Dynamique du véhicule en régime permanent

 

Nota : on appelle "gain" la sensibilité de la réponse d'une quantité quelconque à l'angle de braquage.

La courbe de base en dynamique du véhicule est celle qui donne l'angle de braquage en fonction de l'accélération latérale pour un rayon de trajectoire donné. L'angle de braquage est la somme de l'angle de braquage cinématique acin déjà vu, et d'un terme appelé angle de braquage dynamique, qui est l'angle supplémentaire requis pour obtenir l'accélération latérale voulue.

Il y a deux approches principales pour représenter la dynamique du véhicule en régime permanent. La première est la méthode dite cinématique, car elle relie des termes cinématiques (rayon de courbure, vitesse de lacet, accélération latérale) aux grandeurs d'entrée (vitesse et braquage au volant). La seconde, plus complexe, est la méthode des moments, et étudie la force latérale et le moment de lacet en fonction du lacet et du braquage. Cette méthode sera davantage utilisée dans le domaine transitoire, et on se limitera ici principalement à la première.

Le modèle le plus simple pour cette étude est celui dit "2 roues". On réduit en fait la paire de roues d'un essieu à une seule roue, et on néglige toute suspension. Ce modèle n'a qu'un lointain rapport avec celui d'une moto, car on ne tient pas compte ici de la capacité des deux-roues à se pencher dans les virages.

modele bi-roues

Une accélération latérale donnée alat impose un même facteur Fy/m à l'avant et à l'arrière. A ce facteur correspondent deux angles de glissement \alphaav et \alphaar (il n'y a aucune raison pour que ces angles soient identiques ...). Le conducteur doit donc fournir un "complément" de braquage égal à la différence entre ces angles de glissement. On appelle ainsi angle de sous-virage \alphasv la différence \alphaav - \alphaar. C'est l'angle de braquage dynamique dont on parlait ci-dessus.

On a vu plus tôt qu'en cas d'accélération latérale réduite, l'angle de braquage cinématique est approché par L/R. On peut donc écrire, dans le cas général, que l'angle de braquage est

\delta = L/R + \alphasv

On peut réécrire cette expression sous la forme R = L / (\delta - \alphasv)

On constate alors que lorsque \alphasv augmente, le rayon augmente.

Typiquement, les essais de caractérisation d'un véhicule passent par un test standard, qui consiste à faire évoluer le véhicule sur un virage à rayon constant, et à augmenter progressivement la vitesse. Une caractéristique importante de sa dynamique est donnée par l'allure de la relation entre l'angle de braquage à imprimer au volant pour maintenir le rayon de courbure fixé et l'accélération latérale. Cette courbe est à peu près linéaire jusqu'à 3 m.s-2, voire 4.5 m.s-2 pour une voiture performante. On appelle ça le régime dynamique primaire. Le régime secondaire va de 3 à 6 m.s-2, les transferts de charge latéraux devenant importants. Au-delà, les effets de friction sont prépondérants ...

Dans le domaine primaire, on peut écrire

\delta = L/R + ksv alat

où ksv est le gradient (ou coefficient) de sousvirage et alat l'accélération latérale. Une valeur typique pour ksv est 3 deg/g.

Plus formellement, ksv est défini par d\alphasv/dalat.

Si R n'est pas constant, la composante cinématique de l'angle de braquage varie aussi et vaut acin = L/R = Lalat/v2. On appelle gradient d'angle de braquage cinématique le coefficient

kcin = dacin/dalat = L/v2.

Si l'on note \rho = 1/R la courbure, on a :

\delta = \rho (L + ksvv2)

Le gain de la réponse en courbure G = d\rho / d\delta s'écrit alors

G = (1/(1+(ksv/L)v2))/L

Il dépend donc du carré de la vitesse, et cette dépendance est influencée par le rapport ksv/L, parfois appelé facteur de stabilité fs. On définit, en faisant l'hypothèse que ksv est positif, une vitesse caractéristique vca = (L/ksv)1/2. Dans le cas d'un véhicule survireur, donc d'un ksv négatif, on parlera plutôt de vitesse critique vcr = (-L/ksv)1/2.

On désigne par facteur de réponse fr la part du terme de vitesse dans l'expression de G :

fr = (1/(1+(ksv/L)v2))

et son inverse U = 1/fr est le facteur de sousvirage : U = 1+(v/vca)2

Un facteur de réponse élevé signifie que pour une consigne donnée au volant la réponse latérale sera importante. Si ksv est positif, le facteur de réponse diminue avec la vitesse. Si ksv est négatif, en revanche, le facteur de réponse tend vers l'infini lorsque la vitesse tend vers la vitesse critique : un tel véhicule est directionnellement instable.

 

Sous-virage et sur-virage

"Le sous-virage, c'est quand le conducteur a peur. Le sur-virage, c'est quand le passager a peur" (Anon.)

Si cette expression laisse entendre ce que signifient sous- ou sur-virage dans des conditions limites, il faut précisément faire la distinction entre ces conditions limites et des conditions plus "normales". Les notions associées n'ont alors pas forcément exactement la même signification.

Il faut tout d'abord bien comprendre que le sous-virage est donné par le signe du gradient de sous-virage ksv = (d\delta / dalat)R, et non par le simple angle de sous-virage. On peut très bien avoir un angle de sous-virage positif et en même temps un gradient négatif.

La représentation du comportement d'un véhicule en régime primaire et permanent peut être ramenée à trois quantités constantes : le gradient de roulis krou, le gradient d'attitude katt, et le gradient de sous-virage ksv. Les deux premiers sont les coefficients de proportionnalité reliant les angles de roulis et d'attitude à l'accélération latérale. On a donc, en régime linéaire :

\phi = krou alat

puisqu'on peut faire l'hypothèse que le roulis est nul lorsque l'accélération latérale l'est également, et

\beta = katt alat + \betacin

où \betacin est l'angle d'attitude cinématique -b/R

krou dépend de la hauteur du barycentre des masses suspendues, de la raideur totale en roulis et de la hauteur de l'axe de roulis. katt dépend principalement du coefficient de raideur transversale des pneus arrière.

Revenons au modèle à deux-roues déjà vu, et intégrons l'effet de la suspension. On écrit alors

\delta = L/R + (agAV - agAR) + \deltasuspAV + \deltasuspAR

où \deltasuspAV et \deltasuspAR sont notés positifs lorsqu'ils vont dans le sens du sous-virage. Ainsi, \deltasuspAV est positif lorsque la roue avant essaie de diminuer l'effort latéral, et \deltasuspAV est positif lorsque la roue arrière essaie d'augmenter cette force latérale.

Le gradient correspondant de l'angle de braquage est

kbr = kcin + ksusp + kpn

où ksusp est la somme des termes dus à la géométrie et aux flexibilités et kpn est le gradient dû au pneu d\alphasv\dalat. L'effet géométrique provient du braquage et du carrossage induits par le roulis.

La tableau ci-dessous résume les contributions (en degrés par g) des différents éléments pour un véhicule standard à différentiel libre :

 

Facteur

Avant

Arrière

Avant - Arrière

Flexibilité du pneu

6

6

0

position du centre de masse

0.6

-0.6

1.2

variation

-0.3

0.3

-0.6

braquage induit par le roulis

0.5

-0.5

1.0

effet sur le braquage du carrossage induit par le roulis

0.2

0.5

-0.3

flexibilité due à l'effort latéral

0.2

0.2

0

flexibilité due au moment d'alignement

1.1

0.1

1.0

 

 

 

 

Total

8.4

5.9

 


La différence des deux colonnes (ici 2.5) donne le gradient de sous-virage.

Etudions maintenant plus en détail les contributions à katt et ksv. Sur un modèle à deux roues de raideur latérale klat identique à l'AV et à l'AR, et dont le centre de gravité est à mi-empattement, on a

\alphaAV = \alphaAR = malat/(4klat)

soit

katt = m/(4klat) et ksv = 0.

Avec m =1200 kg et klat = 500 N/deg, les ordres de grandeur sont donc katt = 6 deg/g.

Si, maintenant, G est en avant du point milieu, on arrive à 

\alphaAV = bmalat/(Lklat)
\alphaAR = amalat/(Lklat)

soit

katt = am/(Lklat)
ksv = m(b-a)/ (2Lklat)

Les ordres de grandeur sont maintenant resp. de 5.4 deg/g et 1.2 deg/g. Le fait d'avancer G a donc diminué katt et augmenté ksv.