Un filtre, pour un amateur de café, c'est une feuille de papier à la porosité idéalement adaptée.
Pour un photographe, c'est, hormis les polariseurs, une espèce en voie de disparition, progressivement remplacée par les outils de Totoshop ou Gimp. On se rapproche néanmoins du but : ça modifie une information (la lumière).
Pour un audiophile, c'est un ensemble de composants électroniques qui modifient un signal analogique, le son, en jouant sur son contenu fréquentiel.
Le mécanicien qui fait du traitement de données, et notamment de résultats d'essai, filtre principalement un signal discret, c'est-à-dire issu d'un échantillonnage temporel.
Filtrer, c'est essayer de gommer les irrégularités qui bruitent une mesure. Le plus simple des filtres, que même les enfants de six ans connaissent (amenez-moi un enfant de six ans !), s'appelle la moyenne glissante (ou moyenne mobile). N'importe quel automobiliste comptabilisant sa consommation d'essence sait bien que quand il trace sa consommation plein par plein dans Excel, il obtient des fluctuations "insignifiantes" (liées aux différences de remplissage d'un plein à l'autre, aux étalonnages différents des pompes, etc ...), qui s'estompent lorsqu'il remplace la conso sur un plein par une moyenne sur quelques pleins, la définition de "quelques" variant selon le type de tendance que l'on cherche à observer (influence de la densité de la circulation, de l'encrassement progressif du filtre à air, etc ...). A plus petite échelle, les variations "instantanées" indiquées par l'économètre ne sont à leur tour que d'une utilité très relative (à part pour se dire, "woah, t'as vu, à pleine charge on fait du 50 litres aux 100") par rapport à la consommation sur quelques dizaines de kilomètres.

Pour faire du filtrage numérique, la moyenne glissante n'est heureusement pas le seul outil disponible, et l'on peut concevoir des algorithmes de filtrage couvrant à peu près tous les besoins. Un filtre est caractérisé par sa réponse impulsionnelle, c'est-à-dire la réponse à un signal modélisant une impulsion (encore appelé dirac, en hommage à ce cher Paulo ; il s'agit d'un outil théorique, représentant un signal de durée nulle mais d'énergie finie). Quand le gamin de six ans se prend une claque parce qu'il n'a pas su écrire sa fonction Excel de moyenne glissante, la sensation qu'il ressent peut être modélisée par un dirac : ça va très vite, et il a modérément mal (ça serait nettement plus douloureux si l'énergie n'était pas finie)
On distingue les filtres dont la Réponse Impulsionnelle est Finie (au-delà d'un certain temps -le mot fini ne désigne ici que la longueur du support temporel, et pas l'amplitude de la réponse- la réponse du filtre est nulle) de ceux dont la Réponse Impulsionnelle est Infinie (quelque soit t, la réponse n'est pas nulle). Leur expression mathématique est très simple : pour les filtres RIF, la sortie du filtre à un instant t donné ne dépend que d'une combinaison linéaire des valeurs du signal d'entrée aux instants précédents.
Pour les filtres RII, la sortie est définie de manière récursive : elle dépend à la fois des valeurs précédentes du signal d'entrée, mais aussi des valeurs précédentes du signal de sortie.
On comprend mieux pourquoi leur réponse dure indéfiniment : à partir du moment où il y a une entrée à t=0, il y a une réponse à t=1, donc à t=2, et par récurrence pour tout t. Ainsi la douleur consécutive à une claque peut être considérée comme un filtre RIF, puisqu'elle finit par disparaitre. Le ressentiment, par contre, peut fort bien être vu comme un filtre RII : il y a certaines claques dont on se souvient toute sa vie ...

Le lecteur attentif aura remarqué que la moyenne mobile sur trois valeurs est un filtre RIF tout bête, qui s'écrit :
y(i) = (x(i)+x(i-1)+x(i-2)) / 3

Comment réalise-t-on un filtre ? La plupart du temps, le bruit est caractérisé par un contenu fréquentiel différent de celui du signal qui nous intéresse. L'objectif est donc de réaliser des filtres capables de discriminer certaines fréquences, voire certaines plages de fréquence (filtres passe-bas, passe-haut, passe-bande .. meanz somethin' 2 ya, huh ?). Certes, me direz-vous, mais les équations que l'on vient de voir sont écrites dans le domaine temporel, alors comment faire pour savoir diable quels coefficients mettre à ce foutu filtre pour qu'il se comporte comme je le veux dans le domaine fréquentiel ?
C'est à ce moment là que, bon, il faut commencer à accepter ses propres limites ; soit vous vous plongez dans les délices de la transformation en Z et vous vous mettez à parler de pôles et de zéros, soit vous faites appel au plus fidèle ami de l'ingénieur : Matlab (non, ce n'est pas le nom de mon chien).
Et puis bon, merde, je suis mécanicien moi, pas électronicien ou automaticien. Et ceux qui font les mariolles, au fond de la classe, sont priés de m'écrire à la main un Butterworth d'ordre 12 avec moins de 3 dB d'atténuation à 200 Hz (Fs= 1 KHz) et + de 20 dB au-dessus de 250 Hz. Ah, ça rigole moins déjà, hein ?

Plus sérieusement, la Signal Processing Toolbox, et notamment l'excellent outil FDATool, permet de construire sans peine un filtre conforme à ses besoins.


Quelques liens sur le sujet :