Après l'énoncé des nouvelles règles du business selon Fortune, voici, par Ron Garrett, venture-capitalist californien, la liste des dix mythes auxquels croient la plupart des geeks (au sens large, lire "gens issus de la technique") lorsqu'ils tentent de monter une boite (traduction personnelle assez libre) :

1. Une idée brillante vous rendra riche
Une idée brillante n'est ni une condition nécessaire, ni une condition suffisante pour que votre entreprise connaisse le succès (même si toutes choses égales par ailleurs ça ne peut pas faire de mal).

2. Si vous concrétisez votre idée les clients viendront
Il y a une part de vérité derrière cette affirmation, Google étant aujourd'hui l'exemple type de la société qui a créé un produit et obtenu ensuite un succès difficilement prévisible. Mais pour chaque Google il y a des dizaines de sociétés avec d'excellents produits mais qui ne les vendent pas, pour une raison x ou y. Une étude de marché préalable peut éviter bien des investissements inutiles ...

3. On vous volera votre idée si vous ne la protégez pas
En réalité, tout le monde se moque de votre idée ... du moins jusqu'à ce que vous connaissiez le succès. Ensuite il est trop tard ... Le recours aux brevets peut cependant rassurer les investisseurs, surtout les investisseurs naifs.

4. C'est ce que vous pensez qui compte
Peu importe que vous soyez persuadé que votre invention est la plus brillante idée depuis la pizza prédécoupée, ce qui compte c'est ce que pensent les clients. Et ils pensent rarement la même chose que vous, pour une raison toute bête : si vous êtes suffisamment intelligent pour avoir une idée de ce genre, alors vous êtes différents des autres. Or si vous ciblez seulement les gens qui s'intéressent aux mêmes choses que vous, votre clientèle risque d'être plutôt réduite ...

5. Les modèles financiers ne servent à rien
Comme pour le deuxième point il y a une part de vérité derrière cette affirmation : il n'y a aucun moyen de savoir précisément combien vous coûtera la mise sur le marché, et combien vous allez gagner en contrepartie. Mais la mise en place d'un modèle financier demeure un bon moyen de savoir si le retour sur investissement fait au moins partie des scénarios plausibles. Si le modèle vous montre que pour espérer gagner de l'argent il vous faudra une clientèle dix fois plus large que ce que le marché offre aujourd'hui, vous feriez mieux d'y réflechir à deux fois. Pour reprendre Eisenhower (le spécialiste en citations faisant partie de mes trois lecteurs/commentateurs réguliers corrigera le cas échéant :)), "les plans sont inutiles mais la planification est indispensable".

6. Ce que vous savez compte plus que les personnes que vous connaissez
(si j'étais pervers je traduirais par "vos connaissances sont plus importantes que vos connaissances", mais bon, hein ...)
Soit vous avez été élevé dans la croyance qu'il était important d'être intelligent, soit vous n'avez pas cru votre mère lorsqu'elle vous a dit qu'il valait mieux frayer avec les "bonnes" personnes à l'école plutôt que de ramener des A. Ca ne revient évidemment pas à dire qu'il est inutile d'être intelligent, sachant que la connaissance du "quoi" vous amènera souvent à être présenté aux bons "qui". Mais le fait est là : les personnes que vous connaissez comptent plus que les domaines que vous maitrisez. Il y a là encore une bonne raison à cela : la prise de décisions dans le monde entrepreneurial est un processus extrêmement complexe, et personne ne peut prétendre amasser suffisamment de connaissances et d'expérience pour pouvoir prendre seul les bonnes décisions. Il est donc nécessaire de déleguer. Or quand on délègue, on choisit généralement des gens que l'on connait (et en qui l'on a confiance).

7. Un doctorat veut dire quelque chose
La seule chose que signifie votre diplôme, c'est que vous n'êtes pas un imbécile. Mais empiriquement, la possession d'un doctorat est corrélée négativement avec la réussite en affaires, parce que le processus de récompense en milieu académique est l'exact opposé de ce qu'il est en entreprise. A l'université, c'est ce que vos pairs pensent qui comptent. Dans le business, c'est ce que les clients pensent, et vos clients ne sont (presque certainement) pas vos pairs.

8. J'ai besoin de cinq millions de dollars pour commencer
A moins que vous ne vous lanciez dans le hardware informatique (auquel cas vous devriez reconsidérer votre choix), vous n'avez probablement pas besoin de beaucoup de capital, voire pas du tout. Ce qui compte par dessus tout, c'est que vous soyez prêt à travailler nuits et week-ends sur votre projet, et à croire à fond à son potentiel commercial.

9. L'idée est l'élément le plus important de mon business plan
En réalité c'est presque hors de propos. Ce qui compte c'est 1) quels sont vos clients ? 2) pourquoi achèteront-ils ce que vous vendez ? 3) qui est dans votre équipe ? 4) quels sont les risques ?

10. Ne pas avoir de concurrents est une bonne chose
La plupart du temps, si vous n'avez pas de concurrents c'est plutôt parce qu'il n'y a pas d'argent à gagner. Sur les 6 milliards d'individus que compte la planète, il est très peu probable qu'aucun n'ait songé à exploiter la moindre niche commerciale susceptible d'être lucrative. Mais la bonne nouvelle, c'est qu'il est très probable que vos concurrents soient des mauvais. La plupart des affaires sont mal gérées, commercialisant des produits de mauvaise qualité, traitant employés et clients comme de la merde (je traduis, hein). Il ne faut pas souhaiter zéro concurrence, il faut seulement espérer n'avoir que de mauvais concurrents. Et ça, il y en a partout.

Tous ces mythes peuvent être résumés très brièvement : c'est le client qui compte !
Le succès dans le monde des affaires ne se résume pas à une idée, aussi brillante soit-elle. Les bonnes idées peuvent s'acheter à la pelle pour pas un rond. Entreprendre, c'est partir d'une bonne idée et monter une équipe qui soit capable de transformer cette idée en produit pour ensuite le faire connaitre à des clients qui auront envie de l'acheter.
C'est aussi simple que cela. Et aussi compliqué que cela.