Des virus, et de leur capacité à provoquer des grandes transitions (18/03), par Bruno Judde de Larivière sur son blog geographedumonde

(...) Dans leur livre intitulé "Nos phobies économiques", Alexandre Delaigue et Stéphane Ménia ont montré (il y a plus de dix ans) l'impact d'un virus sur une société développée : c'était le thème de leur chapitre IV : 'Nos virus auront ma peau'. "Les activités économiques déterminent-elles des conditions propices au développement d'épidémies?" se demandent les deux auteurs page 91... Ils enchainent sur l'impact sanitaire du transport aérien mondial : en constante augmentation à l'époque. Avec le recul, et fort des premiers retours des autorités européennes, on sait désormais que l'épisode du coronavirus va pousser de nombreuses compagnies à mettre la clef sous la porte. Que restera t-il des autres à l'issue de la crise ?


Covid-19 : fin de partie ?!, (18/03) par Jean-Dominique Michel, thérapeute et anthropologue médical (il explique lui-même dans le détail son background). Résumé rapide (la mise en gras est de mon fait) :

Je l’ai dit et le répète : en ces temps de mobilisation collective, nous avons tous à respecter scrupuleusement les mesures qui sont imposées. Même si on doute de celles-ci ou qu’on les trouve inadaptées, aucun d’entre nous ne peut se donner le droit de suivre sa propre idée. Cette compliance -que je n’ai cessé de prôner- m’habite inconditionnellement.
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Je suis anthropologue de la santé et expert en santé publique. Mon métier consiste depuis plus de 30 ans à étudier les pratiques des soins et les dispositifs sanitaires. J’arrive à un âge où l’on sait (hopefully) qu’on n’est pas le nombril du monde et (sauf exception) qu’on n’a pas inventé le fil à couper le beurre. J’ai quelques références dans mon domaine, comme celle d’être (malgré l'embarrassante immodestie de ce propos) un des meilleurs connaisseurs actuels des processus de salutogenèse et de rétablissement ainsi que des déterminants de la santé.
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Depuis le début de l’émergence du coronavirus, je partage mon analyse qu’il s’agit d’une épidémie banale. Le terme peut choquer quand il y a des morts, et a fortiori dans la crise sanitaire et la dramaturgie collective hallucinée que nous vivons. Pourtant, les données sont là : les affections respiratoires habituelles que nous vivons chaque année font bon an mal an 2'600'000 morts à travers le monde. Avec le Covid-19, nous en sommes, au quatrième mois, à 9'000 décès, et avec le pays initialement le plus touché qui est parvenu à juguler l'épidémie.
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les projections qui sont faites pour imaginer le nombre de morts possibles sont rien moins que délirantes. Elles reposent sur un « forçage » artificiel et maximal de toutes les valeurs et coefficients. Elles sont faites par des gens qui travaillent dans des bureaux, devant des ordinateurs et n’ont aucune idée ni des réalités de terrain, ni de l’infectiologie clinique, aboutissant à des fictions absurdes.
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C’est hélas le vrai point noir : s’il n’y avait pas ces cas graves, l’épidémie serait insignifiante. Il se trouve qu’elle entraîne des complications rares mais redoutables.
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C’est l’existence de ces cas graves (estimés de manière absurde à 15% des cas, probablement en réalité 10 fois moins) qui justifie que l’on ne s’en remette pas simplement à l’immunité de groupe.
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C’est dans ce paradoxe compliqué entre la très grande innocuité du virus pour l'immense majorité des gens et sa dangerosité extrême dans certains cas que nous sommes trouvés coincés. Nous avons alors adopté des mesures absolument contraires aux bonnes pratiques : renoncer à dépister les personnes possiblement malades et confiner la population dans son ensemble pour enrayer la diffusion du virus. Mesures à vrai dire moyenâgeuses et problématique puisqu’elles ne ralentissent l’épidémie qu’au risque de phénomènes de rebond potentiellement encore pires. Et qu’elles enferment tout le monde alors qu’une faible minorité seulement est concernée. Toutes les recommandations en santé publique sont à l’inverse de dépister le plus de cas possibles, et de confiner uniquement les cas positifs le temps qu’ils ne soient plus contagieux.

Le confinement général constitue un pauvre pis-aller face à l'épidémie dès lors qu’on manque de tout ce qui permettrait de lutter efficacement contre elle…

Pourquoi en est-on arrivé là ? Simplement parce que nous avons défailli à mettre d’emblée en place les bonnes réponses. Le manque de tests et de mesures de dépistage en particulier est emblématique de ce naufrage : alors que la Corée, Hong-Kong et la Chine en faisaient la priorité absolue, nous avons été d’une passivité invraisemblable à organiser la mise à disposition de quelque chose de techniquement simple.

Il se range en outre clairement du côté des soutiens à Didier Raoult :

Certes, ni les études chinoises, ni l’essai clinique marseillais n’a valeur de preuve (« evidence ») selon les critères de la recherche scientifique. Une réplication des résultats par d’autres équipes est requise, sans même parler d’une étude randomisée en double-aveugle, le top of the pop des méthodologies de recherche.

Mais diable ! nous sommes dans une situation d’urgence. La chloroquine est un des médicaments les mieux connus et les mieux maîtrisés (en particulier par l’IHU de Marseille). On peut donc tabler sur une très solide expérience relative au sujet de sa prescription. Se réfugier derrière un intégrisme procédural est éthiquement indéfendable dès lors qu’on parle d’un médicament qu’on connaît par cœur, qui a déjà démontré son efficacité sur d’autres coronavirus, confirmée sur celui-ci par deux essais cliniques, et alors que des vies sont en jeu jour après jour !

Raoult a relevé avec ironie qu’il n’était pas impossible que la découverte d’un nouvelle utilité thérapeutique pour un médicament tombé de longue date dans le domaine public soit décevant pour tous ceux qui espèrent un prix Nobel grâce à la découverte fracassante d’une nouvelle molécule ou d'un vaccin…