Quelques principes de base de mécanique des fluides,
méca flu pour les intimes

 

Un fluide est une substance qui se déforme de manière irréversible sous l'action d'un effort de cisaillement. Un solide, au contraire, est capable de résister de manière élastique à un tel effort (c'est-à-dire de revenir dans son état initial après sollicitation), du moins tant que l'intensité ne dépasse pas un certain seuil.
La relation entre l'effort et la vitesse de déformation d'un fluide caractérise sa viscosité (voir la page consacrée aux viscosités cinématiques et dynamique). La résistance due à la viscosité est en outre, pour un fluide, indépendante des efforts normaux (c'est-à-dire de la pression), alors que l'effort de cisaillement entre deux solides en glissement relatif est complètement dépendante de cette force normale.

La mécanique des fluides peut être sous-divisée en deux catégories : l'hydrodynamique et la dynamique des gaz.
La première étudie les écoulements pour lesquels les changements de densité sont négligeables (l'écoulement d'un liquide ou d'un gaz à basse vitesse, par exemple). L'hydraulique, qui consiste à étudier les écoulements dans des tuyaux, entre dans cette catégorie.
La dynamique des gaz, d'un autre côté, traite d'écoulements qui s'accompagnent de changements de densité considérables. Enfin, l'aérodynamique, qui s'occupe d'écoulements incompressibles à basse vitesse ou compressibles à haute vitesse autour de corps solides, reste un peu à part.

Un système, en mécanique des fluides comme en thermodynamique, désigne une quantité donnée de matière. Les propriétés qui sont liées à la masse du système sont dites extensives. Celles qui en sont indépendantes sont dites intensives (la pression et la densité, par exemple).

La capacité d'une substance à stocker de l'énergie sous forme thermique est caractérisée par la chaleur spécifique. C'est par définition la quantité de chaleur qu'il faut apporter à un kilo d'une susbtance pour augmenter sa température d'un degré. Si ce changement de température a lieu à volume constant, la chaleur spécifique est identifiée par cv. S'il a lieu à pression constante, on utilise cp. Le rapport cp/cv est une caractéristique constante d'un gaz.

L'énergie interne spécifique u et l'enthalpie spécifique u + p/(\rho) sont, pour des gaz parfaits, seulement dépendantes de la température. Elles sont exprimées en J/kg.

1) Viscosité

La variation de la viscosité d'un gaz avec la température est approchée par la relation de Sutherland

\mu / \mu0 = (T/T0)3/2(T0+S)/(T+S)

où \mu0 est la viscosité à la température T0, et S est la constante de Sutherland, qui vaut par exemple 111 K pour l'air. On obtient dans ce cas une approximation à +/- 2% sur une plage allant de 170 à 1900 K.
Si, pour un gaz, cette augmentation de la viscosité avec la température est due à l'augmentation des interactions entre molécules qu'entraîne une plus grande agitation thermique, ce n'est pas le cas pour les liquides. Dans leur cas, la viscosité est principalement due aux forces de cohésion entre les molécules; forces dont l'intensité décroît lorsque la température augmente (tout comme pour les solides). La relation entre viscosité et température est approchée par une relation du type

\mu = C eb/T

où C et b sont deux constantes propres à chaque liquide.

2) Elasticité

La compressibilité d'un fluide est caractérisée par un module Ev qui relie la variation de masse volumique avec une variation de pression.

Ev = \rho dp / d\rho

Pour l'eau, Ev vaut approximativement 2.2 GN/m2, ce qui signifie qu'une variation de pression de 22 MN/m2 (220 bars) provoquera une variation de volume d'environ 1 %. Pour un gaz parfait, dp / d\rho = RT, ce qui implique que lors d'un processus à température constante, Ev = \rho RT = p : l'élasticité d'un gaz parfait est égale à la pression. Si le processus est adiabatique, on obtient Ev = k.p, où k est le ratio des chaleurs spécifiques cp/cv.

3) Statique des fluides

Dans un fluide au repos, il n'y a pas de gradient de vitesse. Les efforts de cisaillement sont donc nuls, seules subsistent les forces de pression. Dans un système fermé, un changement de pression produit en un point est intégralement "transmis" à travers tout le système.
La pression varie avec l'altitude selon la relation simple dp/dz = - \rho.g, qui s'obtient en écrivant l'équilibre d'un volume élémentaire de fluide soumis aux efforts de pression et de pesanteur. Si l'on suppose la densité constante, donc ne variant pas avec z, on obtient

p + \rho.g.z = constante

Si la densité n'est pas constante, il faut intégrer l'équation différentielle en tenant compte de la relation entre masse volumique et altitude. Prenons le cas de la troposphère, la couche basse (z < 13.7 km) de l'atmosphère. La température y varie en bonne approximation selon la relation dT / dz = - 5.87 K/km (elle atteint ainsi environ -60°, reste constante jusqu'à 16.8 km, puis remonte de manière monotone jusqu'à environ -40° à 30 km). En utilisant la loi des gaz parfaits, on a :

dp/dz = -pg / (RT)

soit

dp/dz = -pg / [R(T0-5.87(z-z0))]

qu'il ne reste plus qu'à intégrer.

4) Dynamique des fluides

Le mouvement peut être décrit de deux manières différentes selon qu'on adopte un point de vue Eulérien ou Lagrangien. Dans l'approche Lagrangienne, on s'accroche à une "particule" fluide et on suit son mouvement. L'approche Eulerienne consiste à se placer en un point donné et à décrire le mouvement des particules qui passent par ce point. Si la première méthode est bien adaptée aux problèmes de mécanique des solides, le point de vue Eulérien est en revanche très majoritairement plébiscité en dynamique des fluides.

Un écoulement peut être visuellement décrit en traçant les lignes de courant, qui sont telles que le vecteur vitesse d'une particule fluide située sur une ligne de courant est tangent à celle-ci. Ces lignes de courant peuvent être calculées analytiquement, dans le cas d'écoulements "simples", incompressibles et non-visqueux, ou numériquement, à l'aide des nombreux codes de calcul de dynamique des fluides.

Dans un écoulement uniforme, la vitesse est constante le long de chaque ligne de courant. Ces lignes sont alors droites et parallèles. Si elles sont courbes, convergentes ou divergentes, le flux est dit non-uniforme. On peut également définir les flux selon les variations de la vitesse avec le temps, et on aura un écoulement instationnaire ou stationnaire selon que la vitesse dépend ou non du temps.

5) La turbulence 

La notion de turbulence est caractérisée par l'action de mélange due à des tourbillons de dimensions diverses. Dans une conduite cylindrique, la vitesse d'un écoulement laminaire adopte une allure parabolique :

flux laminaire

Si l'écoulement est turbulent, la distribution de vitesse dans la section est différente : du fait de l'action de mélange, le fluide à basse vitesse près des parois est transporté vers le centre de la section, alors que le fluide "rapide" du centre est transporté vers les parois :

flux turbulent

La vitesse "maxi" est donc plus faible, mais la distribution de vitesses est plus homogène sur la section. En outre, cette vitesse ne peut être définie qu'en moyenne. Si on regarde à plus petite échelle, la vitesse de l'écoulement est en constante fluctuation, comme le montre la ligne en pointillés. Cependant, si l'on prend une moyenne temporelle sur un intervalle de temps suffisamment long, cette vitesse peut être constante, et l'écoulement sera alors dit stationnaire.

On quantifie la turbulence d'un écoulement à l'aide d'un nombre adimensionnel, le nombre de Reynolds

Re = v.D.\rho / \mu.

v est la vitesse de l'écoulement, D une dimension caractéristique (le diamètre de la conduite, ici), \rho la masse volumique et \mu la viscosité. Pour Re < 2000, le flux est considéré comme étant laminaire. Si Re > 2000, en revanche, il sera supposé turbulent. La dépendance de Re vis-à-vis de la masse volumique n'est pas forcément évidente, intuitivement : il ne tombe pas sous le sens qu'un fluide plus dense qu'un autre sera plus facilement turbulent. En revanche, la relation entre Re et la viscosité est beaucoup plus claire : il est bien plus simple de faire des tourbillons en remuant son café plutôt qu'un pot de miel ...

 La turbulence d'un écoulement s'observe à différentes échelles. Dans le cylindre d'un moteur, il y a des tourbillons de la taille de la chambre de combustion, ainsi que des tourbillons que l'on pourrait inclure dans une sphère d'1 millimètre de diamètre. L'énergie cinétique des tourbillons varie en fonction de leur taille. Les plus grands sont relativement faibles, mais l'énergie augment très rapidement quand la taille diminue, atteint un maximum pour les tourbillons dont la taille est environ 1/6ème de celle des plus grands, puis décroît de nouveau pour les plus petits d'entre eux.
La turbulence est consommatrice d'énergie, les mouvements à grande échelle étant instables et se divisant en mouvements de plus petites dimensions jusqu'à des échelles où la viscosité dissipe l'énergie. L'échelle à laquelle l'énergie est dissipée en chaleur est appelée micro-échelle de Kolmogorov, elle varie avec la puissance 3/4 de la viscosité cinématique. Dans un moteur, elle est de l'ordre de la dizaine de microns, alors qu'elle peut atteindre le millimètre dans l'atmosphère ou dans un océan.
L'énergie consommée par unité de masse de l'écoulement est u3 / L, où u est une vitesse moyenne de turbulence et L la dimension des tourbillons les plus énergétiques. Dans le cylindre d'un moteur, une application numérique simplifiée fait ressortir une valeur de l'ordre de 10 MW/kg. Cette valeur peut sembler énorme, mais il ne faut pas oublier que la masse y est d'environ 1 gramme ...