Courrier International, le 23 novembre :

Ségolène Royal exploite consciemment son image de femme respectable et belle, se glisse dans des tailleurs d’une grande élégance qui, si ce ne sont pas des Chanel, en ont tout à fait l’air, chausse tous les jours des talons bien hauts et croise les jambes. Une image traditionnelle et très féminine qui coupe l’herbe sous le pied à la misogynie traditionnelle. Et c’est peut-être ce qui la rend plus insupportable encore. Car on est bien loin du stéréotype macho de la féministe scandaleuse, mal fagotée et transgressive. Même si elle l’est.

The Daily Telegraph, le 21 novembre :

Si Dieu existe, alors on peut sans doute dire que la culture politique en France est ce qu'Il a donné à ce pays pour équilibrer tout ce qu'il a à offrir par ailleurs. D'un côté vous avez la Côte d'Azur, les cathédrales de Reims et Chartres, Dom Perignon, Haut-Brion, le foie gras d'oie, Proust, Ravel et Brigitte Bardot. En face se trouvent les politiciens français, une bureaucratie sclérosée dont les tentacules s'étendent jusqu'aux plus bas échelons de la vie communale, et une économie encore figée dans les années 60 ultra-corporatistes.
Il est clair que si en mai prochain le peuple français élisait Madame Ségolène Royal à la présidence, rien ne changerait. Ceci n'est évidemment pas le point de vue de Mme Royal et de ses sbires.
Gagnera-t-elle ? Probablement. Un peu comme notre propre chef de l'opposition, Mme Royal a amplement capitalisé sur son image, sur le jeu des relations publiques, couplé à une absence presque totale de vue politique. Ces éléments ne l'empêcheront pas forcément de devenir présidente d'un pays troublé, dans lequel la colère gronde chaque jour plus fort, et qui veut du "changement".
Malheureusement, elle ne peut pas en proposer.
Ceci nous amène à parler de celui qui sera vraisemblablement l'adversaire de Mme Royal, à savoir Nicolas Sarkozy. "Vraisemblablement" parce que l'UMP ne désignera officiellement son candidat qu'en janvier. La haine vis-à-vis de M. Sarkozy est encore plus forte au sein de son propre parti que parmi ses adversaires. La dernière contribution du premier ministre Dominique de Villepin à la campagne de M. Sarkozy a été de l'avertir de "ne pas pêcher dans les eaux du Front National".
M. Sarkozy est partisan d'une réforme économique radicale, il veut ce qu'il appelle une "rupture" avec le passé récent. Beaucoup en France trouvent ceci attirant, quoique terrifiant. Si M. Sarkozy est élu et fait ne serait-ce que la moitié de ce qu'il a annoncé, attendez-vous à des émeutes dans les banlieues, des grèves, des barricades, le temps que la France se décide ou non à entrer dans le 21è siècle.
M. Le Pen est l'inconnue de cette élection. Il doit encore acquérir les signatures nécessaires pour se présenter, mais ses résultats dans les sondages ont récemment progressé. Sa participation au second tour est-elle exclue ? Non, parce que les deux autres candidats sont susceptibles de s'auto-détruire. M. Sarkozy est le moins vulnérable, grâce à son pouvoir sur les media, à sa plus grande expérience, et à ses qualités de combattant ; mais un parti divisé pourrait le desservir. Cependant, il ne fera probablement qu'une bouchée de Mme Royal, mettant à nu son inexpérience, son manque de pensée politique. Si c'est le cas, le déclin de celle-ci pourrait alors être aussi rapide que son ascension.
Et plus nombreux seront alors ceux qui pêcheront dans les eaux du FN que ne l'imaginait M. de Villepin.