Ceux qui suivent d'un oeil distrait l'actualité en physique des particules savent que la fin de l'année 2007 devrait être marquée par la mise en service du LHC, le gigantesque accélérateur de particules construit sous Genève, au CERN. Et quand on dit gigantesque, il ne s'agit pas d'une simple emphase destinée à impressionner le vulgum pecus : le circuit qu'emprunteront les protons mesure plus de 8 kilomètres de diamètre ...
Pourquoi faire en sorte que des protons se percutent à des vitesses proches à 0.0000018% près de celle de la lumière[1] ? Pour faire apparaitre de nouvelles particules, et plus précisément pour "prouver" l'existence du boson de Higgs.
Cette ultime brique élémentaire n'a pour l'instant jamais été observée, bien que son existence soit prévue par le "modèle standard" faisant actuellement foi en physique des particules. De son existence dépend la cohérence de l'ensemble même de ce modèle.
C'est principalement pour cela que le LHC a été construit. Or des rumeurs récentes (1, 2, 3) courent selon lesquelles des éléments de preuve de l'existence du boson de Higgs pourraient avoir été observés au Tevatron, l'accélérateur de particules du Fermilab (Illinois - USA). Celui-ci, sept fois moins puissant que le LHC, s'apprêtait à lui laisser le champ libre dans la quête au boson de Higgs. Mais si ces rumeurs s'avéraient exactes, le laboratoire américain pourrait lui avoir coupé l'herbe sous le pied au moment le plus inattendu, et les milliards de dollars investis au CERN par l'Union Européenne risqueraient de faire parler d'eux.

Pour l'instant, cependant, rien n'est certain. Aucun article n'a été publié par les équipes en charge du projet D0 au Fermilab, et la popularité de la rumeur n'est dûe qu'à la caisse de résonance que constituent les blogs. Comme le dit un théoricien de chez eux, "dans l'ère pre-blog, cette nouvelle n'aurait circulé que parmi une douzaine de personnes".
En outre l'observation de particules aussi discrètes, quoique fondamentales, relève d'une analyse statistique fine des données mesurées pendant un essai, et l'existence d'une particule n'est clamée que si la probabilité que l'"anomalie" observée dans les données (liée à la présence de la particule) ne soit pas dûe au hasard est inférieure à 1 sur 3 millions (écart-type de 5, voire 6 sigma). Rien n'indique, pour l'instant, que ce seuil ait été atteint dans les mesures ayant eu lieu au Fermilab.

Note

[1] si un lecteur se souvenant de ses cours de relat' pouvait vérifier que je ne raconte pas de conneries, sachant que la masse du proton est de 938 MeV, et l'énergie atteinte au LHC de 7 TeV, je lui en saurai gré ...