Les instances dirigeantes tolèreront-elles plus longtemps un espace de diffusion des idées aussi peu contrôlable de par son immensité, sa diversité ? Cette liberté n'est certes encore qu'un rêve pour la population chinoise, par exemple, mais ils ne l'ont sans doute jamais tutoyée d'aussi près.
Bref, m'interrogeais-je, le net tel qu'on le connait et le pratique aujourd'hui sera-t-il aussi accessible demain, c'est-à-dire dans vingt ou trente ans ? Or donc hier, justement, j'entends parler de la mini-crise qui a couvé avant même l'entame du sommet mondial sur la société de l'information qui vient de débuter à Tunis.
L'objet du litige ? Le réseau est aujourd'hui encore sous influence étasunienne puisque la principale autorité de régulation, l'ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), est plus ou moins directement sous la tutelle du ministère du commerce américain. Si certains ont des détails, d'ailleurs, je suis tout ouïe parce que la page de présentation même de l'ICANN n'est pas très explicite. Y est simplement mentionné son double statut public-privé, l'accent étant surtout mis sur l'"internationalitude" (allez hop, un néologisme de plus, je ne recule devant rien) de ses membres et du comité de direction.
Le contrat qui lie l'ICANN au gouvernement américain étant censé se terminer en septembre 2006, les gouvernements associés à la gestion de l'ICANN, dans un louable souci louable d'équité, souhaiteraient qu'une entité réellement internationale (l'ONU ? Ou une autre ...) se charge désormais de l'attribution des noms de domaines. Or les Etats-Unis, officiellement prêts jusqu'alors à ce passage de témoin, ont récemment fait volte-face et refusent maintenant de mettre un terme à leur contrôle sur l'ICANN.
Un modus vivendi semble avoir cependant été trouvé hier, évitant une crise "majeure". Je m'interroge quand même sur les propos d'Ignacio Ramonet dans l'édito du dernier Monde Diplo, et notamment sur ce passage : "L’hégémonie sur Internet donne aux Etats-Unis, en théorie, le pouvoir de limiter l’accès à tous les sites du réseau dans quelque pays que ce soit. Ils peuvent aussi bloquer tous les envois de messages électroniques de la planète. Jusqu’à présent, ils ne l’ont jamais fait. Mais ils ont la possibilité de le faire". Je ne suis pas suffisamment compétent en choses du Grand Réseau, mais serais curieux de savoir comment l'ICANN peut empêcher les serveurs de votre FAI de relayer le mail que vous enverrez demain à votre n+1 pour lui demander une augmentation ...
Avenir de l'internet
mercredi 16 novembre 2005. Lien permanent Politico
J'ai horreur d'écrire "l'internet", mais pour une fois cette formulation me semble plus appropriée. Je m'interrogeais il y a quelques jours sur l'avenir de cet étonnant moyen de communication qu'est le net, certes contrôlé mais permettant malgré tout une liberté que les citoyens du monde (du moins ceux ayant la chance de pouvoir se connecter) n'avaient jusqu'alors jamais connue.
6 réactions
1 De adam kesher - 18/11/2005, 17:37
Je n'ai pas écrit sur le sujet mais je me suis pas mal demandé pourquoi, au fond, on contestait la suprématie américaine sur Internet. De ce que j'en lis, on conteste la suprématie :
- pour contester (sans raison)
- en vertu de ce pouvoir théorique
Je me demande ce qu'il pourrait bien se passer pour que les USA utilisent ce pouvoir de tout bloquer... ca me semble, effectivement, tout à fait théorique.
Théorique, l'est beaucoup moins la restriction de liberté d'expression dans des pays comme la Chine ou la Tunisie.
A tout prendre je préfère le statu quo. Cela est-il foncièrement dérangeant qu'Internet soit sous la coup des USA, si la liberté (qui est quasiment une "condition" de l'utilisation d'Internet) est garantie ?
2 De Eric Cabrol - 21/11/2005, 18:36
"... si la liberté est garantie". C'est bien dans ce "si" que se niche le débat. Aujourd'hui l'ICANN semble faire son travail d'une manière qui convient à tout le monde. Si demain ce n'était plus le cas ... Si demain le gouvernement US perdait toute rationalité dans le domaine ? Evidemment c'est de la méfiance a priori, mais je comprends que la perspective de laisser le contrôle de cette institution à un organisme d'état (d'un seul état) ne soit pas de nature à rassurer la communauté ....L'argument américain concernant le risque d'un bridage de certaines libertés d'expression me semble par ailleurs tout à fait contestable : en quoi un organisme international spécifiquement crée ne pourrait-il pas remplir les tâches dont s'acquitte l'ICANN aujourd'hui ? J'ai lu la position de Reporters sans Frontières sur le sujet, mais ne suis pas convaincu pour autant. Il ne s'agit pas de laisser l'Iran, la Chine ou Cuba contrôler l'organisme en question, mais simplement de leur permettre, comme à toutes les autres nations, d'y participer. Soit dit en passant le fonctionnement actuel n'empêche pas la Chine de contrôler étroitement ce que les fils de l'empire du Milieu ont ou non le droit de lire et de publier
3 De molemo - 01/12/2005, 14:58
Testons une gouvernance chinoise pour l'Internet ;)
Ou même française, pour rigoler, (avec interdiction de parler de collaboration, de colonisation....)
Les Etats Unis nous imposent (hélas) un modèle économique et consummériste mais dans à cette échelle de grand pays ce sont les seuls qui garantissent (pour l'instant) une certaine liberté (pour l'équiter on repassera ;))
4 De Eric - 01/12/2005, 18:26
Gouvernance chinoise ... On pourra taper les messages en pinyin, quand même ? :-)
Remarque sinon ça me donnera une bonne raison de passer ce blog en UTF-8 ...
5 De ab6 - 01/12/2005, 19:42
Houlala, j'ai pas tout compris ...
6 De Eric - 02/12/2005, 12:00
Pour le pinyin il n'y a sans doute pas besoin d'explication, mais sinon wikipedia devrait faire l'affaire. Pour l'UTF-8 l'article de wikipedia semble avoir été écrit par des informaticiens ... Donc en version simplifiée, c'est un moyen de codage qui permet de représenter de manière unique la plupart des caractères des différents alphabets nationaux. Avec les seuls 128 caractères que permettait de représenter un codage en ascii, par exemple, comme c'était le cas il y a quinze ans, c'était un peu court pour afficher les quelques milliers de sinogrammes ...