Charles Jego[1] et Bertrand Roehner[2], sans doute inspirés par les compères Levitt et Dubner, s'aventurent dans cet article à une quantification du racisme par des méthodes inspirées de l'économétrie.
En dépit des précautions dont ils s'entourent[3], leur titre me semble bien mal choisi puisque c'est avant tout d'intégration sociale qu'ils parlent en analysant les chiffres de mariages (mixtes et non-mixtes) dans un pays où le recensement ethnique n'est plus un tabou depuis longtemps, en l'occurrence les Etats-Unis.

Pour chaque minorité (représentée par sa proportion p dans la population), le nombre de mariages mixtes entre un membre de cette minorité et un non-membre est normalisé :

  • par le nombre total de mariages
  • par l'espérance de la proportion de couples mixtes en l'absence de toute ségrégation, égale à 2p(1-p).

La quantité qui en résulte, nommée indice d'intégration par le mariage, constitue un indicateur de la propension que peut avoir une minorité à s'intégrer et celle que peut avoir une population à accepter l'intégration de ses minorités.
En décomposant cet indicateur état par état, les deux auteurs montrent entre autres que la proportion de mariages mixtes entre blancs et noirs (j'espère que les plus politiquement corrects de mes lecteurs ne m'en voudront pas de ne pas décliner le code RGB à partir duquel un marié[4] est considéré comme noir, hmmm) décroit très sensiblement lorsque la proportion desdits noirs augmente :



Autrement dit : plus la concentration en une race croît, plus sa solubilité décroit.
Pardon.
(P'tain s'ils se mettent à tout archiver ce qui s'écrit sur le web chuis mal. Ah, on m'informe que c'est déjà le cas). Bref. En bons physiciens Jego et Roehner se sont contentés d'une conclusion factuelle, et se sont abstenus de toute justification taburéto-sociologique [5]. Moi, ici, je peux.
Or, donc (je ne sais plus qui s'emportait récemment contre l'abus de "conjonction de conjonctions", compte tenu notamment de la redondance de "et donc" - p'tain ça part en couille ce billet), me vient à l'esprit une objection, certes a priori non quantifiable, mais qui pourrait expliquer en partie le phénomène observé : plus une minorité est nombreuse (j'ai failli écrire "moins une minorité est minoritaire", mais je sens votre patience faiblir), plus un membre de cette minorité dispose d'opportunités pour fonder un couple non-mixte. Je m'explique : imaginons que je me trouve émigré au Swaziland, pays qui compte, d'après le dernier recensement de l'Unesco et de la CPAM, approximativement 12 compatriotes femelles. Exigeant comme je le suis, il est bien peu probable que je trouve compagne à mon goût dans le lot. Donc j'irai me marier avec une Swazi. Plus la communauté francophone augmentera, plus mon "taux d'exposition" à des françaises augmentera, et plus la probabilité que je trouve une compatriote qui me convienne augmentera (je parle très mal le siswati). Certes, le facteur de normalisation 2p(1-p) utilisé rend compte de cet effet. Mais pour résumer doctement le tréfonds de ma pensée j'ai l'impression que le taux d'exposition n'augmente pas linéairement avec p. Le lecteur attentif aura remarqué que 2p(1-p) ne varie pas non plus linéairement avec p. Sauf que pour des petits pets p, 2p(1-p) ~ 2p. Et c'est surtout pour p petit que la non-linéarité me semble importante ...

Je peux même tenter d'imager mon propos de façon encore plus triviale : supposons que je vise les queues de distribution (en langage prépubère, "uniquement les meufs qui valent au moins 9 sur 10"). Si je pars d'un échantillon de douze compatriotes, je peux très bien multiplier la taille de l'échantillon par 2 sans pour autant que ma quête ne soit satisfaite (il n'y a pas une française sur 24 qui vaut 9 sur 10, n'importe quel ado sait ça).
Et hop.

Notes

[1] Centre de Physique Théorique, Ec. Polytechnique

[2] LPTHE, Paris VI

[3] "Naturally, it is well known that there is no scientific definition whatsoever of the concept of race "... bla bla

[4] ou une, please forgive me Ségolène

[5] orig. : relatif à la sociologie de comptoir