non-glissement est ½ cdmaxL, soit ½ \mu Fv. Un tel modèle prédit donc que le glissement intervient lorsque la force latérale atteint la moitié de la force de frottement totale "disponible".


La résultante de la force latérale agit au centre de gravité du triangle, donc à L/6 en arrière du point milieu (c'est ce qu'on appelle la chasse pneumatique). Le moment d'auto-alignement est alors

Mz = Fy L/ 6 = cL3S / 12

ce qui est donc proportionnel au glissement. La chasse pneumatique mesurée en pratique est plus importante (t/L étant de l'ordre de 0.2 à 0.35) pour des petits angles de glissement.

Il est important de noter que la pente de la courbe entre force latérale et glissement ne dépend pas du coefficient de frottement au sol, mais de la raideur c, donc de celle due à la carcasse et à la bande de roulement.

Lorsque l'angle de glissement augmente encore, on passe dans la situation suivante :

 regime sature

 

La zone xs < x < L est appelée zone de glissement. On a S = dmax / xs, soit, compte tenu de :
dmax = \mu Fv / (cL),

xs = \mu Fv / (cLS)

Le calcul de la force latérale donne alors

Fy = \mu Fv - (\mu2Fv2)/(2cL2S)

Le moment d'auto-alignement est après calcul

Mz = (cLdmax2)/(4S) - (cdmax3)/(6S2)

On constate donc que pour un angle plus grand que la limite de non-glissement, le moment d'auto-alignement peut diminuer même si la force augmente.

Ce modèle, bien que fort simple, permet donc de dériver des courbes en bon accord avec les données expérimentales, à condition de calibrer les paramètres empiriques. La principale différence vient de ce que l'on observe expérimentalement des moments d'auto-alignement négatifs pour de grands angles de glissement. Ceci est dû entre autres à la dissymétrie avant/arrière de la distribution de la force verticale, qui permet un frottement plus important dans la moitié avant de la zone de contact.

La raideur transversale ky introduite ci-dessus est en général normalisée par la force verticale Fv pour donner ce qu'on appelle le coefficient de raideur transversale Cs :

Cs = ky / Fv

Cs est de l'ordre de 10/rad pour un pneu radial, et de 8/rad pour un pneu diagonal.

On peut revenir au repère véhicule pour décomposer la force latérale en ses composantes centrale et de traînée. Comme l'accélération centripète est donnée par la force centrale, cela permet de constater qu'elle passe par un maximum pour un angle d'environ 20o, pour diminuer ensuite.

Le ratio (force de traînée)/(force centrale) est similaire au ratio traînée/portance pour une aile. En négligeant la résistance au roulement, il se réduit au glissement. On comprend donc l'intérêt de pneus à grande raideur latérale, puisque la traînée est moindre pour un même effort central.