Soudain je le vois profiter d'un moment d'inattention des serveuses pour plonger la main dans une coupelle que je devine, de loin, être le réceptacle des pourboires, et empocher aussitôt son butin, ni vu ni connu. Je tergiverse quelques instants, vois le patron des lieux s'en rapprocher et lui demander de quitter les lieux s'il n'a pas l'intention de s'asseoir, tout en lui proposant quelques morceaux de pain. Une des serveuses revient vers la coupelle en question, et s'étonne devant ses collègues de la disparition de leurs pourboires.
Que croyez-vous que je fis ? Je dénonçai le malheureux, réagissant plutôt instinctivement à ce qui me semblait être, sur le moment, une réelle (quoique peu dramatique) injustice. Ce n'est qu'une fois revenu à ma table que je me demandais si ce pauvre larcin méritait bien que je me rende coupable de délation. Si les quelques pièces qu'il avait réussi à récupérer en se montrant, pour une fois, plus opportuniste que les autres, lui permettaient de manger un peu mieux pendant un jour ou deux, ma foi, ca ne valait sans doute pas que je me préoccupe des fins de mois sûrement moins inconfortables des serveuses.
Vous auriez fait quoi, vous ?
Dénoncer, ou laisser faire ?
mercredi 16 novembre 2005. Lien permanent Ego
J'étais attablé avec des amis dans un restaurant du 18ème (Paris, France). Un type, apparemment SDF et n'ayant surtout manifestement pas vocation à devenir client, rentre, et passe quelques longues minutes debout, à attendre seul, un peu paumé. Le personnel du restau semble s'en désintéresser, peut-être habitué à sa visite. J'imagine dans un premier temps qu'il est là pour quémander de quoi manger, mais il n'en fait en tout cas pas la demande.
4 réactions
1 De adam kesher - 18/11/2005, 17:42
Je pense que ça aurait sûrement dépendu... de sa tête. Bonne tête, il me fait un peu pitié : je ne dis rien. Mauvaise tête, il a l'air méchant : je balance... ca aurait donc été foncièrement injuste. Difficile de ne pas réagir de façon émotionnelle, difficile de ne pas avoir de sentimenst mélangés.
2 De Steph - 22/11/2005, 21:13
Le probleme c'est que cet argent il ne va pas s'en servir pour acheter de la nourriture, mais de l'alcool.
Moi je me demande comment un pays peut etre fier de soit en s'occupant de personnes dites "pauvres" (possedant une television, satelitte, ordinateur, canape, lits, cuisine, mangant matin midi soir...) qui bousillent tout un pays (ref aux emeutes) et peut se permettre de laisser des hommes dormirent dans la rue, ne mangant que le soir pour les moins mal chanceux.
Triste France.
3 De Octavo - 23/11/2005, 10:00
Dilemme ennuyeux... En tous cas ce qui est certain c'est que quoi que j'aie fait à ta place, je m'en serais voulu par après, car aucune solution ne me semble être la bonne.
Pourtant, je pense que j'aurais fait la même chose. Même si sa situation personnelle est difficile voire dramatique, ça n'excuse pas un vol caractérisé ... En plus, c'est pas Robin des Bois, hein, de voler dans la coupelle des pourboires ...
Mais je me répète, aucune des deux possibilités n'est satisfaisante. Et le fait de se dire "j'ai pris le parti du plus faible" si on ne dit rien me semble un peu lâche.
4 De Eric Cabrol - 23/11/2005, 11:47
@Steph : je ne sais pas si ce pays est fier de lui, je n'en ai pas l'impression ... Mais ce pays offre des dispositifs censés lutter contre ce genre de situations : je pense en particulier au RMI. Je n'en connaissais pas précisément les modalités d'attribution, et suis donc allé vérifier. Même les SDF peuvent en bénéficier (heureusement, le contraire serait pour le moins absurde), et les conditions d'ouverture de droit sont très peu restrictives, en-dehors de l'âge. Que faut-il de plus ? Sans doute une structure qui les oriente dans cette démarche, et aide ceux qui souffrent d'illettrisme ?
@adam : la morphopsychologie, en plus de la délation ? Ca aurait fait trop pour un seul soir :-)
@Octavo : le meilleur moyen de se "protéger", c'est encore de se retrancher derrière la loi. Or le code pénal considère comme un délit la non-dénonciation (aux autorités compétentes) d'un délit en cours. Mais je me demande si ce n'est pas aussi lâche, en fait ...