J'ai participé le week-end dernier, en binôme avec ma chère et tendre, à une épreuve du championnat de France de dégustation de la Revue du Vin de France. Cet exercice amusant existe à l'échelon national depuis une grosse dizaine d'années (l'idée a ensuite essaimé en Europe en 2008, et au niveau mondial en 2013), et regroupe une soixantaine d'équipes, constituées de passionnés plus ou moins connaisseurs. On peut participer seul, mais c'est plus rigolo à deux. Dans le top 10 on retrouve régulièrement des paires qui sont réellement très fortes. Le plus dur c'est surtout d'être régulier sur plusieurs épreuves, mais sur une manche avec un peu de réussite tout est permis (dans les deux sens, il arrive que des "bons" finissent ponctuellement dans le bas du tableau). C'est un peu comme le poker :)
Objectif : 12 vins sont proposés (à l'aveugle évidemment), il s'agit de reconnaître cépage majoritaire, région/appellation, domaine, cuvée et millésime. Si vous ne savez pas ce que veut dire cépage, vous pouvez arrêter la lecture ici :)
Le barême est le suivant :
- Cépage : on ne peut citer qu'un seul cépage, et on marque de 0 à 9 points en fonction du pourcentage de ce cépage dans l'assemblage. 9 points maxi pour un monocépage (pourquoi pas 10 ? Mystère …). Si le vin est un assemblage 70% cabernet sauvignon / 30% merlot, on a 7 pts si on dit cabernet sauvignon, mais seulement 3 si on dit merlot
- Appellation : jusqu'à 5 pts en fonction de la "proximité" de la réponse (ex sur un Gevrey-Chambertin: 0 pt évidemment si on n'est pas dans la bonne région, 3 pts si on dit Bourgogne, 4 pts si on dit Côte de Nuits, et 5 pts si on mentionne Gevrey).
- Millésime : 3 points si on a le bon millésime et la bonne région ; 1 point si on a le bon millésime mais pas la région
- Domaine : 3 points
- Cuvée: 2 points
On a terminé 46e sur 57, atteignant tout juste notre cible (ne pas finir dernier, voire dans les 10 derniers). On marque 56 pts, soit quasi pile-poil 2 fois moins que ceux qui finissent sur le podium. Les vainqueurs terminent quant à eux avec 121 pts, sur un total possible de 244 pts sur cette épreuve.
Sur la 1e bulle, dont le maître de cérémonie nous offre les points de la région et du domaine en nous disant que ça vient de nos hôtes (ça se passait dans une coopérative en Champagne), on trouve ça suffisamment rond et vineux pour être issu de pinot, mais je n'avais pas pris le soin de vérifier la gamme de la maison, donc j'ignorais qu'il y avait une cuvée issue de pinot blanc. On dit donc pinot noir => perdu. J'écris BSA alors que c'est un 2006.
Tactiquement le choix pinot blanc aurait était malin, on pouvait se douter que si les pts domaine/région étaient offerts, il pouvait y avoir une feinte sur le cépage (pour rappel le PB ne représente que 0.3% des surfaces plantées en Champagne ...)
(=> C'est donc un champagne 100% pinot blanc de la coop. de Chassenay d'Arce, 2006)
On récupère le strict minimum, c'est-à-dire les 8 pts offerts.
Sur le n°2, le nez est assez typique du sauvignon, sans la classe d'un Sancerre, la bouche est assez tendue, j'ai une bonne intuition en partant sur Ménetou-Salon.
L, qui a noté "fraicheur, vivacité, peu de matière et peu de longueur", était également partie sur la Loire. Je semble suffisamment décidé pour la convaincre que Ménetou est la bonne idée, et du coup on choisit la facilité en nommant le domaine le plus connu sur l'appellation. Bingo ! On n'a cependant pas la bonne cuvée (j'avais mis Morogues), le vin nous semble jeune, on dit 2012, en fait c'est encore plus jeune
(=> c'est un vin du domaine Henry Pellé, Menetou-Salon les Blanchais, 2013)
17 pts sur celui-ci
n°3 : nez de fruits jaunes, assez discret, évoquant l'Alsace. Bouche ample, solaire. Je suis tenté par un pinot gris.
L a noté "fruits jaunes, secs, épices, fermé", dit Alsace, puis Loire, le vin lui faisant penser à un chenin avec un peu de résiduel.
Je préfère rester sur l'Alsace, on propose donc un pinot gris de Laurent Barth sur un millésime chaud (2009).
(=> Riesling GC Kirchberg de Barr, Vincent Stoeffler 2012)
3 pour la région
n°4 : nez expressif, de forte personnalité (mais pas évident pour autant à localiser), un petit côté bonbon anglais mais sans typicité de sauvignon, la bouche est tonique, plutôt jolie, de bonne longueur, l'acidité équilibrant un alcool assez chaleureux, même si le vin offre un léger déficit de fraicheur. Ca me fait plutôt penser à un blanc du Roussillon.
L est également partie dans le sud, note "peu de fraicheur, longueur, floral, alcool", pense à Faugères. Pourquoi pas, mais c'est parfois plus frais que ça sur Faugères. Je m'écoute donc, note grenache d'Olivier Pithon, cuvée Laïs. Ca nous semblait relativement jeune, on propose 2011. Au moment de remplir la feuille définitive je crois malin de préciser grenache gris (c'est ballot, y'en a bien dans Laïs, mais c'est le blanc qui est majoritaire). Va savoir pourquoi j'ai eu cette idée ... En plus c'est dans le Rhône et pas en Roussillon :
(=> Domaine Brusset, Cairanne, les Travers 2013 - grenache 30 % roussane 30 % Viognier 30 %)
Et paf, comment rater les pts du cépage pour faire un beau zéro.
Le vin suivant est un rouge, bon, ok, mais on a une feuille pour les blancs et une feuille pour les rouges, alors on le met où ? Ah, faut le mettre sur la feuille des blancs parce que c'est le n°5 ? OK, bon, on ne doit pas avoir la même logique que tout le monde, mais c'est pas grave. Par contre ça nous déconcentre terrrriblement comme le prouve le vin suivant :)
n°5 : robe assez claire, sur les fruits rouges mûrs, floral, une certaine rondeur. Bouche fraiche, étoffée, sur des tannins veloutés. Joli vin. Je pars dans le Rhône sur une syrah peu extraite, vois la feuille de L qui a noté "sanguin, fruit rouge, grenache ou syrah, un peu sous-bois, violette, ampleur, chaleur" et pense également au Rhône au point de me dire Châteauneuf. Ca me semble plus nordiste, mais son "violette" et mon 1er feeling font qu'on est restés verrouillés dans le Rhône sans jamais penser un seul instant à un pinot noir bourguignon, alors que plein d'indices (la robe, le côté floral, la fraicheur) auraient pu au moins nous y faire réfléchir. Misère. On propose un Crozes-Hermitage 2012 de Ferraton. Les boulets …
(=> Domaine Theulot Juillot, Mercurey 1er cru la Cailloute, 2012 - 100% pinot noir)
Ah, miracle, on a 1 pt pour le millésime !
n°6 : robe plus sombre, 1er nez pas très net à mon sens, sur le champignon, un peu poussiéreux/terreux. Boisé perceptible. Au moins le style a le mérite de ne pas trop me faire hésiter, je pars dans le bordelais, et vois que L a comme moi écrit "Bordeaux+cabernet sauvignon" sur sa feuille. Les tannins sont présents, la bouche est structurée, c'est plutôt bien.
L est un peu plus sévère : "asséchant, fermé". Je la vois même écrire mourvèdre, mais la convainc de rester sur notre 1er choix. L'alcool, assez généreux, aurait pu nous faire penser au merlot, mais dans mon esprit la structure faisait plutôt penser à un cabernet, orientation accentuée par le 1er nez. On propose Bordeaux rive gauche Haut-Médoc, Cantemerle 2008
(=> Château Marsac Seguineau, Margaux 2011 - merlot 63 % cabernet sauvignon 23 % cabernet franc 14 %)
4 pts région + 2 pts cépage
n°7 : robe profonde, nez fruits noirs, colle (bois). Vin dense, large, clairement sudiste. Matière étoffée, tannins ronds. Je suis plutôt dans le Roussillon, mais vois L qui a noté "garrigue, fruits noirs, lourd, lassant", et évoque syrah, grenache, sur plusieurs régions : Rhône sud, Pic St Loup. On coupe la poire en deux, en gardant mon choix de cépage, mais en se rapprochant des régions qu'elle a en tête pour proposer un carignan sur St-Chinian en 2009
(=> Château Saint -Louis La Perdrix, Vin de Pays du Gard, cuvée Mas Saint-Louis, 2011 - carignan 50% cabernet sauvignon 50 %)
5 pts cépage et a priori c'est tout (un VDP du Gard administrativement c'est Rhône semble-t-il, bien que géographiquement plutôt Languedoc …)
n°8 : robe sombre. Nez sur la myrtille, note fermentaire fugace. Bouche épaisse, finale longue, puissante. Bandol ? Cahors ?
L a noté "animal, pneu brûlé, fruits noirs, alcool, concentré, too much, Banyuls en sec". Son "animal" me fait hésiter pour l'option mourvèdre, mais un je ne sais quoi me fait rester sur Cahors. J'écris donc malbec, domaine Cosse-Maisonneuve, 2012. Caramba, raté.
(=> Domaine de la Coume Majou, Côtes du Roussillon 2007 - grenache 75% carignan 20 % syrah 5 %)
0 pt (mais je vois dans d'autres CR que certains ont eu la même idée)
n°9 : le 1er mot que je pose sur ma feuille c'est Languedoc. On est toujours sur un vin sudiste, avec une bouche concentrée, mais je trouve progressivement qu'il y a sensiblement plus de fraicheur, un peu moins sur le fruit, un peu plus austère. Je pense à Bandol, puis me focalise sur un côté poivré qui me fait remonter plus au nord. L trouve le vin plus dur, a également noté poivre, boisé. On propose finalement une syrah du Rhône sur St-Joseph, en 2011.
(=> Domaine St Antonin, cuvée Magnoux, Faugères, 2011 - syrah 60 % mourvèdre 15 % carignan 15 % grenache 10 %)
6 pts cépage + 1pt millésime … mais il fallait rester en Languedoc !
n° 10 : robe sombre, style sudiste, matière charpentée, chaleureuse, avec des tannins présents, je pense à un assemblage GSM en Pic St-Loup (mes notes se font un peu moins détaillées). L a noté "garrigue, Languedoc, grenache, bois, alcool, pruneau, moins de fraicheur, se referme en finale". On propose grenache majoritaire, en Cx du Languedoc, Mas Foulaquier 2012. Bé non, c'est surtout de la syrah !
(=> Mas Cazelles (Minervois), cuvée Roc de Bo 2012 - Syrah 80% grenache 20 %)
3 pts région+ 2 pts cépage+ 3 pts millésime
On laisse les rouges et on attaque le bizarre :
n°11 : nez développé, oxydatif, amande, noix verte, curry, côté miellé. Je souris parce que je sais que L n'aime pas, je la vois soupirer ... Normalement ça devrait me conforter dans mon opinion (si elle n'aime pas c'est forcément du savagnin), mais je trouve que le vin a un gras qui, un temps, me fait pencher vers une option plus sudiste. Par contre je ne pense pas un seul instant à Gaillac et vais encore plus loin dans le sud-ouest, sur un grenache (gris, j'insiste, mais là c'est davantage justifié), sur Maury. En revenant sur le vin je me dis que non, c'est quand même suffisamment tendu et acide, qu'on ne va pas prendre de risque idiot, que la majorité va voter savagnin du Jura. C'est ce qu'on propose donc, sur Arbois, en 2006. Argh, c'est du mauzac, sur Gaillac. Tabarnak !
(=> Domaine de la Ramaye, Le vin de l’oubli, 2002)
0 pt
n°12 : coing, poire confite, nez pas spécialement typé (liquoreux "passe-partout", plutôt dans un style passerillé), la bouche manque de fraicheur, texture sur le sirop, je pense à Monbazillac sans grande conviction.
L a un commentaire analytique assez proche du mien (fruits jaunes, trop de sucre), et a dans un 1er temps noté Ste-Croix du Mont, ce qui me conforte dans ma 1ere hypothèse "aquitaine". Puis elle se met à dire Loire, Coteaux du Layon, Quarts de Chaume ... Ca manque à mon sens d'acidité pour être du chenin. Elle insiste, mais je ne l'écoute pas, on propose donc muscadelle, Monbazillac 2009. J'aurais dû l'écouter : 14 pts qui partent en fumée !
=> Château Bellerive, Quarts de chaume 2010
0 pt
2 réactions
1 De Anne Lavigne (sic) - 09/02/2015, 21:46
The proof of the vine is in the drinking : http://www.larvf.com/,vin-championn...
Sinon, comment on fait pour postuler ?
2 De Eric C. - 23/02/2015, 13:47
Pour s'inscrire il suffit de surveiller le forum dédié sur le site de la RVF (http://forum.larvf.com/larevuedesvi...), puis d'envoyer un mail à Philippe de Cantenac dès que les inscriptions sont ouvertes