Combat épique sur ma table de nuit :

  • Pourriture noble, William Echikson
  • Mes aventures sur les routes du vin - Kermit Lynch
  • Robert Parker, Anatomie d'un Mythe - Hanna Agostini

Obsessionnel ? Non, non, je viens de finir Aux innocents la bouche pleine, de François Simon, qui ne parle que de gastronomie. Et un vrai roman, Le dernier guerillero, de Didier Daeninckx. Bon, OK, il y avait aussi Choses bues, de Jacques Dupont.

Daeninckx ? Quatorze courts textes, quatorze histoires qui courent le long du XXe siècle, quatorze portraits brossés avec une efficacité étonnante, quelques paragraphes suffisant à se construire une représentation de leur passé et de leur vie.

"Ils sont venus, ils sont tous là, et je n'ai même pas eu besoin de crier ni même de lever le petit doigt. D'ailleurs, j'en suis bien incapable. Je ne pense pas qu'ils se soient donné le mot, mais ils sont tous en noir, sauf les gosses qui jouent dans le couloir et passent la tête, de temps en temps pour observer le mort vivant. Je sais, à leurs yeux, le dégoût que mon corps leur inspire. Les couples se sont relayés, tout au long du week-end, pour assurer leur faction sur le skaï fatigué des fauteuils placés de part et d'autre de mon lit. Les frères et les sœurs, les beaux-frères et les belles sœurs, les cousins et les neveux... Il faut au minimum en être là où j'en suis pour parvenir à rassembler la famille. Seuls mes parents n'ont pas quitté le pièce de la journée. Leurs regards tristes qui jamais ne se croisent veillent sur moi. Certains n'étaient pas revenus à mon chevet depuis l'accident, il y a trois ans. Ils attendaient que je m'éteigne, que les battements de mes organes disparaissent de l'écran, qu'un sifflement aigu, ininterrompu, remplace l'espèce de message en morse auquel ma vie se résume. Pourtant, cela n'est pas passé loin: la crise cardiaque de vendredi soir aurait dû m'être fatale. D'ailleurs, les toubibs n'ont rien tenté, décidés à laisser faire la nature sans se douter qu'une fois encore, elle serait de mon côté. Désolé, ascendants, descendants et collatéraux, il faudra encore faire un bout de chemin avec le légume..."

(Le clin d'oeil de l'opticien, D. Daeninckx, in Le dernier guerillero, pp.113-123)



François Simon ? Il est chroniqueur gastronomique (au Figaro, Figaroscope, sur Paris Première), blogueur, il aime Paris, la rive gauche, ses femmes (celles de Paris, ou les siennes ? On ne le saura jamais), les bonnes tables. Et il aime écrire, et se regarder écrire. Peut-être un peu trop ? Quelques passages savoureux quand même, un humour incisif qui fait souvent mouche. Pas indispensable, surtout pour les lecteurs hermétiques aux petites histoires du microcosme gastronomique parisien, mais plaisant.

"Pas étonnant que les français n'y pigent que couic en vin, leurs spécialistes sont endormis dans leur hamac, pelotonnés contre leur magnum de morgon. Tim, lui, commença à m'apprendre la prononciation correcte des vins des "kôt diou rwone" : "kôt rwotiii, tchat'o'nef du 'pap et autres kôôôônasses" ...

(Aux innocents la bouche pleine, François Simon, pp.20-21)


Nota : un avis enthousiaste et un bel entretien sur cequetulis.

Jacques Dupont : à lire absolument

P.S : ce billet a été rédigé en collaboration avec un flacon 2007 de la cuvée Tango, domaine Combe de la Belle, gracieusement offert par Eric Reppert. Lequel Tango est catalogué "vin étonnant" parce qu'il s'agit d'un assemblage grenache/counoise/aubun, les deux derniers étant des cépages pour le moins confidentiels ; la counoise, c'est la kôôôônasse racontée par François Simon ...

Edit de 00h30 (écrit à 08h00[1]) : meuh non, sôt, kôôôônasse c'est Cornas

Note

[1] j'allais pas rallumer le PC pour ça, quand même