L'Education Nationale va mal. Ce n'est pas moi qui le dis, mais le reste de la population française. Les élèves trouvent que leurs profs et leurs parents sont nuls, les profs trouvent que leurs élèves et leurs parents sont nuls, les parents trouvent que leurs enfants et leurs profs sont nuls.
En plus, les profs trouvent que le ministère est nul.
Tout va pour le pire dans le plus circulaire des mondes. Ou presque.
Reste le ministère de l'EN, qui lui, se demande juste, sans en être certain, si ces profs qui lui coûtent les yeux de la tête sont vraiment nuls. Ou pas.
Et si par hasard il n'y aurait pas moyen de les pousser à s'améliorer, quitte à les récompenser le cas échéant.
Mais comment faire ? Les faire évaluer par les élèves ? Impensable. Poussant à la démagogie, ce serait la pire des expressions des jurys citoyens ségolènistes. Les faire évaluer par des inspecteurs ? Il s'agit là d'opérations bien trop ponctuelles pour être durablement efficaces.
Reste une seule solution : les évaluer en s'appuyant sur les résultats obtenus par leurs élèves, non pas aux seuls examens qui sanctionnent des fins de cycle (brevet, bac), mais aux devoirs surveillés effectués tout au long de l'année.
Wouhaha, objecterez-vous. S'il leur suffit de donner des bonnes notes pour toucher des primes, ils mettront des 18 aux élèves indépendamment de la qualité des copies rendues par ceux-ci.
Et pourtant un tel système est en place outre-Atlantique, à Chicago, Dallas et en Caroline du Sud. Un enseignant a ainsi gagné 4500$ de primes en 2003. Comment les établissement s'assurent-ils que les enseignants ne trichent pas en gonflant artificiellement les notes ? A l'aide de méthodes statistiques. Steven Levitt explique le procédé dans l'ouvrage Freakonomics qu'il a co-écrit avec Stephen Dubner et dont j'ai déjà parlé, ainsi que dans un article disponible en ligne, pour ceux qui n'ont pas le bouquin.
Le procédé est intéressant, mais il me semble souffrir de plusieurs défauts :
- bien adapté au traitement des QCM massivement utilisés aux Etats-Unis, qui permettent une notation objective des copies, il ne l'est pas du tout aux interrogations traditionnelles que les élèves français subissent
- qui paiera les statisticiens chargés d'évaluer l'ensemble du corps enseignant ? L'Education Nationale ? Haha ... Plus sérieusement, une telle analyse est possible ponctuellement, mais sûrement pas à grande échelle.
- la méthode présentée nécessite en outre un suivi longue durée des classes et des enseignants, en recourant notamment à une comparaison des résultats obtenus d'une année sur l'autre pour isoler des tendances suspectes. Là encore, faute de moyens ce n'est pas envisageable
- enfin, les classes doivent être re-testées pour confirmer les hypothèses de tricherie. Irréaliste, toujours.
Venant d'un économiste, on pourrait s'attendre à un chiffrage des coûts induits. Et à une ébauche de réponse à la question suivante : cette somme ne serait-elle pas mieux investie autrement ?
8 réactions
1 De Krysztof von Murphy - 26/11/2006, 18:24
Quand j’ai lu le début de ton billet, j’allais justement te dégainer Freakonomics, dont je viens de finir la lecture :-)
Je suis d’accord avec tes remarques, en gros. Je remarquerai que le système pourrait déjà s’appliquer avec les résultats du bac et du BEPC, qui ne sont pas trop éloignés d’un examen égalitaire. Il y a déjà des sessions d'évaluation du niveau au début du collège je crois.
Mais les failles principales sont dans le principe même :
- des primes pour les résultats des élèves, c'est pousser encore plus que maintenant à faire les cours strictement au programme, exit par exemple les cours d'actualité en histoire-géo,
- sans compter les effets pervers du genre exclusion systématique du cours des plus faibles et perturbateurs qui ne décrocheront rien de toute manière (problème récurrent de « que fait-on des plus nuls ? » ; ça aurait le mérite de rendre le problème visible),
- on doit impérativement tenir compte du niveau de départ des élèves sinon un prof sera désavantagé parce qu'il est dans un mauvais quartier ou a hérité des classes les plus pourries du lycée (sort courant des petits nouveaux),
Comme tout métier intellectuel ou lié à la connaissance, le lien direct entre « performance » et rémunération est difficile et parfois très dangereux à établir. Je ne vois pas l'intérêt de généraliser le système, je crains même ce que la folie bureaucratique et égalitarissistissime de l’EN pourrait en faire. Par contre, repérer ainsi ponctuellement les profs qui ont du mal (ou des élèves à problème) et leur envoyer les inspecteurs en priorité, oui.
2 De Eric C. - 27/11/2006, 10:24
Il suffit d'indexer l'intéressement non pas aux résultats en valeur absolue, mais à leur progression. Et là, ce sont au contraire les profs avec les classes les plus faibles, donc avec le plus gros potentiel de progression, qui seront les mieux récompensés.
3 De jopab - 27/11/2006, 16:05
ben , moi a mon avis, les enseignats pourraient bien bosser, si eventuellement ils se donnaient la peine de donner les cours pour lesquels ils sont payés.
le poucentage de cours donnés dans le lycee de ma fille est inferieur a celui des cours passés dans les couloirs ou en etude à faire ce qu'ils veulent.
avant de verifier l'efficacité des cours donnés, il vaudrait mieux commencer par quantifier les cours réellement donnés par rapport a ceux prevus, la surprise risque d'etre de taille
ca fait quelques annees que ca dure, plus ca va, moins les profs viennet a l'ecole, ils n'ont nul besoin de justifier leur absence, on dirait, car jusqu'ici, je n'ai reçu aucun courrier me signalent l'absence de tel ou tel enseignant pour raison d'état
4 De Eric C. - 28/11/2006, 18:12
Précision : les trolls sont interdits sur ce blog. La prochaine fois, je tire à vue.
5 De jopab - 05/12/2006, 14:30
c'est moi le troll ?
6 De Eric C. - 05/12/2006, 15:25
En invoquant la raison d'état à propos de l'absentéisme du corps enseignant, oui. Les enseignants justifient leur absence auprès de leur hiérarchie, ce qui me semble amplement suffisant. L'Education Nationale n'est, à ma connaissance, pas une société de services comme les autres, et même dans les sociétés de service l'exécutant ne justifie pas son emploi du temps auprès de son client (seulement le résultat, et c'était là que le billet voulait en venir).
Après, s'il se trouve des médecins pour signer trop facilement des certificats de complaisance, c'est autant du côté des faux-malades que des complices qu'il faut aller jeter un coup d'oeil ...
Il y a assurément des profs qui profitent du système, tout comme il y a des garagistes véreux, des assureurs cupides, et des salariés qui bloguent ou surfent sur le net depuis leur lieu de travail. Les pointer du doigt n'aidera sûrement pas à résoudre un problème d'efficacité qui me semble bien plus global.
Bref, la vraie question (celle que je pose, moi, sur mon blog) est celle-ci : l'E.N doit-elle être une société de services comme les autres ; formulé autrement, est-elle soumise à une obligation de résultats, ou seulement à une obligation de moyens ?
7 De jopab - 05/12/2006, 19:32
ok, je retire ce que j'ai dit pour pas enbouser le billet ( mais j'en pense pas moins que c'est anormal :)
pour en revenir a la vraie question, je me demande si c'est une bonne idée de recompenser les enseignants.
exemple, un eleve qui est vraiment pas doué, comment peut faire un prof qui a un élève comme ça, ca va lui ruiner sa prime, ne risque t'il pas de prendre l'élève en grippe a cause de ça
apres tout, certains eleves sont à l'ecole parce qu'ils ne peuvent faire autrement, il ne sont pas faits pour les etudes et n'essaient pas de l'etre,malheureusement.ils ressortent de l'ecole en fin de cycle, perdus, avec en tete l'idee qu'ils sont encore plus nuls que quand ils sont rentrés ( brimades des eleves et des profs).
en recompensant un prof sur les resultats de sa classe, ne va t'il pas y avoir de sélections d'eleves par les profs,et je ne sais quoi d'autre encore.
l'appat du gain ne risque t'il pas de devenir la principale preoccupation
les eleves en difficulté réelle ont deja assez de problemes comme ca pour y rajouter l'interet de ses profs pour l'argent
8 De lykle - 15/12/2006, 19:05
à la suite d'un entretien avec le proviseur du lycée où ma fille est scolarisée, en classe de terminale L, la seule réponse que j'ai obtenu à ma question : "quelle solution envisagez-vous pour les élèves qui subissent l'absentéisme effréné d'un de leurs professeurs, (professeur brillant par son absentéisme depuis plusieures années).
"chère madame, si le service public ne vous satisfait pas, ,vous êtes libre de vous tourner vers l'enseignement privé. Ce professeur présente des certificats médicaux en bon éduforme, de plus le système ne me permet pas de combler ces heures de cours non dispensées par le dit professeur.Vous devriez aussi être plus compréhensive, ce professeur ayant 1H de trajet pour se rendre à son travail!!"
je trouve cela gravissime, quel avenir réserve l'éducation nationale à nos enfants? Quel exemple de sérieux leurs donnent-ils?Quelle image de la vie active et du respect du travail? Ces champions de l'absentéisme devraient être pénalisés quant à leur salaire, ce qui permettrait de pouvoir payer des professeurs remplaçants de façon à cesser de pénaliser des élèves qui ont envie de d'apprendre et de se préparer un avenir digne de ce nom.
Malgré tout ce que l'on veut nous faire croire, tous les parents ne sont pas démissionaires et les lycéens pas tous des délinquants.
Ainsi pour en revenir à la prime à l'intéressement, il serait tant que déjà certains justifient leur juste salaire, ce serait déjà ,un grand pas.
Ceci dit, nombreux sont les enseignants qui sont respectueux de la mission qui leur est confiée, certains même s'implicant d'avantage encore; pourtant ils ne sont pour autant pas mieux considérés ni mieux reconnus, j'irai même jusqu'à dire qu'ils sont lésés par rapport à leurs collègues qui profitent en toute impunité des privilèges liés à leur seul statut de fonctionnaire.
Rassurez-moi en m'écrivant vos témoignages , d'avance merci