Episode précédent :





Dès le 16 mars, Elon Musk, devenu lui aussi épidémiologiste comme 500 millions de personnes, twittait sur le sujet : "Maybe worth considering chloroquine for C19", linkant un article qui ne semble plus disponible aujourd'hui.

Le 18 mars, une dénommée Ariane Walter qui contribue notamment sur Agoravox trouve bizarre que la chloroquine ait été placée sur la liste des substances sur ordonnance quelques jours avant l’arrivée du coronavirus. C'est faux et la réponse est claire : la chloroquine est sous ordonnance depuis 1999, l'hydroxychloroquine est effectivement soumise à ordonnance depuis janvier, mais ça n'a rien à voir avec le coronavirus puisque la demande a été faite le 8 octobre 2019 par l'ANSM alors que Covid-19 n'existait pas encore.
(Ahh, si les complotistes mettaient autant d'énergie à trouver les failles dans leurs propres arguments que dans ceux des autres ... )

Le 21 mars, Donald Trump qui a entendu parler de l'étude de D. Raoult demande de jouer "all in" sur la chloroquine : "HYDROXYCHLOROQUINE & AZITHROMYCIN, taken together, have a real chance to be one of the biggest game changers in the history of medicine"

Le même jour, des cas d'intoxication sont relatés au Nigeria, apparemment suite à la publicité faite soudainement à la chloroquine : Nigeria Has Chloroquine Poisonings After Trump Praised Drug

Two people were hospitalized in Lagos for chloroquine overdoses (...) Chloroquine is still in a testing phase in combination with other medication and not yet verified as a preventive treatment or curative option

Aux Etats-Unis, Anthony Fauci qui est directeur de l'Institut National des allergies et maladies infectieuses et conseiller des présidents américains sur les questions sanitaires, essaie de modérer l'enthousiasme de Trump :

“Many of the things that you hear out there are what I had called anecdotal reports,” Fauci said. “They may be true, but they’re anecdotal.”

Cette dépêche de Bloomberg résume bien la situation :

A tiny trial of a malaria drug may or may not have helped several patients in France fight off their coronavirus infections. The FDA has said it needs more study. Some expert doctors are skeptical. President Donald Trump is all for it.

En gros le monde se divise en deux catégories (c)(r)(tm) :

  • d'un côté ceux qui, adeptes du principe de précaution (et souvent membres du milieu médical), affirment que les données actuelles sur la chloroquine doivent être consolidées
  • de l'autre ceux qui estiment que, compte tenu de la crise sanitaire actuelle, si un traitement semble fonctionner il serait logique[1] de le déployer rapidement à grande échelle

Il est amusant de constater qu'une bonne partie de l'opinion publique, habituellement prompte à critiquer le secteur de la santé si le principe de précaution n'a pas été respecté, incite en ce moment à faire fi de toutes les précautions habituelles d'usage. Mais bon ... On trouve aussi des partisans de la 2e approche dans le milieu médical, comme par exemple Christian Perronne, chef du service infectiologie à l'hôpital Raymond Poincaré de Garches dont les propos sont retranscrits sur bfmtv.fr :

"On peut en produire beaucoup. Il faut y aller, il ne faut pas attendre d'avoir la confirmation dans plusieurs semaines"

Dans sa conférence de presse du 21 mars, le ministre de la Santé Olivier Véran précise sa position :

"J'ai demandé à ce que l'étude du professeur Raoult puisse être reproduite (…) dans d'autres centres hospitaliers, par d'autres équipes indépendantes. Je suis cela d'extrêmement près."

Le 22 mars, l'INSERM annonce le démarrage d'un essai clinique à l'échelle européenne, dont l'hydroxychloroquine fait partie :

Il est prévu d’inclure 3200 patients européens incluant la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, le Royaume uni, l’Allemagne et l’Espagne, et peut être d’autres pays dont au moins 800 en France
Nous avons analysé les données issues de la littérature scientifique concernant les coronavirus SARS et MERS ainsi que les premières publications sur le SARS-COV2 émanant de la Chine pour aboutir à une liste de molécules antivirales à tester : le remdesivir, le lopinavir en combinaison avec le ritonavir, ce dernier traitement étant associé ou non à l’interféron bêta, et l’hydroxychloroquine

L'étude de Raoult est commentée largement :

  • ici par Jason Pogue (profil), pharmacien clinicien dans le Michigan. L'avantage d'aller lire des analyses non-francophones, c'est qu'on échappe aux guéguerres internes du système médical français. Conclusion du thread, plutôt encourageante : "Limitations aside I still think these data are encouraging as even w/ the failures added HCQ would look good. That said they most certainly do NOT tell us that HCQ works nor do they suggest that HCQ + Azithromycin is some special cure all"
  • ici par Gaetan Burgio (profil), généticien français travaillant en Australie depuis 12 ans, avec une conclusion sans appel, très critique :"What is the evidence of justifying using HCQ or CQ as a prophylactic or curative treatment against #COVID19. The simple or short answer is NONE."
  • ici par Medicus (je ne sais pas qui se cache derrière ce pseudo), constatant que des enfants de 10 ans ont été inclus dans l'étude, contrairement aux critères d'inclusion validés par un comité d'éthique.

Dimanche 22 mars, 10h58, le maire de Nice Christian Estrosi twitte :

J’ai obtenu satisfaction. #Nice06 et son CHU validés et approvisionnés pour mettre en place le protocole du professeur Didier Raoult avec consentement des familles. Il serait souhaitable que, dans les mêmes conditions, la médecine de ville soit habilitée à le prescrire.

Interviewé ce même dimanche 22 mars, Didier Raoult en remet une couche dans le Parisien, qui titre «Pour traiter le Covid-19, tout le monde utilisera la chloroquine» (l'article est derrière un paywall, je n'y ai pas accès et ne peux donc savoir si le titre est fidèle au propos)

Toujours ce dimanche 22 mars, l'IHU de Marseille où D. Raoult exerce publie le communiqué suivant, relaté par l'Alsace

"Dans le contexte actuel de la propagation de l'épidémie à coronavirus Covid-19 sur le territoire français et dans le monde, conformément au serment d’Hippocrate que nous avons prêté, nous obéissons à notre devoir de médecin. Nous faisons bénéficier à nos patients de la meilleure prise en charge pour le diagnostic et le traitement d’une maladie. Nous respectons les règles de l’art et les données les plus récemment acquises de la science médicale.

Nous avons décidé :
· Pour les tous les malades fébriles qui viennent nous consulter, de pratiquer les tests pour lediagnostic d’infection à Covid 19 ;
· Pour tous les patients infectés, dont un grand nombre peu symptomatiques ont des lésions pulmonaires au scanner, de proposer au plus tôt de la maladie, dès le diagnostic un traitement par l’association hydroxychloroquine (200 mg x 3 par jour pour 10 jours) +azithromycine (500 mg le 1er jour puis 250 mg par jour pour 5 jours de plus), dans le cadre des précautions d’usage de cette association (avec notamment un électrocardiogramme à J0 et J2), et hors autorisation de mise sur le marché (AMM). Dans les cas de pneumonie sévère, un antibiotique à large spectre est également associé."

Avant de conclure, sèchement: "Nous pensons qu’il n’est pas moral que cette association ne soit pas inclue systématiquement dans les essais thérapeutiques concernant le traitement de l’infection à Covid19 en France."

Note

[1] (dans une variante plus commune : "il serait inacceptable/criminel de ne pas le faire")