Romance, inhumanité de l'industrie pharmaceutique, corruption du monde politique, intrigues politiques multiples, prépondérance des leviers financiers, caractère à la fois indispensable et parfois dérisoire de la cause humanitaire ... autant de thèmes qu'il était difficile de concilier dans un même film en tentant de respecter un certain équilibre. Le discours n'est pas que politique (heureusement, sinon le manichéisme dont il est parfois suspect serait sûrement pesant), il n'est pas non plus que romanesque. C'est visuellement assez travaillé, les images d'Afrique, nombreuses, sont superbes. Le film vaut aussi (surtout) pour son interprétation, plus du côté de Ralph Fiennes, subtil, modéré, complexe, que dans le personnage énergique mais plus simpliste interprété par Rachel Weisz.

Au-delà de l'oeuvre artistique se pose évidemment la question des faits. Un labo peut-il se permettre d'expérimenter des produits sur une population à l'insu de cette dernière ? Le secrétaire général d'Interpharma, organisme représentant plusieurs groupes pharmaceutiques suisses, affirme dans le Matin :

Aucune firme pharmaceutique ne pourrait se permettre de procéder à de tels essais, car ils n'auraient aucune valeur pour l'obtention de l'autorisation de commercialiser un médicament. Sans compter que l'impact sur son image serait catastrophique.

Réponse tellement évidente qu'elle en est prévisible. Dans la pratique, quiconque travaille dans un grand groupe peut constater des dérapages systématiques entre la ligne de conduite théorique et la réalité. Parce que les délais sont toujours plus courts, parce que la coordination et plus encore l'anticipation ne sont jamais suffisantes, parce que les plannings ne tiennent pas compte des impondérables. Lorsque la pression du marché devient trop forte, parce que les concurrents ont une longueur d'avance, ou pour éviter qu'ils ne récupèrent leur retard, les produits sortent parfois trop tôt. Avant d'être intégralement validés. Parce que rien ne vaut une campagne d'essai grandeur nature sur un consommateur qui se retrouve beta-testeur consentant, et qui sera parfois prêt à passer de nombreux défauts à son nouveau joujou à condition que celui-ci lui permette de briller devant son voisin.
Evidemment, les problèmes de fiabilité qui peuvent affecter un combiné téléphone portable - appareil photo numérique - GPS - presse-agrumes ne relèvent pas de la même "juridiction" que les effets secondaires non prévus d'un médicament. Mais l'industrie pharmaceutique échappe-t-elle pour autant aux travers des autres secteurs d'activité ? Tout dépend assurément de la qualité, du niveau d'exigence et de l'indépendance des organismes de contrôle. Quels sont-ils, quels pouvoirs réels ont-ils ?


A lire aussi sur le sujet :

  • un billet sur le blog d'Empyrée, qui reprend une interview de John Le Carré parue dans un numéro de Courrier International de janvier 2001.
  • un article de juin 2005 du Monde Diplo