Avant la loi Aubry, un salarié disposant de 5 semaines de congés payés travaillait bon an mal an 227 jours. En 2000, au moment du passage aux "35 heures", le plafond est descendu à 217 jours pour les salariés (principalement cadres) bénéficiant d'un "forfait jour", ce qui leur a octroyé 10 jours des fameuses RTT ("Ce nombre ne peut dépasser le plafond de deux cent dix-sept jours", art. L. 212-15-3). Depuis l'épisode du lundi de Pentecôte, ce chiffre est remonté aux 218 que tout le monde a en tête aujourd'hui. Le Figaro, comme d'autres[1], affirme qu'"une très grande majorité d'entreprises ont négocié des forfaits compris entre 200 et 210 jours." Je ne sais pas d'où viennent leurs sources, parce qu'autour de moi une très grande majorité de cadres bosse entre 217 et 218 jours. Sans grande surprise.

Selon le texte adopté en première lecture le 8 juillet dernier par l'assemblée nationale, la situation est désormais la suivante :

Art. L 3121-39. - La conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l’année est prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
Art. L. 3121-40-1 - La mise en œuvre d’une convention individuelle de forfait en jours sur l’année requiert l’accord du salarié concerné.
Art. L. 3121-41. – La durée annuelle du travail d’un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année ne peut être supérieure à deux cent dix-huit jours. L’accord collectif prévu à l’article L. 3121-39 fixe par ailleurs, dans le respect des dispositions relatives aux repos quotidien et hebdomadaire et aux congés payés, le nombre annuel maximal de jours travaillés qui peut excéder deux cent dix-huit jours. À défaut d’accord collectif, ce nombre annuel maximal est de deux cent trente-cinq jours.
Art. L. 3121-42. – Le salarié qui le souhaite, peut, en accord avec son employeur, travailler au-delà de la durée annuelle fixée par la convention individuelle de forfait ou renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d’une majoration de son salaire, dans la limite du nombre annuel maximal de jours travaillés fixé en application de l’article L. 3121-41. L’accord entre le salarié et l’employeur est établi par écrit.
La rémunération majorée, qui ne peut être inférieure à la valeur afférente à ce temps de travail supplémentaire majorée de 10 %, est fixée par avenant à la convention de forfait conclue entre le salarié et l’employeur.



La situation telle que je la vois dans les SSII : dans l'immédiat, aucun cadre avec un forfait 218 jours ne se verra proposer un passage à 235, pour la bonne raison qu'il faudra les facturer aux clients, dont les acheteurs ne lâcheront pas près de 9% (17 x 1.1 / 218) pour le plaisir. Pour les futurs embauchés, en revanche, rien n'empêche de proposer la même facturation à l'année aux clients (avec un peu de rab si les commerciaux ne sont pas trop mauvais), en gardant le même salaire d'embauche (modulo le rab en question, divisé par le ratio facturation/salaire, si le candidat n'est pas trop mauvais en négociation). A terme, et tant que le marché du travail restera aussi peu favorable aux salariés, tout le monde sera passé au plafond en jours, comme c'est le cas aujourd'hui, pour un salaire ayant peu évolué.
Les cadres qui râlent n'auront qu'à prendre 10 ou 15 jours sans solde, comme les clients sont souvent des gros comptes dont il est peu probable que les organisations syndicales laissent passer des forfaits 235 jours, les sites seront de toute façon fermés. Et les cadres au forfait ? Qu'ils se démerdent :) C'est de toute façon une espèce en voie de disparition dans l'hexagone.
Je suis par contre curieux de savoir ce que va en penser le secteur du tourisme et du loisir, qui a sans doute bien profité de l'apparition providentielle de contingents de RTTistes en-dehors des périodes habituelles de vacances.

Note

[1] j'ai la flemme de remonter le fil de l'info pour savoir qui l'a écrit en premier