Ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi, à l'approche d'un ralentissement, le trafic évoluait de manière aussi surprenante ? Pourquoi le flux est-il "heurté", composé de successions de séquences accélération/ralentissement quand on se situe nettement en amont du point qui pose problème (conductrice en train de changer sa roue en mini-jupe, camion de pompier en train de ramasser les morceaux d'un conducteur de scooter, éclipse soudaine ...), alors que le même flux est beaucoup plus "lisse" (smooth, comme diraient les copines de Georges What else Clooney dans la pub éponyme) lorsque l'on s'en rapproche ?
Non, vraiment, vous ne vous êtes jamais posé la question ? Moi si. Et des chercheurs japonais l'ont fait pour vous.
Et ? Et c'est tout. Z'allez quand même pas croire que je vais retaper le pdf ici, hmmm ...
Quelques précisions quand même : le trafic automobile peut être modélisé de deux manières différentes : soit à l'échelle macroscopique, reprenant en gros les principes de la mécanique des fluides (qui n'étudie pas chaque molécule d'eau - ou du fluide qui vous intéresse, pétrole, pastis ...- indépendamment), soit à l'échelle micro, en considérant cette fois le comportement de chaque véhicule pris individuellement. C'est l'approche retenue dans cet article, qui s'appuie sur un modèle dénommé optimal velocity (OV), exprimant qu'un véhicule optimise sa vitesse en fonction de la distance qui le sépare du véhicule qui le précède, ce qui permet de formuler un système d'équations différentielles. Le modèle résultant de la discrétisation temporelle de ces équas diffs s'appelle CMOV, pour coupled map optimal velocity :
avec
où d, w, vmax,α et c sont des caractéristiques du modèle (resp. 25 m, 23.3 m, 33.6 m/s, 2.0 s-1 et 0.913).
La simulation est menée sur un tronçon à une voie de dix kilomètres de long. Le comportement de l'ensemble des véhicules est observé en fonction de l'évolution du coefficient de réduction r de la vitesse optimale (telle que définie ci-dessus) imposé sur les deux derniers kilomètres du tronçon.
Pour r=0.6 la simulation montre la formation d'une zone de flux uniforme sur environ 500 mètres en amont de la zone de "ralentissement imposé". Encore plus en amont on observe la formation des fameuses ondes de stop-and-go dont je parlais au début.
Ces ondes semblent se former pour des valeurs de r comprises entre 0.44 et 0.92. En-deça (c.a.d pour des réductions de vitesse supérieures à 56%) le ralentissement est suffisant pour stabiliser la zone de flux uniforme, qui s'étale alors sur l'intégralité des 8 kms précédant la zone lente ; au-delà de r=0.92 (donc pour des réductions de vitesse inférieures à 8%), l'augmentation de la densité de véhicules est insuffisante pour aboutir à la formation de ces ondes.
6 réactions
1 De jid - 13/07/2006, 10:31
En écolé d'ingénieur, un prof taré nous avait fait bosser sur des trucs pareils : cela s'apparente à la propagation des dislocations le long des arêtes cristallines.
Moyenne de la classe : 6 .
2 De Vicnent - 13/07/2006, 12:04
un petit commentaire avant de lire l'article : je suis super étonné de la double approche... Il me semblait (et j'en suis encore convaincu) que les bouchons se forment suivant des lois de poissons. En gros, il y a formation d'un bouchon (= accumulation de densité) lorsqu'une personne freine physqiuement après le freinage de la voiture qui le précède.
Mais je vais lire l'article.
3 De Seb - 20/11/2006, 14:54
En surfant sur votre blog je suis tombé sur ce billet qui m'a interpellé. En effet vous posez une question qui m'a toujours turlupiné l'esprit quand je suis coincé dans un bouchon. Je n'ai jamais compris pourquoi cela ralenti pour accélère sans raison. Je pensais trouvé la solution dans votre billet mais je n'y ai rien compris, je dois être un peu bête. Qu'importe, je voulais vous félicitez non pas pour l'article.... mais pour la photo du haut de votre blog. Elle donne envie de partir au ski.
4 De Eric C. - 22/11/2006, 16:06
N'ayant moi-même pas beaucoup de réponses, ou du moins ayant davantage de questions que de réponses, je me contente souvent de donner des pistes. Les suit qui peut, y est réceptif qui veut. Ce n'est en tout cas pas une question de bêtise ... :)
Il n'est pas très surprenant que le centième conducteur arrivant sur un ralentissement soit obligé de s'arrêter, alors que le premier s'était contenté de ralentir. Cela vient de la "sur-réaction" naturelle des automobilistes, qui pousse chacun à ralentir un peu plus que son prédécesseur, au cas où. Ce n'est qu'une énième déclinaison du principe de précaution, qui a sur la route le mérite de nous aider à rester en vie :)
Ce qui est un peu plus surprenant, c'est que le phénomène se répète "à l'intérieur" du ralentissement, provoquant l'apparition de plusieurs vagues, alors qu'on pourrait penser qu'une fois que l'on s'est complètement arrêté, on reprendrait de la vitesse de façon progressive, jusqu'à arriver à hauteur de l'obstacle (avec à peu près la même vitesse que le premier automobiliste à y être passé). Intuitivement, j'avais donc dans un premier temps tendance à penser qu'il ne devrait y avoir qu'un seul moment où l'on marque l'arrêt. Et je pense que c'est ensuite la variabilité des réactions de chaque conducteur qui détruit l'homogénéité de la reprise de vitesse, voire qui crée dès le début une hétérogénéité même dans le ralentissement (et engendre l'apparition de plusieurs "points d'arrêt").
Bon, voilà, en fait ce n'est pas forcément plus clair quand on essaie d'éviter les équations :)
Concernant la photo, merci, effectivement ça donne des envies d'espace. Elle n'est (hélas) pas de moi, j'avoue l'avoir récupérée (et retaillée) sur le net (flickr en l'occurrence, thanks to Heartkins).
5 De Emmanuel.B ancien rochelais - 25/08/2007, 17:49
Théorie interressante, je pense que ce phénomène ce produit tout simplement lorsque le conducteur précédent ne respect pas la distance de sécurité nécessaire. Donc celui-ci freine de façon plus franche que si il respecté cette distance, et comme dans tout trafic important, personne ne respect cette distance. Ce qui créer un bouchon.
Le stop and go et la reproductoin même de se qui se passe lors de la création du bouchon. Accélération trop forte lors du redémarage et donc freinage fort qui reprovoque des minis bouchons à l'intérieur du bouchon.
pardon pour les fautes d'orthographe!
6 De Scott Blair - 05/07/2008, 16:08
N'étant pas calé en Maths, je n'ai évidemment rien compris à l'article.
Niveau bouchons, il ne me reste les travaux pratiques auxquels je m'adonne chaque jour, comme des centaines de milions d'automobilistes dans le monde !
Là, pas besoin d'être Einstein pour comprendre, sinon comment ils se produisent, du moins comment ils se perpétuent et enflent sur des kilometres, souvent sans raison apparente.
Une proportion non négligeable de conducteurs prend un malin plaisir à laisser une distance exagérée avec le véhicule qui le précède, à sous-réagir quand le véhicule précédent reprend de la vitesse.
Entre ceux qui profitent d'un ralentissement pour lire leurs textos ou passer des coups de fil, à ceux qui le font délibéremment pour exasperer le conducteur qui les suit ("Si t'es pas content t'as qu'à passer par dessus !"), ce sont des distances et des temps de réactions qui s'aditionnent, tout bêtement.
Si chaque conducteur d'une file de 50 véhicules immobilisée, prend 2 secondes pour redémarer quand le trafic s'ébroue, le 50eme est déja assuré d'une attente de 1'40"" avant que ne vienne son tour.
Si chacun en prend 5 sec. (y en a plein, j'vous jure !), il attendra 4'10'' !!!
Idem pour les distances. Se sont souvent les mêmes automobilistes qui se suivent "cul à cul" à 130 km/h qui laisseront volontiers 50m et plus de distance "de sécurité", quand le trafic est au ralenti.
A 30 Km/h, une distance de 20m est plus que suffisante.
Si chacun de mes 50 bouchonnés sus-cités en laissent 30 de trop, mon pauvre 50eme (auquel je m'identifie à mort!) attendra ses 4'10'' 1500 m plus loin qu'il n'eut été raisonnable. Pas de bol, c'est la distance pile qui le sépare de sa bretelle de sortie !!!
Il me parait urgent de créer une "association de lutte contre les bouchons qui adviennent sans raison", dont le but sera de redorer le blason des vrais bouchons, ceux qui surviennent avec raison, par exemple, à l'occasion d'un bouchon advenu sans raison et qui a dégénéré en carambolage.