Egale prudence chez Peugeot Citroën et Renault, qui brûlent de retrouver leurs positions perdues en Iran, où ils fournissaient, jusqu’en 2011, 40% du marché automobile.
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Normalement, tout devrait rouler pour les Français, après la levée partielle de l’embargo, en contrepartie de l’accord conclu le 24 novembre à Genève avec le groupe des six (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie, Allemagne) qui limite les activités nucléaires de Téhéran.
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Mais tout n’est pas si simple: les Français font face à une forte offensive diplomatique américaine pour les sortir du jeu. S’il y a bien un pays où leur présence irrite au plus haut point les Etats-Unis, c’est l’Iran, longtemps leur chasse gardée : ils n’ont jamais accepté de se faire supplanter, après la révolution islamique, par des Français alors qualifiés "d’opportunistes".
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C’est donc contraints et forcés par les Américains que les deux Français se sont retirés. Peugeot, dès mars 2012, au moment où le groupe passait un accord avec General Motors (GM), qui prenait 7 % de son capital. Une condition posée par GM, acceptée par le patron de Peugeot Citroën, Philippe Varin. D’un coup, le français a perdu 458 000 voitures, des milliers d’emplois et des centaines de millions d’euros de résultat. Avec des 206 et des 405 livrées en pièces détachées à partir du centre de Vesoul, l’Iran était le deuxième marché de Peugeot, après la France.
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Renault, lui, est parti un an plus tard, après que Carlos Ghosn eut été menacé de sanctions sur Nissan aux Etats-Unis. Alors qu’il vendait, en 2012, 100.000 voitures (Mégane, Logan), le groupe a provisionné 512 millions d’euros pour cette perte.
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Aujourd’hui, les Américains négocient leur retour. General Motors a même pris langue avec Iran Khodro et tente de débaucher des correspondants de Peugeot et de Renault. Ils s’appuient sur la position dure de la France lors des dernières négociations. "Vous allez la payer cher, a confié un haut dignitaire du régime à un grand patron français. Nous allons écarter vos entreprises au profit des américaines et des asiatiques." Le propos est relayé en France: "Poussé à l’intransigeance, Laurent Fabius s’est fait manipuler par John Kerry", affirme-t-on dans l’entourage de Nicolas Sarkozy.

(challenges.fr, 15/12/2013)