Chez Econoclaste :

Si l'on admet que la hausse des salaires des dirigeants provient de la capitalisation boursière, pourquoi les salaires des autres employés des entreprises n'ont-ils pas fait de même? Certes, les dirigeants ont de l'importance; mais [...] potentiellement, un très grand nombre de salariés, même ceux qui ne contribuent que marginalement à l'activité de l'entreprise peuvent aussi avoir un impact parfois dévastateur sur les résultats de l'entreprise. La littérature en management est riche de ces multiples cas dans lesquels un modeste rouage défaillant de la chaîne de production a provoqué une catastrophe. Il y a, dans ces questions autour des salaires des dirigeants, un mythe : celui du chef omniscient qui pilote sa machine. Mais le rôle d'un manager, ce n'est pas cela. L'une des réalités les mieux établies du management, c'est que le fait qu'il y ait quelqu'un à la place du manager compte infiniment plus que les décisions que celui-ci prend. Le dirigeant sert à légitimer les décisions, et sert de relais d'information; mais sa contribution à la performance de l'entreprise n'est pas significativement différente de celle de nombre d'autres salariés. Est-ce que parce que les bons dirigeants sont irremplaçables? Mais un dirigeant d'entreprise est beaucoup plus facile à remplacer que par exemple, un administrateur réseau ou un cadre commercial, ou un chef d'atelier, qui détiennent des compétences informelles indispensables. On peut faire beaucoup de reproches à un Forgeard, mais les retards de fabrication de l'A-380 sont le fait de tout un ensemble de contraintes envers lesquelles il n'avait aucun pouvoir. Pourquoi devrait-il être rémunéré comme s'il était seul responsable de la chute des cours liée à ce retard?

Il y a une mythologie du dirigeant, qui en fait un stratège des hautes sphères qui pilote son entreprise comme on conduit une voiture, sorte de leader omniscient dont la performance conditionne celle de tous les autres. Cette mythologie n'est d'ailleurs pas propre à l'entreprise : elle se retrouve en politique, ou l'on impute aux dirigeants des capacités qu'ils n'ont pas; dans le domaine militaire, ou l'on surestime le rôle des généraux en oubliant que le plus souvent, ils ne savaient pas ce qui se passait et que leurs ordres n'arrivaient que rarement à leur destinataire, et trop tard.