"La mémoire n'est pas la mémoire" (Internet Actu) :

Nous n’avons pas de disque dur interne. Se rappeler, c’est recréer. Et nous ne nous souvenons pas d’un évènement, nous nous rappelons la dernière fois que nous nous en sommes souvenus, ce qui est bien différent. C’est que semble montrer la fameuse expérience “d’effacement des souvenirs” de Nader, Schafe et LeDoux. On a dressé des rats à associer deux stimuli, dans la bonne tradition pavlovienne : par exemple un bruit de cloche et une stimulation électrique. Puis on a laissé mariner les malheureuses bêtes pendant 45 jours, afin de les laisser bien intégrer cette association dans la “mémoire à long terme”. Ensuite, on a réactivé le souvenir en utilisant le premier des deux stimuli. Immédiatement après, on a introduit dans le cerveau du rat un produit chimique effaçant la mémoire à court terme. Le rat était donc incapable de se souvenir de ce dernier évènement. Pourtant, après l’expérience on découvrit que les rats étaient amnésiques. Ils avaient oublié l’association entre les deux stimuli, faites 45 jours plus tôt. En supprimant leur dernier souvenir, les rongeurs avaient perdu la trace de leur souvenir plus lointain.

Pour Jonah Lehrer, journaliste à Seed Magazine et auteur du brillant Proust was a neuroscientist, ce genre d’expérience confirme l’intuition de Proust qui considérait la mémoire non comme un entrepôt d’informations statiques mais comme une constante réactivation et recréation de l’expérience. Comme il l’explique, “cela nous montre que chaque fois que nous nous souvenons de quelque chose, la structure neuronale de la mémoire est délicatement transformée en un processus nommé reconsolidation (Freud appelait ce processus Nachtraglichkeit ou “rétroaction”). La mémoire est altérée en l’absence du stimulus original, elle est de moins en moins concernée par ce dont vous vous souvenez et de plus en plus par vous-même”.