Voilà un des points les plus jouissifs d'un suivi relativement assidu de l'actualité : quand l'information percute l'information.
Le 1er octobre 2006, il y a donc tout juste deux ans, l'Expansion titrait "Ces banques d'affaires qui enfièvrent Wall Street", à la gloire des golden boys qui avaient réussi à faire oublier le 11 septembre 2001 :
"Cinq ans après, le Dow Jones - l'indice vedette de la Bourse américaine - finira en hausse, à 11 397 points. Presque autant que le plus haut historique de janvier 2000. Wall Street n'a pas reculé devant Ben Laden.
Mais le véritable étalon de cette renaissance se trouve à quelques pas de là, inscrit dans les profits record des grandes banques, les Goldman Sachs, Morgan Stanley, Citigroup et consorts. Selon les comptages de la Securities Industry Association (SIA), qui regroupe les banquiers de Wall Street, leurs revenus 2005 se montaient à 230 milliards de dollars, en hausse de 59 % depuis 2003."
"Avec le soulagement des vétérans sortis d'une guerre sains et saufs, David Nadler, président de Mercer Delta et conseiller en stratégie de quelques grands banquiers, se rappelle : « Eclatement de la bulle techno, attaques du 11 septembre, scandale Enron, analystes financiers bannis. Bref, le perfect storm. » Mais ces maîtres de l'univers peints au vitriol par le romancier Tom Wolfe ont échappé au « bûcher des vanités ». Comment ?
Grâce à leur matière première : l'argent. « Il ne fallait pas lésiner sur les moyens. Dans l'intérêt des banques comme dans celui du gouvernement, il fallait rapidement rétablir la confiance » (...). Effectivement, pour éviter un procès public à propos d'analyses financières « truquées », les dix majors de Wall Street vont passer à la caisse en 2003, après un accord avec les autorités de régulation : 1,4 milliard de dollars pour se débarrasser du poids du passé."
Fin 2008, malgré les dizaines voire centaines de milliards de dollars injectés depuis le début de l'année, la confiance ne s'est toujours pas réinstallée.
Revenons en 2006 :
"Agissant comme une véritable sicav, Goldman Sachs investit de plus en plus son propre capital, et non plus seulement celui de ses clients. Via son fonds de private equity, sorte de bras armé pour faire grossir ses positions, la banque prend même des participations dans des entreprises avant de les revendre avec de juteuses plus-values. Et l'argent coule à flots : 13,6 milliards de dollars de gains bruts (hors frais de personnel) pour les six premiers mois de l'année grâce à ces transactions. Ses détracteurs comparent la banque à un véritable fonds spéculatif. A la limite, plus besoin de clients : l'argent de la banque génère lui-même de l'argent. Une révolution financière, de plus en plus imitée par les autres grands établissements bancaires américains, Lehman Brothers ou Morgan Stanley."
Dépêche Reuters du dimanche 15 septembre 2008 :
"L'ensemble du système financier américain est menacé d'une nouvelle secousse grave après un dimanche noir qui a vu Lehman Brothers déposer son bilan, Bank of America mettre la main sur Merrill Lynch et la Réserve fédérale ouvrir encore le robinet des liquidités pour tenter de limiter les dégâts."
Il faut en tout cas reconnaître à l'article de 2006 le mérite d'avoir mis le doigt sur la racine des problèmes actuels :
"Les fameux propre traders pourraient alors entraîner leurs banques dans leur chute. Les dégâts ne seraient plus supportés par les clients, mais par les banques elles-mêmes. De quoi faire planer sur ce Wall Street triomphant mais tellement dépendant des caprices du marché le spectre du risque systémique. Tout le monde y pense, mais personne n'aime en parler. « Le risque existe, même si la Fed n'y croit pas du fait de la masse de capital en réserve dans les banques », explique le Pr Burton Malkiel, ancien banquier d'affaires."
Et comme toujours, on peut se délecter de l'avis de l'expert sûr de ses outils :
"Personne n'ignore le danger. Et chaque établissement de Wall Street s'est doté d'une tour de contrôle du trading.
A Citigroup, Yann Coatanlem - l'un des nombreux matheux français de Wall Street - supervise les opérations de spéculation. (...) Un peu comme une caisse enregistreuse, le bilan de la journée et la mesure du risque apparaissent sur son écran. « Nos modèles intègrent des événements extrêmes comme les krachs de 1987 et de 2001. Pas de souci », assure-t-il."
2 réactions
1 De Krysztof von Murphy - 19/09/2008, 20:34
Bon, et les 200 milliards, est-ce que les contribuables américains vont les récupérer sur les bénéfices futurs de tout le domaine qui ne s’est pas effondré finalement, ou est-ce que c'est cadeau ?
Et pourquoi je pose même la question alors que je me doute de la réponse ?
2 De Krysztof von Murphy - 19/09/2008, 20:34
Bon, et les 200 milliards, est-ce que les contribuables américains vont les récupérer sur les bénéfices futurs de tout le domaine qui ne s’est pas effondré finalement, ou est-ce que c'est cadeau ?
Et pourquoi je pose même la question alors que je me doute de la réponse ?