Ainsi, donc, le divin Zidane a-t-il décidé de tirer sa révérence à sa manière. D'un bon coup de boulasson dans le plexus d'un grand escogriffe qui l'aurait traité, soit de terroriste selon les organisateurs, soit de figlio di putana selon la police. Comme quelques centaines de millions de télespectateurs, je suis resté scotché devant mon écran. En quelques secondes se sont succédées autant de questions qu'habituellement dans l'esprit d'un enfant de 5 ans en au moins deux jours. Comment ? Quoi ? Pourquoi lui ? Ma, che cazzo fai ? Iléfou ? Qu'est-ce qui lui a pris ? Mais, enfin, papa, POURQUOI ?
Et puis cette séquence, vue et revue, m'a fait sourire. Impossible de dire pourquoi, mais quelque part ça m'a plu. Ca a dû satisfaire ma forte inclination à l'iconoclastie qu'un type puisse saboter à ce point son image en quelques secondes, au mépris de tout ce qui est censé dicter sa conduite : la bienséance la plus élémentaire, les règles de bonne conduite sportive, l'image des annonceurs qu'il représente, le fait qu'il soit filmé et vu par deux ou trois milliards d'individus (et surement davantage maintenant), bref, tout cela a volé en éclat (comme le nez de Materazzi aurait pu le faire s'il avait mesuré vingt centimètres de moins) parce que Zidane a décidé qu'il en avait ras le cul de se faire insulter ou chambrer sur un stade. Et que c'était peut-être sa dernière occasion de le faire savoir à la planète. Et que, fi des convenances, quand faut que ça sorte, faut que ça sorte.
Alors oui, bon, la violence c'est mal, pis les enfants ils ont tout vu vous imaginez quand même quel exemple ça leur donne, ah si c'est comme ça je vais les inscrire au rugby la saison prochaine (nota : au rugby, même en minimes, ca se met des gnons à qui mieux mieux. Mais ça fait partie du folklore ...). Et si c'est pas une honte, avec tout ce qu'ils gagnent ...

Moui. Peut-être. Je ne sais pas, en fait je ne regarde pas du sport pour y trouver des individus qui y soient humainement irréprochables, c'est la performance sportive qui m'intéresse le plus. Mais il serait malhonnête de ma part de dire que leur manière de fonctionner, intellectuellement parlant, m'est indifférente. Ce qu'a fait Cristiano Ronaldo à Rooney (nota pour ceux qui ne suivent pas : il a demandé à l'arbitre de l'expulser, alors que les deux jouent toute l'année dans le même club) m'a paru aberrant, inconcevable. Ca, je ne l'aurais jamais fait (le reste de ce qu'est capable de faire C. Ronaldo non plus, ça tombe bien ...). Mais la réaction de Zidane ? ... C'est peut-être ce qui me "plait" dans ce comportement, parce que la part de noirceur qui est mienne y trouve un écho. Moi aussi j'ai eu envie, des dizaines de fois, de mettre des coups de tête à des cons. Je ne l'ai jamais fait, et j'ai la fierté de penser que mon éducation, ma "domestication", ma "civilisation" (civilisitude ?) a jusqu'à ce jour réussi à prendre le dessus sur mes instincs animaux. Mais quid de mon comportement dans des circonstances pareilles, avec un degré d'émotion aussi intense, une pression qui atteint son climax ? Planqué derrière mon téléviseur, je pourrai toujours me persuader que j'aurais été moins impulsif que Zizou ...

Sinon, pour parler d'athlètes de haut niveau dont on n'a toujours aucune preuve publique du manque de fair-play ou de sportivité, Federer et Nadal ont de nouveau livré une interprétation de leur symphonie à quatre mains, hier, sur le gazon usé du All England Club. Le Majorquin l'avait emporté à Roland-Garros il y a un mois, sur ses terres, sur sa terre, cette fois c'est le jardinier helvète qui a pris le dessus, sur un gazon qui lui appartient depuis maintenant quatre ans. Chapeau les artistes, congratulaciones Rafa pour avoir atteint ce niveau aussi rapidement sur herbe, bravissimo aussi à Amelie pour son titre chez les dames, et vive les sports dans lesquels un filet empêche les joueurs de se taper dessus.



Edit : je ne résiste pas à l'envie d'ajouter quelques lignes du Times à propos du penalty tiré par Zidane dès le début de la première mi-temps, suite à la faute (?) commise sur Malouda :

With Buffon down on the ground, the ball struck the underside of the bar and bounced a foot over the line. No one seemed sure whether to celebrate or laugh. The greatest player of his generation was fractions away from looking its greatest idiot — a fate that still awaited him