Découvert, via Freakonomics, le site de l'AAWE qui publie notamment quelques articles intégraux de son journal.
Bertrand Le Guern s'est déjà attaqué à une tentative de corrélation entre le prix des vins et les notes qui leur sont attribuées par les critiques, pour tenter de vérifier notamment si, comme on l'entend souvent dire, Robert Parker suffit à lui seul à fixer le cours du picrate haut de gamme mondial.
Ici ce sont Sébastien Lecocq et Michael Visser qui nous aident à comprendre ce qui détermine le prix d'un vin : le millésime, le nom, les notes ? Les conditions naturelles (terroir), l'arsenal technologique utilisé pour la vinification ?
Se pose aussi la question du rapport entre prix et qualité. Certains affirment que l'échelle des prix reflète précisément la hiérarchie des crus. Si les auteurs pensent que le marché peut effectivement contribuer à fixer des prix en rapport avec la qualité intrinsèque (encore faut-il être capable de la définir) pour les vins les plus prestigieux, qui s'échangent à longueur d'année dans les salles de ventes, l'argument leur semble plus discutable pour tous les vins "intermédiaires", pour lesquels la relative absence d'information (rareté des dégustations ou des commentaires dans les revues spécialisées, ...) rend les prix plus "rigides".
Mais revenons à l'article. Plus de 750 vins de Bordeaux et 600 vins de Bourgogne ont été dégustés par un jury de 4 ou 5 experts, à qui on a demandé de commenter les caractéristiques olfactives et gustatives des vins et de les noter sur 20, ce qui sera le moyen retenu pour juger de leur "qualité".
Il s'avère que le prix de ces vins, quelle que soit leur provenance, est beaucoup plus lié à des facteurs objectifs (appellation, millésime, classification (1) ...) qu'aux qualités organoleptiques décrites par les experts. La corrélation entre le prix et la note globale donnée par le jury est positive et significative, mais elle est moindre que celle due aux facteurs objectifs sus-mentionnés.
On peut alors se demander comment il se fait que le prix et la note ne soient pas davantage corrélés. Une première explication pourrait venir du fait que les membres du jury sont globalement d'accord sur la qualité des vins (sur leur hiérarchie, plus précisément), mais sont insuffisamment précis dans leur estimation du niveau "réel" d'un vin. L'augmentation du nombre de jurés pourrait permettre de réduire la variance de la moyenne des erreurs de jugement ...
Une seconde explication peut tout simplement venir de la différence de goût d'un juré à l'autre, étant donné que chacun n'apprécie pas forcément les mêmes éléments que son voisin. Le fait de prendre la moyenne des notes des dégustateurs contribue à lisser ces différences de jugement. Le marché, lui, réagit différemment. Un vin n'a en effet pas besoin de plaire à tous les consommateurs pour atteindre un prix élevé. Il peut très bien laisser indifférents 90% d'entre eux, mais il suffit qu'il plaise énormément aux 10% restants pour que le prix s'envole (surtout si ces 10% sont parmi les plus fortunés ...).
(1) Par classification on entend ici la position du vin dans la hiérarchie locale : grand cru classé, cru bourgeois, ou cru non classé dans le bordelais, et grand cru, premier cru, appellation communale ou simplement régionale en Bourgogne.