Internet Actu embraye sur un article de Jaron Lanier à propos du fonctionnement du monde de l'open source, conduisant à la question "La création collective est elle nécessairement innovante ?"
Pas le temps d'épiloguer sur le fait qu'il me semble prématuré de parler de création s'il n'y a pas d'innovation, juste de reprendre ce passage :
"Ce qu’il critique, c’est la philosophie selon lui au coeur du logiciel libre, celle du “bazar” revendiquée par Eric Raymond, bref l’idée que la création collective suffirait à élaborer des programmes innovants. Or ce n’est justement pas parce qu’une création est collective qu’elle est innovante. Au contraire, la dynamique d’un groupe peut conduire à se focaliser sur le plus petit dénominateur commun, ce qui n’est pas favorable aux propositions originales ou nouvelles. L’attaque de Lanier porte donc non pas sur l’open source, mais sur l’open source comme modèle et comme valeur de référence."
Je suis même persuadé qu'un groupe travaillant hors de toute pression "rentabilisante" peut, encore plus qu'un autre, se retrouver rapidement sclérosé et incapable de progresser.
Les programmeurs en C++ et autres langages orientés objet apprécieront par ailleurs la réflexion suivante :
"Pour élaborer quelque chose de radicalement nouveau, les concepteurs ont besoin d’intimité, de temps, ce que Lanier nomme “l’encapsulation”. Cette notion d’encapsulation ne s’oppose pas à l’ouverture en tant que telle, mais s’oppose à l’idée d’une création collective."
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1 De Krysztof von Murphy - 26/01/2008, 10:46
Ça dépend quelle innovation : celle de l'idée géniale (qui peut être obtenue par un mec seul dans son coin), celle née de l’incrémental et de l’accumulation des fonctionnalités, celle née du retournement de conventions (ça, ça viendrait plutôt d'universités ou de petites start ups), née du contournement de positions verrouillées... ?
Le plus grand succès du libre est d'avoir empêché MS de verrouiller son monopole - donc de maintenir la diversité et la possibilité même de l'innovation.
En informatique, de toute façon du bon boulot se fait d'abord avec (au moins pour le cœur et pour la base du logiciel) une équipe petite et motivée, voire un programmeur seul. Dans un sens, tout ce qui vient autour ne fait que développer le concept ou est de l‘enrobage (interfaçage, commercial, esthétique).
L’innovation par petite équipe, c'est encore possible pour du soft, mais serait-ce matériellement possible dans l'aéronautique ou l'automobile ? Les grandes organisations sont mécaniquement sclérosantes.
Sur le dénominateur commun qui nivellerait par le bas: question de mentalités. Dans l'info, c'est plutôt l'élitisme « marche ou crève » qui a été reproché à Linux...
Quant à la nécessité d'une contrainte pour être créatif, en gros j'abonde, dans une certaine mesure. Mais il y a une différence entre des contraintes propres à un projet (monter un serveur web dans 2 ko de RAM...), stimulantes, et des contraintes extérieures qui au contraire interfèrent avec le travail bien fait comme des dates de sortie impératives ou une bureaucratie pénible (cf Debian qui se contrefiche de la date de sortie car la perfection du produit final prime - on dira que justement Debian est un exemple de sclérose mais c'est lié à de contraintes extérieures, économiques et de manque de temps des participants à ce gigantesque bazar ; et là l'« innovation » tient en la stabilité du produit.)