Départ vendredi de Paname, un peu en retard sur l'horaire prévu, évidemment. La moto est fine prête (elle ne se doute pas de ce qui l'attend, la pôôvre), le pilote aussi, concentré et rasé de près. Pour commencer, rien de tel qu'un petit bout de toroute. Ca ennuie très vite, et décuple l'impatience de voir les premiers virolos. Donc, cap sur l'A5. Les moustiques et autres IVNI (insectes volants ...) s'empilent très vite et j'y vois rapidement assez mal. Résultat : ma première pause, c'est pas pour la moto, c'est pas pour bibi, c'est pour nettoyer la visière. A 11h17, je passe sous un panneau lumineux qui indique 11h17. Il paraît que ce genre de coïncidences est vachement rare. Après m'être fait dépasser par une tripotée d'engins à quatre roues, et avoir dépassé un bus dont le conducteur semblait s'amuser à peu prés autant que moi, je prends la décision ô combien critique de faire une chtite pause réparatrice, pour ravitailler les différents protagonistes. Je mets 2 balles dans cette saleté de machine à café, appuie sur le bouton, puis attends. J'y serais toujours, si le sourire narquois de celui qui attendait derrière moi ne m'avait pas fait comprendre que le montant dont je m'étais acquitté était insuffisant. Sont couillons, aussi, à mettre exactement les mêmes machines qu'au boulot ... Retour sur ma monture, je prends l'A31 avant Langres, y fais 25 bornes, et sors, suivant fidèlement mon rot de bouc, à Montigny le Roi. La D417 vers Bourbonne les Bains est chiante, toute droite. Ca s'arrange vaguement après, mais le revêtement n'est pas toujours terrible. La DDE locale a même commis un beau tapis de gravillons à l'entrée et à la sortie de Chatillon sur Saône, heureusement bien signalé. Un peu avant St Loup sur Semouse, un panneau indique Plombières les Bains. Ca tombe bien, c'est là que je veux aller. Et quelques kilométres après avoir mis les pneus sur la D57 bis, la transition, fulgurante, a lieu : les lignes droites disparaissent, la température diminue, la végétation change (sans pourtant gagner en altitude). On est au fond d'une petite vallée, et certains coins sont encore humides, mais ca démange déjà un peu fort la main droite. N'étant pas en terrain connu, et comptant bien mener mon voyage à son terme, j'en garde cependant pas mal sous la poignée. C'est superbe, ceci dit, de part et d'autre de Plombières. On retombe ensuite sur de l'utilitaire avec la N57 avant Remiremont, et la D417, à peine mieux, jusqu'à Gerardmer. Un rapide coup d'oeil en passant sur le lac, dont les abords semblent charmants, et j'attaque la montée vers la Schlucht. Comme tout touriste stupide qui se respecte, attiré que je suis par les véhicules en stationnement au site du Rocher du Diable dans la montée, j'y fais une pause. La vue est belle, mais le résultat est gâché par l'espèce de brume qui m'accompagnait dès le départ et qui s'est un peu épaissie. J'irais personnellement jusqu'à parler de nuages, mais cette dénomination ferait sûrement sourire les locaux. En parlant de locaux, j'ai d'ailleurs plutôt l'impression d'être en terre étrangère, motocyclistiquement parlant. Comme prévu, les allemands sont présents en nombre. Ils se traînent, certes, mais pas autant que je le pensais. Je m'attendais à tomber sur d'interminables processions se déplaçant à 40 à l'heure, mais ils sont bien plus rapides. Au moins 45, à vue de nez. En-dehors de çà, ce sont effectivement les plus belles routes qu'on puisse trouver aussi près, pour nouzôtres parigots intoxiqués en manque. Ceci dit, en toute objectivité, c'est quand même un peu surfait :-) C'est surtout une question de revêtement, en fait, car le rythme est sympa, et la vue pas mal du tout. Enfin, quand la météo le permet, puisque mes 15 seules gouttes de pluie de tout mon périple, c'est là que je les ai récupérées. Direction Cernay, donc, par les D430 et 431. Histoire d'abréger un peu, je prends ensuite un bout d'A36 en direction de Besançon, et sors a l'Isle sur le Doubs, quelques kms après Montbéliard, pour attraper la N83 ; pas mal du tout, d'ailleurs, pour une nationale du coin, à l'exception d'une dizaine de kms de part et d'autre de Besançon, dont la traversée prend un bon 1/4 d'heure. Ca devient ensuite trop rectiligne après Quingey, raison pour laquelle je récupère l'A39 après Poligny pour aller un peu plus vite vers mon lieu de dodo. Pis bon, 775 bornes pour une première journée, ça le fait déjà suffisamment. Le lendemain, samedi 19 août, direction le Vrai Sud (tm). Contournage réglementaire de Lyon, donc, par les N346 et A46 qui semblent être au lyonnais ce que la N186 et l'A86 sont au parisien. Ceci dit, après avoir cru dans un premier temps que ledit lyonnais n'était pas aussi habitué aux deux-roues que le résident du nombril du monde, j'ai modulé mon jugement en me faisant à moi-même, en mon for intérieur, donc, la remarque judicieuse que de lyonnais, justement, il n'y en avait point, en ce jour de grande migration estivale. Et que le hollandais, ou l'allemand, avait lui davantage de raisons d'être surpris par ces imprudents qui osent remonter entre les files. Je fuis ces horreurs en quittant l'A7 à Condrieu, juste après Vienne. 3F de péage, bien bien bien. Pas gonflant du tout, d'enlever les gants, de se lever pour essayer de trouver trois malheureuses pièces de monnaie au fond d'une poche du falzar, de les donner au gentil préposé, et d'essayer de remettre les gants en moins de temps qu'il n'en faut au décérébré qui suit pour klaxonner ... Tout ça pour 3 balles ! La N86 jusqu'à Serrières n'a pas grand intéret. Mais les premiers kilomètres de la montée de Serrières vers Annonay, en revanche, mamma mia !!! Un vrai billard, 2 voies dans ce sens, des virolos parfaits, gargllll .... Dommage que ça soit si court. Je veux ensuite aller vers Lalouvesc, et me paume un peu dans Annonay. Il fallait en fait viser d'abord le centre-ville, avant de tomber sur le fléchage ad hoc. A partir de là, ca virole sévère de chez Monsieur Sévère. Le revêtement est correct jusqu'à Satillieu, mais ca se dégrade par la suite, et devient de plus en plus bosselé. Ca monte jusqu'à Lalouvesc, puis reste ensuite à altitude à peu prés constante (env. 1000 mètres) jusqu'à Noziéres par la D236 avant de redescendre sur Lamastre. Mais c'est vraiment _très_ bosselé, et c'est ce passage que mon embout de demi-guidon gauche a vraisemblablement choisi pour son émancipation, puisque j'ai constaté son absence en remontant sur mon tréteau après la pause réparatrice et gastronomique de la mi-journée, sur la place ensoleillée de Lamastre. J'espère qu'il mène aujourd'hui une vie heureuse, et tiens à ce qu'il sache que je ne lui en veux pas. Direction le Cheylard, et j'avais ensuite l'intention de rejoindre Privas en empruntant la D120 au début. Je ne sais pas quelle main divine m'a inspiré au moment de poser ces trois chiffres sur mon roadbook, parce que j'ai rencontré là le Paradis Terrestre du motard. Le cadre (gorges de l'Eyrieux) est sublime, le revêtement parfait. Le ciel était pur, les oiseaux chantaient, je n'ai pas du rencontrer un seul engin motorisé pendant les 26 bornes allant jusqu'aux Ollières sur Eyrieux. La visibilité est tout à fait suffisante, les virolos complètement aveugles étant rares, mais la route sait aussi ne pas tout dévoiler, tout de suite, aux yeux avides. Brèfle, j'avoue, j'y ai pété un boulon. A regretter de ne pas y avoir un moteur plus sonore, et à la mélodie plus suave : m'enfin bon, j'avais déjà suffisamment de frissons dans le dos, j'aurais risqué de tâcher mon pantalon ... Gourmand comme je suis, j'ai donc continué sur la D120 après les Ollières, mais la suite, bien que toujours sympathique, manque d'un soupçon de je ne sais quoi pour être aussi magique. Histoire de me remettre de mes émotions, je remonte sur l'A7 à Loriol, mais craque très vite. L'effet conjugué de la chaleur (fait toujours bon chaud, en général, sur les autoroutes), de la circulation dense, et de l'état des chiottes de l'aire de Montélimar achèvent de ... m'achever, et je sors à Montélimar Sud. Grignan, Valréas, Nyons, Vaison, rien de bien passionnant jusqu'à Malaucène. Les choses y changent évidemment, avec l'ascension du Ventoux. Moi qui n'en avais vu que des images du sommet, avec ses derniers lacets tout pelés, j'ai été un peu surpris. La végétation est en fait superbe sur 90 % de l'ascension, et la route fort propice à quelques excès ... Le revêtement se dégrade progressivement au fur et à mesure, et finit par être assez bosselé sur la fin. Mais il faut alors de toute façon ralentir le rythme, pour profiter du spectacle. Ceux qui, comme moi, ont plus l'habitude des sommets alpins en général entourés de congénères d'altitude équivalente seront surpris de constater que le Ventoux est vraiment seul au monde dans son coin. Par temps bien dégagé (il faisait très beau, mais l'horizon était malgré tout légèrement brumeux - une brume du sud, hmm, pas une brume vosgienne), on doit réellement voir très loin ... Et par rapport à la fournaise de la vallée du Rhône, la fraîcheur du sommet est la bienvenue. Humectation (humectage ? humecture ? ah oui, tiens, ça rime avec biture ; mais je n'ai bu qu'un Coca, promis juré) de gosier au sommet, ce qui permet de profiter gratuitement des toilettes (5 F pour les non-consommateurs, sans doute les chiottes les plus chères du monde ...), et descente de l'autre côté, vers Sault. C'est moins sympa de ce côté-là, et pas que parce que je préfère toujours les montées aux descentes ... La D950 ensuite, de Sault à Forcalquier, mérite une bonne note pour l'ensemble. Il y a des enchaînements vraiment très sympathiques, et le bitume est généralement en bon état. Je rejoins ensuite Manosque, traverse le Verdon à Vinon, puis vise Rians, et attrape enfin l'A8 à St-Maximin pour finir. Une grosse centaine de bornes assez vite (avec un italien en Volvo en guise de lièvre à 170/180) pour finir par les virages des Adrets, avant de sortir à Cannes. Il se faisait tard, j'étais attendu, mais il est évident que la N7 doit être préférée si votre séant vous laisse encore choisir. En ce qui me concerne, il avait choisi, c'était non. Incroyable ce que ça peut être dur, une selle de moto, quand même ... Suite au prochain épisode.