Marrant. Mon agrégateur m'a amené à (re)lire quasiment dans la foulée le billet d'Adam Kesher qui s'interrogeait en octobre dernier sur une catégorisation droite / gauche, politiquement parlant bien sûr, puis l'article de Daniel Cohen dans le Monde d'hier intitulé Le salaire des patrons est-il "juste" ?. Question rituelle illustrant de manière caricaturale le clivage politique en question ... J'ai découvert le papier du Monde via le blog de L. Le Meur, que l'on imagine aisément s'étranglant d'une rage contenue devant les inepties proférées par Cohen, puisque celui-ci conclut en suggérant une taxation à 90% des hauts salaires.
Parmi les réactions des lecteurs du Monde, aussi variées qu'on peut l'imaginer, émerge régulièrement le lien que l'on a souvent envie de faire entre le salaire des patrons des entreprises du CAC 40 (qui ne représentent, soyons bien clair, que 40 entreprises, à opposer aux centaines de milliers de patrons de PME dont la rémunération ne scandalise a priori personne. Mais il est clair que le salaire des top-managers, partie émergée donc ô combien visible de l'iceberg, fascine les foules - fin de digression), le lien, disais-je, entre le salaire et la responsabilité.
Responsabilité financière ? Pénale ? Humaine ? Personne ne précise vraiment ... Un chirurgien ou un pilote de ligne sont responsables de vies humaines, critère qui semble décisif pour certains, et sont bien payés en conséquence. Mais un chauffeur de bus a sous sa responsabilité davantage de vies qu'un chirurgien, et n'est pas mieux payé pour autant.
Responsabilité pénale ? Le sujet me semble trop complexe pour être populaire.
Responsabilité financière ? C'est sans doute un des éléments de corrélation les plus évidents ... Je n'ai pas encore mis la main sur une courbe renseignant le salaire moyen du dirigeant en fonction du chiffre d'affaires de la société, mais j'ai comme dans l'idée que le lien doit sauter aux yeux. Le patron de PME bénéficie dans ce domaine d'un avantage d'image indéniable. On l'imagine proche de ses salariés, malade rien qu'à l'idée de licencier ceux qui sont en quelque sorte ses "enfants", et surtout impliqué financièrement en cas de naufrage de sa société (ce qui n'est pas forcément exact, mais les cours sur les statuts d'entreprise sont reportés à plus tard). C'est ici d'une responsabilité financière personnelle qu'il s'agit ...
Le dirigeant de grande entreprise ne bénéficie pas auprès du public de la même bienveillance. Parce qu'il peut déleguer les mouvements de licenciement, parce qu'il n'est pas en position d'imaginer la vie quotidienne de ses salariés, et surtout parce qu'en cas d'échec, sa responsabilité financière personnelle n'est pas engagée ...
C'est l'occasion de revenir au billet d'Adam : Koz y précise en commentaire que la reconnaissance du mérite et surtout la notion de responsabilité individuelle lui semblent fondamentales pour qui se dit "de droite". Je suis incapable de me situer politiquement, comme Adam, alors que je pensais l'être il y a une dizaine d'années. Je me reconnais cependant tout à fait dans l'importance que j'accorde à la responsabilité individuelle. La reconnaissance du mérite ne me hérisse pas spécialement le poil, et je ne bondis pas devant les rémunérations accordées aux dirigeants stars. Un million d'euros en plus ou en moins pour un PDG à la tête d'une entreprise de 100 000 salariés, d'un point de vue bêtement comptable, ça ne fait que 10 euros par employé. Rien. Rien par rapport au gain de richesse que peut apporter un patron avisé, capable de faire les bons choix.
Mais c'est là qu'est l'os : la responsabilité individuelle devrait permettre d'indexer les rémunérations à des indicateurs bien choisis (part de marché, résultats financiers, salaires moyens ... à pondérer selon sa sensibilité politique, justement :)), et par conséquent de sanctionner les dirigeants n'ayant pas apporté ce que l'on attendait d'eux !
Si le libéralisme érige la reponsabilité individuelle en valeur fondamentale, cette responsabilité doit être bilatérale, et valable aussi (surtout) pour les plus puissants, y compris (surtout) lorsqu'ils échouent. Demander la suppression des golden parachutes, c'est donc aussi être de droite ... :)
Droite, gauche, uppercut, jab
mercredi 6 septembre 2006. Lien permanent Eco
une réaction
1 De Krysztof von Murphy - 07/09/2006, 10:00
Généralisons sans complexe :
- Si un patron de grand groupe n’est pas capable de contourner/pervertir complètement un système destiné à le tenir en laisse (dans l’intérêt des actionnaires), alors il n’est pas assez futé/filou pour diriger ce groupe.
- Et comment juger les résultats d’un grand patron ? Ses pires succès/erreurs se voient des années après. (On peut redresser spectaculairement en sabrant la R&D par exemple, ou avoir des comptes dans le rouge car on on investit massivement). Les stock-options étaient un moyen de tenir compte de cela, mais l’obsession du cours de bourse a mené à la dictature du court terme.
- Difficile de dire à tout le mode que le monde est une jungle, qu’il faut faire des sacrifices, sans que le personnel applique la règle à lui-même (-> pas de cadeau aux patrons non plus ; esprit mercenaire ; fin de la loyauté d’entreprise) ; ça marche pour les petits, ça marche aussi pour les hautes sphères (qui sont souvent les plus expérimentés et désabusés également).
- Le panier de crabe qu’est au sommet toute entreprise un peu importante ne favorise pas l’ascension des plus honnêtes et respectueux des autres.
Donc il ne faut pas s’étonner que si le système le permet, le patron tout en haut s’en mette « plein les poches », même en restant honnête.
De plus, quand on est déjà millionnaire en euro, une augmentation valable, ça se compte en millions aussi. Ce n’est pas le +2 % pour le petit personnel les bonnes années (le problème du petit personnel étant qu’il est nombreux).
Enfin je signale un bon article de CNN (chaîne crypto-communiste comme chacun sait) sur les nouvelles règles du business :
money.cnn.com/2006/07/10/...