1. Forgeard revend une partie de ses billes et empoche le gros lot :
PARIS (AFX) - Le co-président d'EADS, Noël Forgeard, ses trois enfants et plusieurs dirigeants français et allemand du groupe, ont vendu en mars des actions pour plusieurs millions d'euros après avoir levé des stock-options, selon l'Autorité des marchés financiers (AMF). Le 15 mars, M. Forgeard a exercé son option sur 108.000 actions EADS à 16,96 euros l'unité, ainsi que 54.000 actions à 15,65 euros pièce, pour les revendre immédiatement à un cours de 32,01 euros. Cette vente s'est soldée par une plus- value nette de 2,5 millions d'euros, hors frais de courtage, selon les informations publiées par l'AMF en avril. Une semaine avant, le 9 mars, M. Forgeard avait également levé une option sur 131.000 actions, dont 43.000 à un prix d'exercice de 20,90 euros, et 88.000 à 24,66 l'unité. Le total des achats est de 3,068 millions d'euros, mais aucune mention de vente n'est mentionnée. Entre le 15 et le 17 mars, les trois enfants du patron d'EADS, Louis, Catherine et Marie Forgeard, ont vendu chacun 42.666 actions EADS, soit un total de 127.998 titres, à un prix moyen de 32,82 euros. Le produit de cette vente est de 1,4 million pour chacun des trois enfants, soit un total de 4,12 millions. La date de l'achat ou de la donation de M. Forgeard à ses enfants n'est pas répertoriée. Parmi les autres dirigeants du groupe à avoir exercé des stock-options en mars dernier figure Jean-Paul Gut, directeur général délégué d'EADS, qui a vendu 50.000 actions le 10 mars, et 25.000 autres le 15 mars, encaissant un bénéfice de 1,15 million d'euros. François Auque, responsable de la division Espace du groupe, a quant à lui vendu 30.000 actions entre le 8 mars le 17 mars, en retirant un gain de 365.000 euros, selon l'AMF. Jussi Itavuori, directeur des ressources humaines chez EADS, a de son côté vendu 95.000 actions pour 3,04 millions d'euros, après avoir exercé trois séries de stock-options, en tirant un profit net de 1,2 million d'euros. Le 20 mars, le responsable de la division Défense et Sécurité, Stefan Zoller, a aussi exercé des stock-options et vendu 32.000 actions, pour un bénéfice net de 492.880 euros, selon le site internet d'EADS. Selon le règlement interne d'EADS, "les membres de la direction et du conseil de surveillance et toute personne intimement liée à eux (parents ayant partagé le même toit à la date de la transaction) sont autorisées à acheter ou vendre des actions EADS dans les 21 jours suivant la publication officielle des comptes et l'assemblée annuelle des actionnaires, à condition de ne pas disposer d'informations privilégiées". Par ailleurs, les employés détenteurs de stock options "sont autorisés à effectuer des opérations boursières pendant toute l'année sauf dans les 21 jours précédant la publication officielle des comptes et l'assemblée annuelle des actionnaires". EADS a publié ses résultats annuels le 8 mars dernier.
2. Le 13 juin, Airbus annonce un nouveau retard de 6 à 7 mois des livraisons de l'A380
Le 14 juin, le titre EADS perd plus de 26% de sa valeur. Airbus, qui prévoit toujours de livrer le premier A380 fin 2006 à la compagnie Singapore Airlines, ne pourra en fournir en 2007 que 9 au lieu des 20 à 25 prévus initialement. Actuellement, quinze A380 ont été assemblés, les deux premiers exemplaires réalisant des essais en vol. "Ces nouveaux retards sont uniquement dictés par des raisons industrielles", a précisé Airbus, confronté à des "engorgements" dans la production liés aux systèmes électriques de l'appareil. Selon le constructeur, qui doit revoir l'organisation de sa production, des mesures supplémentaires seront nécessaires pour assurer en 2008 et 2009 la reprise des cadences de l'A380. Ces retards impacteront le résultat d'exploitation du groupe d'environ 500 millions d'euros par an jusqu'en 2010.
3. Le 15 juin, Arnaud Lagardère, coprésident du conseil d'administration d'EADS, répond aux questions du Monde :
Q : Avec DaimlerChrysler, vous avez décidé de vendre avant l'annonce de ces problèmes. N'est ce pas un délit d'initiés, d'autant que vous avez cédé vos titres alors que le cours était au plus haut ?
Aussi surprenant que cela puisse paraître, nous n'avions pas d'information. Je voudrais revenir sur le calendrier des opérations. Notre décision de céder 7,5 % du capital d'EADS, je l'ai prise à la rentrée 2005, car nous trouvions que dans le groupe le poids des médias était trop faible par rapport à l'aéronautique. Nous en avons discuté avec l'Etat et nos partenaires allemands. Le processus a été assez long car nous devions baisser en parallèle avec DaimlerChrysler. Dans ce genre d'opération nous avions une fenêtre de tir en janvier, nous ne l'avons pas saisie. L'autre opportunité était avril. Nous l'avons saisie. Si nous avions été malhonnêtes, ce n'est pas 7,5 % du capital que nous aurions vendu, mais la totalité. J'ai le choix de passer pour quelqu'un de malhonnête ou d'incompétent, qui ne sait pas ce qui se passe dans ses usines. J'assume cette deuxième version.
Q : Vous n'étiez pas au courant des difficultés ?
Oui, je vous le réaffirme. Le conseil d'EADS a appris ces problèmes très récemment. En mai, nous avions un conseil à Toulouse. Nous avons posé la question au patron d'Airbus Gustav Humbert et à ses équipes sur un retard éventuel du programme. Sa réponse a été : nous n'avons aucune information qui puisse nous permettre de conclure qu'il y aura un décalage de livraisons. Le 1er juin nous avons réuni les analystes financiers, et la même réponse a été faite par les équipes d'EADS. De même le britannique BAE Systems qui est actionnaire d'Airbus et membre du conseil d'administration n'a jamais été informé de ces problèmes industriels.
4. Le 16 juin, Noël Forgeard se défend contre les accusations de délit d'initié, mais affirme (sur Europe 1) avoir été prévenu courant avril des risques de retard. Après ses mouvements boursiers, donc (s'il le dit, on va le croire, hein ? non ? ah bon ...), mais un mois et demi avant Lagardère ...
Enfin bref, je n'ai pas envie de hurler avec les loups, laissons les autorités compétentes faire leur boulot. On pourrait voir dans l'étonnante synchronisation entre messieurs Forgeard, Gut, Auque, Itavuori et Zoller une coincidence plus que troublante, mais force est de reconnaitre qu'elle l'est un peu moins (troublante) une fois intégrée la précision donnée dans le premier paragraphe, qui les contraint à effectuer leurs opérations boursières dans les 21 jours suivant la publication des comptes.
Quelle proportion de leurs stock-options ces messieurs ont-ils conservée (Forgeard en a gardé la moitié) ? Est-il "statistiquement normal" que cinq membres de la direction d'une entreprise exercent leurs stock-options la même année ? Autant de questions pour lesquelles il serait intéressant d'avoir la réponse ...
En fin de compte c'est plutôt le manque de synchro entre Forgeard et Lagardère qui m'ennuie ...
Nota : mon billet date du 16 (même si je l'ai légèrement remanié depuis). Le 17 Grégoire Biseau se faisait la même réflexion que moi dans Libé, en y ajoutant une dernière phrase volée (à qui ?) assez savoureuse :
Vendredi, les communicants de chaque camp ont tenté de rendre compatibles les versions. «Courant avril, on savait qu'il y avait des goulots d'étranglement mais on pensait que cela pouvait encore être rattrapé. Ce n'est que mi-juin, lorsque l'audit commandé par Forgeard a été terminé, qu'on a su que l'on ne pourrait éviter un décalage dans les livraisons», dit-on chez Lagardère. Dans l'entourage de Forgeard, on avance un léger cafouillis de communication pour expliquer les différentes versions : «Arnaud Lagardère a donné son interview au Monde tôt le matin, il n'a pas eu le temps de se remémorer la chronologie précise des réunions»
Chronologie précise ... à deux mois près ... et pour une crise majeure ... Moui moui moui.
PS spécial "fonctionnement d'un grand groupe industriel" : que Forgeard n'ait pas été au courant plus tôt ne me surprend pas plus que ça. Il n'est pas (plus) patron d'Airbus, et se retrouve donc avec un filtre supplémentaire dans la transmission des informations, filtre qui s'appelle Gustav Humbert. Lequel Humbert peut très bien ne pas avoir été lui-même mis au courant particulièrement tôt, vu ce que je peux déduire de la faculté assez étonnante qu'ont certains, dans l'échelle hiérarchique, pour planquer les problèmes sous le tapis en espérant que leur n+1 ne les verra pas (ou le plus tard possible, en priant pour avoir trouvé une solution entre temps). Trois mois c'est un délai relativement court dans le secteur que je pratique, bien que cela représente environ 10% de la durée d'un projet. Pour un chantier tel que l'A380, qui s'étale sur bien plus que les 3 ans ayant cours dans l'automobile, ces 3 mois sont encore plus "insignifiants".
Pour finir, vu les tacles relativement appuyés qu'a depuis adressés Forgeard à l'usine de Hambourg, il n'est pas exclu que les difficultés de communication entre les entités française et allemande aient également contribué à retarder le cycle habituel de remontée des informations au sommet de la pyramide.
une réaction
1 De Vinz - 12/10/2007, 15:09
C'est bien de pouvoir faire des recherches sur des faits de l'année dernière dont on parle aujourd'hui....
N'empêche que dans toute cette histoire, ce sont les ouvriers et sous traitant qui ont dû payer un lourd tribut...
Avec un peu de chance, ces messieurs auront des compta à rendre....un jour, peut-etre....