En fin de stage, il nous est demandé de remplir une feuille d'évaluation (anonyme). Qualité des supports, des interventions, qu'aimerait-on y voir en plus, que souhaiterait-on en enlever ... ? On ne peut que regretter de ne pas intercaler au milieu de ces deux journées exclusivement en salle une petite séance de travaux pratiques. Quoi de plus parlant qu'un essai de freinage en conditions réelles à 35 puis à 50 km/h pour éviter un ballon lancé devant un bus, plutôt qu'une tentative de vulgarisation du principe physique, vouée à l'échec devant une audience ayant enclenché le mode défensif dès que fut prononcée l'imprécation undemidehèmvédeu ?

La dernière question de la feuille d'évaluation, en revanche, vaut à elle seule dissertation : "pensez-vous faire évoluer votre conduite suite à ce stage, et si oui pourquoi ?"

Tout en y répondant par une ânerie du style "l'avenir le dira ...", avec la seule intention de compliquer la tâche du dépouilleur, l'obligeant à y réflechir une paire de secondes supplémentaires afin de déterminer s'il faut classer ma réponse dans la catégorie "plutôt oui" ou "plutôt non", je me suis demandé si un tel stage n'a pas, in fine, un effet pervers sous-estimé par le législateur.

Depuis ma dernière infraction, ramenant mon capital points à portée de jumelle de la potence, j'étais clairement en phase de modification, volontaire et consciente, de mes habitudes de conduite. J'ai passé quinze ans et 300000 kms à rouler en ne tenant que très modérément compte de la présence de la signalisation routière et en particulier des panneaux de limitation de vitesse, adaptant ma conduite en fonction (quasi-exclusive) de trois facteurs :
- le comportement des autres usagers (position, vitesse, accélération)
- la nature de la chaussée (courbure, revêtement ...)
- le risque d'apparition d'un Mesta ou d'une paire de jumelles sur le bord de la route

L'expérience de ces deux dernières années a prouvé que si mon estimation des risques environnementaux ou humains ne semblait pas subitement biaisée (ma MDBF est en progrès), ma perception du risque assermenté ne me permet plus, en revanche, de circuler "sans danger"[1].

Une révision à la baisse de ma vitesse moyenne d'évolution est donc devenue nécessaire pour continuer à utiliser mon permis aussi longtemps que possible. C'est, très clairement, le risque d'une invalidation qui avait motivé ce changement, et non une subite prise de conscience du danger que je faisais peser sur les autres usagers ou sur moi-même.

48 heures après la fin du stage, je ne pense pas que le langage qui y est tenu fasse varier le niveau auquel j'ai réglé mon curseur personnel[2] d'arbitrage entre les différents coûts d'opportunité faisant intervenir le risque d'accident, le plaisir, et le temps passé sur la route.
Même si j'ai eu la chance de ne pas avoir connu, ni dans ma chair ni dans mon entourage, d'accident grave, je pense avoir suffisamment réflechi aux risques inhérents à la pratique de la moto pour qu'un simple discours ne fasse pas évoluer ma vision des choses.

En revanche si on réflechit aux externalités négatives, que vient ajouter le stage là-dessus ? Un petit matelas de sécurité supplémentaire ... Avec sept points en poche au lieu de trois, je dispose désormais d'au moins un "droit à l'erreur". Sachant que je ne me suis décidé à adapter ma conduite qu'une fois au bord du gouffre, n'y a-t-il pas un risque que, bien qu'empli de saines intentions, je ne me laisse pas aller occasionnellement ? Ou que je sois simplement un peu moins attentif (sous-entendu "à mon compteur de vitesse") ?

Notes

[1] sisi, y'en a un qui l'a dit pendant le stage, c'est à cause des forces de l'ordre qu'il ne se sent plus en sécurité sur la route aujourd'hui

[2] je ne sais pas ce qu'il peut en être pour les autres, je ne parle que de moi