Intéressant billet sur hns-info faisant le lien entre ce que nous mangeons et les dépenses énergétiques induites pour amener les aliments jusqu'à notre assiette. L'article est long, donc je résume pour ceux qui ont la flemme.
- la quantité d'aliments consommée n'évolue pas sensiblement. Elle était de 735 kg par personne et par an en 1970, et s'élève à 770 kgs aujourd'hui.
- le nombre de kilomètres parcourus par les aliments avant de se retrouver dans nos assiettes est en revanche en nette augmentation. "L’ananas du Ghana, le steak argentin et le vin australien, sont devenus des choix banaux et quotidiens". Les produits venant d'Europe sont généralement acheminés par camion. Pour les matières premières originaires d'un autre continent, ce sont l'avion et le bateau qui constituent les solutions de choix, selon la fragilité des aliments transportés, et donc la rapidité avec laquelle ils doivent être consommés. L’augmentation du trafic (routier, aérien, maritime) est ainsi imputable en partie à nos choix alimentaires.
Rien de révolutionnaire jusque là, j'espère que tout le monde est conscient qu'en achetant des fraises en décembre elles ne viennent pas de Sologne ... Quelques précisions quantitatives maintenant. Pour mesurer l’impact environnemental du transport des denrées alimentaires, on utilise la notion de grammes de CO2 par tonne.kilomètre (c'est la quantité de CO2 émise pour transporter une tonne d'un aliment sur un kilomètre) :
- Bateau : 15 à 30 g/ tonne km
- Train : 30 g/ tonne km
- Voiture : 168 à 186 g/ tonne km
- Camion : 210 à 1.430 g/tonne km (Les valeurs varient fortement selon le type de camion. Généralement, un grand camion émet plus de CO2 qu’un petit camion ; les camions frigorifiques émettent jusqu’à 800g CO2/tonne km en plus qu’un camion non réfrigéré.)
- Avion : 570 à 1.580 g/ tonne km (E. Millstone & Tim Lang (2003). The atlas of food : who eats what, where and why.)
Je suis un peu sceptique sur la remarque qu'un grand camion est moins "efficace" qu'un petit. Je serais en effet surpris qu'un 38 tonnes consomme deux fois plus, même à pleine charge, qu'un 19 tonnes ...
A propos du transport aérien, si j'extrapole à partir des chiffres donnés par Jean-Marc Jancovici, à savoir qu'un avion peut transporter 40 tonnes de charge utile (l'équivalent de 400 passagers, à 80 kgs + 20 kgs de bagages) sur 14000 kms en consommant 200 000 litres de kérosène, ce qui rejette 500 tonnes de CO2 dans l'atmosphère, j'arrive à 900 g / (tonne.km), ce qui est bien dans la moyenne de la fourchette indiquée par les auteurs.
A chaque fois qu'on mange un kilo de carottes sud-africaines, on émet donc indirectement un peu plus de 5 kgs de CO2.
Je cite de nouveau l'article : "une étude réalisée en Angleterre donne la répartition suivante en ce qui concerne les rejets de CO2 dus au transport des denrées alimentaires :"
- Avions : 11%
- Voitures : 13% (L’explication de ce pourcentage élevé est en partie le fait que, contrairement à l’optimisation de l’espace lors du transport en cargo, les consommateurs ne remplissent pas complètement leur voiture. Il en résulte que les courses en voiture sont très inefficaces du point de vue écologique.)
- Bateaux : 12% (Ce chiffre bas s’explique par le fait que le transport en bateau donne très peu de rejets de CO2 par kilomètre.)
- Camions : 64%
Le statut insulaire de la Grande-Bretagne rend à mon avis ces chiffres peu représentatifs, surestimant la part liée au transport aérien et maritime, et sous-évaluant le transport routier. Malgré cela la part de ce dernier est considérable, et on peut imaginer qu'elle est encore plus importante en France ...
En Angleterre, "près de 10 millions de tonnes de CO2 sont émises lors du transport de produits alimentaires". C'est autant que l'industrie lourde ...
L'article poursuit en relevant les absurdités propres au transport de marchandises. Ainsi :
En 1999, la France a exporté 3.515 millions de tonnes de lait, et au cours de cette même année, en a importé 1.641 millions de tonnes. En 1998, l’Angleterre a exporté 60.000 tonnes de poulet vers les Pays-Bas, et en même temps l’Angleterre a importé 30.000 tonnes de poulet des Pays-Bas. Le cas des crevettes belges parait encore plus absurde. Les crevettes sont récoltées à la côte belge, puis elles sont transportées au Maroc pour être nettoyées et reviennent ensuite en Belgique pour être vendues. Apparemment, quelques milliers de km de transport coûtent moins cher que la main d’oeuvre en Belgique.
Pour le producteur, s'il a fait ce choix c'est évidemment le cas. Le coût environnemental n'est par contre pas le même ...
La prise de conscience est nécessaire du côté des consommateurs : à partir d'une même recette (un poulet à l'ananas), les auteurs ont quantifié (en incluant tous les coûts, y compris ceux liés aux éventuels emballages) que l'équivalent-CO2 émis selon les choix du cuisinier (ananas frais ou en boite, importé ou pas, etc ...) pouvait aller de 80 grammes à 2.71 kgs ... Un rapport 30 !
Dans le même ordre d'idées, un plus grand respect des rythmes saisonniers permettrait de limiter le recours aux produits élevés sous serre, dont l'impact environnemental est, d'après une étude, similaire à celui de denrées transportées par avion.
Les déplacements individuels nécessaires à l'approvisionnement sont également en jeu :
En 1985, le consommateur français faisait des courses 2.8 fois par semaine et n’utilisait la voiture que pour la moitié de ces courses. Dix ans plus tard, le consommateur moyen fait des courses 3.3 fois par semaine et utilise la voiture dans 85% des cas (F. Bellanger (2001), Escale(s))
Pour terminer, la réflexion qui tue :
Vaut-il mieux acheter un aliment issu de l’agriculture biologique, mode de production soucieux de l’environnement, mais importé d’un pays lointain ou une denrée produite localement par des procédés plus traditionnels ?
Une étude réalisée en Angleterre en 2001, conclut que d’un point de vue environnemental, il vaut mieux acheter un produit local, issu de l’agriculture classique plutôt qu’un produit biologique importé, tant le transport est un facteur qui pèse dans le bilan environnemental (T. Lang & M. Heasman (2004), Food Wars).
8 réactions
1 De Krysztof von Murphy - 15/11/2006, 11:06
La carotte pas bio produite à côté, par contre, elle pollue ta nappe phréatique. Tu as le choix entre deux pollutions.
Par contre je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas prendre du bio local :o)
(E.C :) Les deux ne sont pas exclusifs, c'est clair, mais la combinaison des deux n'est pas toujours disponible
Je comprends encore les carottes sud-africaines, il y a un besoin non satisfait localement. Mais franchement, il y a des choses qui sont réellement débiles à exporter : j'ai une fois acheté une PIZZA surgelée allemande. À Strasbourg, ça ne me pose pas de problème de conscience écologique, mais vu le nombre de langues sur l'emballage, elle était exportée dans toute l'Europe. Une PIZZA !!!
Vu que la raison de tous ces déplacements inutile est le coût dérisoire du transport par rapport à la main d'oeuvre notamment, je ne vois pas d'autre moyen de régler ça que les taxes sur les émissions de CO2, et le carburant en particulier, de manière sûre et inexorable, du genre un plan de l'UE pour ajouter 50 c au litre de gazole chaque année pendant 10 ans, et des taxes équivalentes sur les importations, taxe servant à subventionner les voitures électriques, les quotas de remises de taxes sur les carburants aux particuliers (et uniquement eux), le solaire sur tous les toits, les réseaux de distribution électriques, le bio, le fer, le fluvial, le télétravail (une mine !)...
Ajoutons des aberrations du genre des exportations européennes de poulet congelé en Afrique (=> CO2 + ruine des producteurs locaux => immigration, etc.), ou l'extension inexorable des centres commerciaux loin des villes...
(E.C :) Sans y avoir particulièrement réflechi pour le moment j'aime bien l'idée de la taxe carbone proposée par de Villepin.
2 De Krysztof von Murphy - 15/11/2006, 21:34
La taxe carbone, oui, faudrait voir combien. Si c’est taxer pour taxer sans utilisation intelligente de l’argent récolté, et en continuant à faire n’importe quoi à côté, ça ne servira à rien sinon à aigrir le consommateur. Si la taxe est trop faible pour être visible, ça ne servira à rien. Si les gens n’ont pas la possibilité de changer de comportement (cas des gens obligés de prendre leur voiture, pas de transports en commun performants à portée), ça ne servira à rien.
3 De Eric C. - 16/11/2006, 11:02
Il s'agit de taxer les produits importés depuis les pays non-signataires de Kyoto. Ce qui peut permettre de modifier des équilibres de consommation, et ne me semble pouvoir aller que dans le bon sens. Les gens pourront adapter leur comportement de la manière la plus simple qui soit : soit continuer à acheter chinois ou américain, mais un peu plus cher qu'auparavant, afin de réaliser que le coût environnemental doit être pris en compte dans une démarche d'achat, soit se tourner vers des produits a priori plus "propres".
L'objection est bien sûr toute trouvée : qu'un pays refuse de ratifier Kyoto ne signifie pas pour autant que tous les produits qui sortent de son territoire sont moins "propres" que leurs équivalents européens (par exemple). Mais la complexité à intégrer le coût environnemental de la fabrication d'un bien de consommation dans son prix ne doit pas dissuader de prendre des mesures incitatives allant, il me semble, dans le bon sens.
Ca relèverait de la même logique qui pousse certains à ne pas vouloir essayer de réduire l'impact de l'activité humaine sur l'environnement, sous prétexte que la modélisation du changement climatique est trop complexe ...
4 De François BELLANGER - 20/07/2007, 15:18
Grosse erreur.
Le bouquin Escale(s) que vous évoqué a été écrit par moi-même François Bellanger et non par Yves Castelain qui n'en fut que le maquetiste !!!
Pour en savoir plus : www.transit-city.com
5 De Eric - 20/07/2007, 18:25
C'est corrigé ...
6 De system overload - 07/08/2007, 00:45
L'essentiel étant le contenu il me semble ;)
Je ne suis pas d'accord sur le fait que cela dépend des consommateurs, d'une part parceque s'il l'on doit compter sur la citoyenneté de chacun alors on est mal barré et d'autre part et surtout parceque les lobby financiers ont largement pris le pas sur les positions politiques. A partir de là que dieu nous vienne en aide. Perso je suis pas croyant :)
7 De cadier - 16/01/2008, 16:55
ce n'est rien comparé aux 6000 kg de sable consommé par habitant par an qui transporté par des camions qui emmetent trois fois plus de co2 par km qu'un avion. et qui circulent 12 heures par jours sur chaque continents.
la part des importations de co2 du transport de fruits et legumes est marginale
8 De gégé - 11/04/2009, 19:20
article instructif qui interpele et pose pas mal de questions.J'habite en bearn et les artichaux bretons ,les pommes normandes,la choucroute alsacienne,les abricots et peches du sud -est pour ne citer que ces produits là ont un cout co2 enorme et nettement superieur ,a la tonne,vue les poids lourds qui sillonnent nos belles routes, que des produits identiques mis en cargos en amerique du sud ou ailleurs?ça interpelle,d'autant que si tout le monde devait manger et au dela acheter local,on retourne au moyen age de l'économie voire plus loin car les producteurs de ces pays peuvent se poser legitimement la meme question,pourquoi acheter français,c'est a 6000km.D'autant que ces pays sont plus pauvres que nous et en leur achetant ,on participe a leur developpement.Et que dire du commerce ethique et équitable qui nous est chers mais qui vient en petite quantités de loin?Es-ce que nos belles idées, cachant pour certains un nationalisme économique qui leur serrait certe profitable,ne serrait-il pas un serpent qui se mort la queue?Quand au bio ,si il était imposé et generalisé ,c'est le budjet alimentaire de chacun qui est doublé au minimum,sans concurence,avec un apauvrissement à la clef,j'ai connu ça dans les années 60 ou les producteurs locaux avaient de hauts revenus,l'alimentaire c'etait 60% des revenus.Vivement le retour aux temps anciens ou la securité alimentaire ne valait pas celle d'aujourdhui ,maintenant le bio fascine pour" sauver une planete"qui a peu a voir avec nous,demandez a tout ceux qui existe ce qu'ils pensent de l'homme ,quand a la santé ou sont les stats montrant une nette amelioration pour ceux qui mangent bio?bon appetit quand meme....