Plus je passe de temps dans un grand groupe, et plus je trouve fascinant de voir comment ça fonctionne (plus ou moins bien, mais la bête, bien que lourde, bouge quand même). L'agilité est un des leitmotiv de mon n+7 (qui est juste en-dessous du sommet de la pyramide). C'est aussi le sujet de ce long article d'Hubert Guillaud :

La durée de vie des grandes entreprises s’est considérablement réduite, elle est en moyenne aujourd’hui de 15 ans. (...) Pire. Plus il y a de salariés dans une entreprise, moins elle est productive, rapporte une autre étude… On peut légitimement se demander pourquoi il en est ainsi, alors que les villes par exemple, autre organisation sociale, fonctionnent exactement à l’inverse de ce modèle. Dans The living company (qui fut traduit en français sous le titre La pérennité des entreprises), Arie de Geus, l’inventeur du concept d’entreprise apprenante qui a officié toute sa vie dans le groupe Royal Dutch/Shell (...), explique qu’il avait commandé une étude, à une époque où Shell s’inquiétait de l’épuisement des ressources pétrolières, pour comprendre comment certaines entreprises avaient survécu à de grands changements dans leur environnement. La conclusion de l’étude, jamais publiée, était que les entreprises qui avaient survécu étaient à la fois très décentralisées (c’est-à-dire qu’elles avaient des “frontières poreuses” et des “bords excentriques”), tout en ayant une très forte identité (c’est-à-dire des valeurs, une culture, des croyances).

"Agile, l’entreprise de demain ?" (Internet Actu, 22/02/2013)




J'aime bien, aussi, ces considérations sur la robustesse et la notion d'anti-fragilité, dans cette analyse par Philippe Silberzahn du dernier livre de Nassim Taleb :

Taleb y revisite nombre de ses thèmes favoris et en développe un en particulier: la notion d’antifragilité, un néologisme qu’il crée pour l’occasion. Selon lui, le modèle dominant de prise de décision, et de stratégie en général, est basé sur la prédiction. Or la stratégie prédictive nous rend fragiles, car si la prédiction ne se réalise pas, la stratégie ne fonctionne pas et le coût peut être très important (échec d’un produit, d’une fusion, retrait d’un marché, etc). (...) Taleb milite donc pour une réduction de la fragilité de nos économies et de nos entreprises en cessant de faire reposer leur fonctionnement sur la prédiction, qui est intrinsèquement impossible pour la plupart des environnements auxquels nous sommes confrontés. Bien conscient que nous finiront quand même par utiliser la prédiction, son approche pragmatique consiste plutôt à nous inciter à réduire les conséquences d’une prédiction ratée, par exemple en ayant une stratégie de rechange et en ayant plusieurs fers au feu, ce que les spécialistes appellent des « options réelles« . Moins sensibles aux aléas et aux surprises, nous devenons donc plus robustes, c’est à dire que l’aléatoire de notre environnement nous atteint moins. Mais Taleb estime à juste titre que cela ne suffit pas: une entreprise ne peut pas se définir « négativement » par une approche de protection face à l’aléatoire. Pour Taleb, ce qu’il faut véritablement c’est devenir ce qu’il appelle « antifragile ». Antifragile, c’est le vrai opposé de fragile, ce que robuste n’est pas. Antifragile caractérise une organisation qui bénéficie de l’aléatoire.