Est-ce une envie soudaine de sauver ce qui peut l'être de l'industrie automobile américaine qui a motivé cet article (Study Says Small-Car Buyers Sacrifice Safety ) avertissant les clients potentiels du "danger" (les guillemets sont de mon fait) que constitue le fait de se déplacer au volant d'une citadine ? En faisant se percuter trois mini (Smart Fortwo, Toyota Yaris, Honda Jazz) avec des modèles plus lourds et plus longs du segment M2, l'IIHS a souhaité montrer ce que tout le monde sait plus ou moins implicitement : lors d'un choc frontal "un contre un", c'est généralement le véhicule le plus court/léger qui souffre le plus.[1]

Ce problème de compatibilité entre véhicules de segments différents n'est pas mis en évidence lors des essais Euro-NCAP, lors desquels le modèle testé est projeté contre une barrière déformable avec 40% de recouvrement. La barrière étant standard, seules les caractéristiques (raideur, masse, capacité d'absorption d'énergie ...) du véhicule testé jouent un rôle effectif.

Lorsqu'on percute un autre véhicule, les phénomènes de compatibilité entrent en jeu, et viennent compliquer sensiblement la donne. La seule assertion "le véhicule le plus lourd est le plus sûr" n'est en tout cas pas rigoureusement exacte ; le résultat dépend de la répartition desdites masses (celle située derrière les occupants, appelée masse poussante, est pénalisante), et de l'efficacité (en grande partie conditionnée par la longueur) des zones d'absorption d'énergie. Si la longueur entre le pare-chocs avant et les pieds du conducteur d'une Smart semble suffisante pour lui permettre d'absorber son "énergie propre" (notée e) avec quatre étoiles à la clé, elle sera très probablement insuffisante quand il s'agira d'absorber une partie de l'énergie (e+E) issue de l'impact avec un Hummer.

Disons que de manière générale[2], il est difficile de nier que les occupants des véhicules les plus légers sont plus exposés que ceux des véhicules plus lourds (cf. cette fiche de l'INRETS).


Le parc automobile est donc dans une situation typiquement pareto-optimale : il est impossible d'améliorer le degré de protection d'un individu/automobiliste sans détériorer celui d'un autre.
J'espère par conséquent ne pas lire dans l'article du New York Times une incitation à la surenchère, sur le thème "Beware, you so-called Smart drivers, GM is gonna die because of you, but you may die too". Une telle stratégie (on ne parlerait plus de dilemme du prisonnier, mais de dilemme du SUV (r)) serait en effet vouée à l'échec : si chaque automobiliste achète un 4x4 pour améliorer son sort, tout le monde y aura perdu ; le degré de protection relatif de chaque automobiliste n'aura pas augmenté, mais tous auront un véhicule plus lourd / plus polluant.


Les solutions proposées par l'IIHS ? Sounds like déjà vu :

"The institute suggested steps that would further both fuel economy and safety rather than put them in conflict: cutting the speed limit and reducing horsepower."

Il va falloir qu'on m'explique dans quelles conditions une réduction de la limitation de vitesse sur les highways ("The national maximum 55 mph speed limit, enacted in 1974, saved thousands of barrels of fuel per day. It also saved thousands of lives. Highway deaths declined about 20 percent the first year, from 55,511 in 1973 to 46,402 in 1974") aboutira à une diminution du nombre et de la gravité des impacts en choc frontal. Il est vrai que je ne sais pas comment traduire terre-plein central en anglo-américain ...

Notes

[1] Il est important de préciser que celà n'est vrai qu'à génération comparable (pour mémoire, voici ce que donne un choc entre une citadine récente et une berline des années 90 - pour les impatients : tir à 1'50")

[2] la longueur étant en outre assez bien corrélée à la masse