M'en fous, prévoyant comme pas deux j'avais pris ma veste de pluie, qui fait un excellent coupe-vent. La bifurcation sur l'A31 m'amène deux excellentes nouvelles : mes premières courbes depuis 300 bornes (très très long, ce gauche de l'échangeur), et la réapparition du soleil. Miam.



Deux kilomètres avant de sortir de la motoroute pour prendre la D417 vers Bourbonne-les-Bains, je fais une petite pause. J'ai trop chaud. Une demi-heure plus tôt, il faisait 10 degrés.
A partir de Bourbonne la route devient plus sympa, quoique toujours franchement roulante. La vitesse descend rarement sous les 100 km/h. 13h15, contournement de Saint-Loup sur Semouse, on enquille direction la petite ville thermale de Plombières, dont la seule station-service est, évidemment, fermée.



Certes, on est dimanche. Mais je suis en réserve depuis un petit bout de temps, et je me souviens avoir déjà galéré pour en trouver dans Remiremont. Tant pis, on va regalérer. Je pose la question à de jeunes indigènes. "Houlà, le dimanche c'est pas gagné ... Essayez de prendre la voie rapide, direction Saint-Nabord, y'a p'têt le Total qui est ouvert". Peut-être, dit-il. Je rate la voie rapide, prends quand même vers St-Nabord, et tombe sur une 24/24, pas Total du tout mais qui fournit aimablement du SP95. 285 kms. Bah, y'avait encore un peu de marge (?).
Je reviens sur mes pas pour prendre la direction Gerardmer et m'apercevoir que, juste après avoir enjambé la N66, il y a là aussi une station ouverte. J'essaierai de m'en souvenir la prochaine fois ...
Montée sur Gerardmer, un peu de monde, normal, il fait beau. Il est 14h20, j'ai fait 450 bornes en 5 heures. Les choses sérieuses commencent par la montée sur la Schlucht.



Miracle, je prends plus de vingt degrés d'angle, ça fait trois mois que ça ne m'était pas arrivé. Eviter tant bien que mal les camping-cars qui essaient de se garer au point de vue de la Roche du Diable. Je prends d'abord la route des crêtes vers le col du Bonhomme, par la D61, puis bifurque sur la D48 au niveau du lac Blanc, que je ne vois pas. Dur de rater le lac Noir dans la descente, par contre, splendide, sombre malgré le soleil éclatant.
Je remonte par le col du Wettstein, intéressante ascension à flanc de côteau. Dans la descente sur Soultzeren je croise un cycliste. Qui, puisque je descends, monte, lui. Ces types sont des malades.
Remontée sur la Schlucht depuis l'est, je ne connaissais pas. Le bitume est zébré de quelques raccords glissouillants, faut viser.
Sur les parkings en haut du col, nettement plus de motos que tout à l'heure. Fait soif. Les bécanes défilent, certains arrivent comme des ânes, d'autres sont en balade familiale. Pas mal de filles qui roulent seules, marrant, je n'en avais jamais vu autant. Le motard vosgien (je ne suis pas allé vérifier les plaques mais j'imagine qu'il y avait pas mal de locaux) est, comme les autres, grégaire : tous sont installés sur une seule et même terrasse. Je m'installe sur celle d'en face, où je suis le seul avec un casque. Pas de service en terrasse. Ah. "Une Grimbergen s'il vous plaît".
Je reprends la route des crêtes vers le sud : Hohneck, Markstein. Pas mal de promeneurs dominicaux un peu partout, hors de question de faire péter un chrono.



Un léger mâl au crâne commence à poindre : le soleil ? la fatigue ? la bière ? Les trois ?
Je quitte la route des crêtes peu après le Grand Ballon et redescends sur la vallée de la Thur par la D13B.



Je voulais rejoindre Masevaux par la D14, mais un premier monsieur surmonté d'un képi, suivi d'un deuxième monsieur surmonté d'un deuxième képi un peu plus loin, m'en dissuadent. La route est fermée, quelques véhicules bariolés avec des numéros sur les portières ont le droit de passer, mais pas moi. Ca ressemble à une course de côte. Tant pis, au lieu de me faire 15 bornes de virolos qu'ont pas l'air dégueu sur la carte je fais un détour dans les environs de Thann. C'est dans ce genre de cas que je rêve d'un GPS, parce que les traversées de bleds à la Michelin au 1/200000e, des fois, c'est lourd ...
Après Masevaux, direction Sewen et le Ballon d'Alsace, via la D466.



Tiens, encore un panneau orange de la DDE. Route du Ballon d'Alsace fermée. Encore ! Deux courses de côte aussi proches, en général, ça s'appelle un rallye. Un autre bienveillant officier à képi me renseigne : "redescendez à l'église, et prenez juste derrière à droite, vous pourrez remonter. Mais attention, c'est une petite route touristique". Ben, m'en fous, c'est pour ça que je suis là moi, pour les routes touristiques. Trois bornes plus loin, j'avais compris sa conception du truc : petite route touristique, en vosgien, ça veut dire au revêtement très approximatif, bosselé comme je n'avais jamais vu. Le petit détour qui doit faire dix bornes à tout péter j'ai dû le faire à 30 de moyenne, et encore, la moitié du temps debout sur les cale-pieds. Je croise quelques 205, Clio et Samba qui redescendent du point stop de leur spéciale, et je me marre en les voyant passer les trous presque à l'arrêt, débattements racing obligent.
Petite pause au sommet, le soleil descend doucement, il est 18 heures, c'est beau.
Juste au moment d'enfiler mes gants pour repartir je vois passer un CBR 600 RR, pilote en combi cuir, et passagère sur le strapontin. On dirait qu'il ne traine pas. Je le rejoins dans la descente sur Saint-Maurice sur Moselle à la faveur d'un tas de voitures qui bouchonne. Ah, une station, faut faire le plein. Tiens, il s'arrête faire le plein lui aussi. Tiens, au Thillot il prend aussi à gauche en direction de Lure (via la D486).



Une journée de moto sans une petite arsouille ne serait pas une journée de moto digne de ce nom. Dont acte. Aiguille du compte-tours entre 10 et 13000, le petit 4 pattes donne de la voix, mais son machin tout bariolé 10 ans plus jeune envoie du pâté aussi, malgré la surcharge due à sa passagère. Quoique, surcharge, surcharge ... Le Thundercat doit rendre 30 kgs au CBR, moi j'en rends sûrement 10 à son conducteur, et sa passagère doit faire à peine 45 kgs (excuse n.317bis).
Argh, je rate la deux en sortie d'épingle et me prends vingt mètres dans la vue d'un coup. Je débranche un neurone le temps de trois virages pour revenir au contact. Tiens, une chicane mobile. Il passe. Moi pas, ça ne serait pas raisonnable (déjà que ...). Le temps de retrouver une fenêtre de tir, je l'ai presque perdu de vue, je ne vois son feu arrière que de temps en temps, à la faveur d'une enfilade un peu plus longue. Je soude, mais j'ai l'impression de ne lui reprendre que mètre après mètre. Ah, fin de la partie viroleuse, traversée de village, hop, reconnexion des neurones. De toute façon va falloir songer à rentrer, quand même ...



Ternuay, Ecromagny, Luxeuil, la boucle est bouclée, je reviens sur Saint-Loup sur Semouse. Traversée de Bourbonne-les-Bains, il est vingt heures, Nicolas Sarkozy est élu président de la république. Tout le monde est devant son écran, il n'y a personne sur la route. 23 heures, Paris, bain chaud. 1060 kilomètres. Fatigué.