Un premier long plan-séquence annonce la couleur : le film sera relativement lent, à l'exception de quelques fulgurances de violence crue, et la montée de la tension sera très progressive. De ce point de vue, la mise en scène est parfaitement maitrisée. Mais peut-être par la faute d'une bande-annonce trop explicite, le doute ne plane pas longtemps sur l'identité réelle de Tom/Joey. La question est dès lors de savoir si le personnage d'homme pondéré et fondamentalement non-violent qu'il a réussi à se forger en une quinzaine d'années est susceptible d'éclater sous les tumultes de son passé.
Comment sa famille va-t-elle réagir ? Pourquoi se refuse-t-il aussi longtemps à leur dire la vérité ? S'est-il lui même convaincu que Joey avait définitivement disparu ? Le film se déroule assez linéairement, répondant à certaines de ces questions, en posant d'autres ... Un des points forts du film réside dans la manière dont le sentiment d'inéluctabilité finit par s'imposer (aux spectateurs comme) à Tom, rattrapé par son passé et contraint d'y réagir par un seul moyen : la violence. Mais c'est sans doute un de ses points faibles aussi, rendant le discours finalement plutôt convenu : devenir un tueur psychopathe est _mal_, et on risque de le payer un jour :-)
Oui, je sais, c'est un peu réducteur, mais Cronenberg ne nous laisse pas d'autres issues, niant la viabilité (à défaut de la possibilité) d'une rédemption (et ne l'encourageant de fait pas vraiment ...).

Je m'attendais à autre chose, peut-être à une réflexion différente sur la relation que l'on peut (tous ?) avoir avec la violence. Tom est un ancien tueur, et plus que la violence ou la cruauté ce sont surtout le professionnalisme et l'efficacité qui ressortent de ses affrontements avec Fogarty (Ed Harris) ou son frère Richie (William Hurt). Je trouve presque plus intéressantes les quelques scènes dans lesquelles le fils de Tom, agé d'une quinzaine d'années, est confronté à sa propre violence intérieure. L'éducation qu'il a recue lui permet de contenir, dans un premier temps, son envie d'en découdre avec deux petites frappes de son lycée qui l'humilient régulièrement. Lorsque son père, dont il ne partage pas encore le passé {cf. post-scriptum), est élevé au rang de héros après l'incident du restaurant, c'est l'excitation qui domine chez le jeune Jack. Un peu plus tard dans le film, cet évènement ayant servi de déclencheur, c'est à son tour de se laisser aller à une éruption de violence d'autant plus intense qu'elle semblait avoir été longtemps contenue, et à châtier (comme diraient nos amis rugbymen) les deux caids en question avec cette fois, contrairement à son père, infiniment plus de rage que de froid détachement.
La violence, un héritage génétique ?

PS : pour répondre à l'interrogation d'Adam, allocine.fr nous dit à juste titre qu'en anglais, "to have a history of violence" est une expression qui signifie "avoir un passé violent". Pas de questionnement fondamental sur le mot histoire, donc ...