Voici un premiet jet d'une synthèse volontairement (et sans doute excessivement) simplifiée :

1. Qu'est-ce que le CPE ?

  • Pour réduire le chômage des jeunes, de Villepin annonce en janvier 2006 la création du CPE (contrat première embauche).
  • Ce type de contrat est proche du CNE (contrat nouvelle embauche), qui existe depuis août 2005.
  • Le CPE impose un critère sur les futurs embauchés (ils doivent avoir moins de 26 ans), alors que le CNE en impose un sur les entreprises (effectif inférieur à 20 personnes).
  • Le principe de ces deux contrats est simple : il s'agit de CDI, c'est-à-dire de contrats sans indication de durée, mais qui donnent à l'employeur la possibilité de se séparer de ses recrues pendant deux ans sans avoir à indiquer le motif du licenciement. Il s'agit donc en quelque sorte d'une extension de la période d'essai d'un CDI classique.
  • En cas de rupture du contrat avant le terme de ces deux ans les salariés sont indemnisés d'un montant égal à 8% des sommes percues depuis leur embauche.

2. Comparaison avec les autres pays

  • Une mesure comparable est en train d'être mise en place en Allemagne : extension des périodes d'essai de 6 à 24 mois (quid des indemnités ?), sans distinction d'âge.
  • En Angleterre la législation n'impose pas de durée spécifique pour la période d'essai. Les salariés sont protégés des licenciements "abusifs" à partir d'une durée que le gouvernement Blair a réduit de 2 ans (mesure prise par M. Thatcher) à un an en 1998. Le terme abusifs me semble malvenu (cf. détails sur le blog d'Emmanuel), je dirais plutôt non justifiés, dans la même veine que ce qui se met en place pour le CPE.
  • Un intéressant tableau sur le site du Journal du Management permet de comparer les situations dans la plupart des pays développés (ne pas rater l'analyse qui en est faite page suivante). Il en ressort 1- qu'aucun de ces pays, à l'exception des Etats-Unis et de l'Angleterre qui ne légifèrent pas sur le sujet, ne dispose actuellement de périodes d'essai aussi étendues que le prévoit le CPE, et 2- que le taux de CDI en France est comparable à celui de nombre de pays européens (Espagne mise à part). Ce deuxième point n'est cependant qu'à moitié pertinente, car il semble plus utile de savoir comment varie ce taux de CDI aujourd'hui. A la baisse dans la plupart des pays, j'imagine, mais une superposition de courbes d'évolution serait intéressante. On peut constater sur ce tableau (beware, Excel inside) du ministère de l'emploi que la part des CDI depuis une dizaine d'années a culminé à 31% fin 2000 et est retombée à 25% fin 2004 (cf. le dernier onglet séries, sur la période 1996-2004).

3. Les questions que le CPE soulève

  • La flexibilité est-elle susceptible de générer de l'emploi ? A volume d'activité constant, cela reste à démontrer. D'où la question subsidiaire : la flexibilité est-elle susceptible de générer de la croissance ?
  • L'extension de la période d'essai, un faux prétexte ? Elle est aujourd'hui de 3 mois renouvelables pour les cadres, et dans la pratique très souvent renouvelée. Même pour des emplois hautement qualifiés, une durée de six mois est-elle insuffisante pour se faire une idée sur la qualité d'une recrue ? Et pour des emplois peu ou pas qualifiés, est-il vraiment nécessaire d'attendre deux ans pour se déterminer sur la suite à donner à un contrat ?
  • Pourquoi ne pas attendre d'avoir un peu plus de recul sur les effets du CNE ? Les premières estimations concernant l'impact du CNE sur le marché de l'emploi n'ont que quelques mois, et varient du tout au tout selon les sources. Rien de bien fiable, donc, pour le moment. Mais l'argument du gouvernement à ce sujet ne laisse pas de place à la discussion : il faut essayer, on fera les comptes après.

Mon avis sur le sujet :

  • La méthode employée par le gouvernement est tout à fait contestable, et empêche de fait toute réflexion de fond. C'est bien dommage ... tout comme la récupération politique qui en a été faite, aux dépens de toute considération économique et sociale.
  • Le CPE n'est pas (encore ?) la seule forme de contrat de travail disponible. Ce n'est pas un contrat obligatoire pour tous les moins de 26 ans. Libre à ceux qui n'en veulent pas de délaisser les employeurs qui le leur proposeront et d'aller voir ailleurs. Mais encore une fois, ce raisonnement qui est valable à l'échelle de l'individu devient beaucoup plus discutable à l'échelle de la collectivité : si le CPE devient la forme de contrat le plus souvent proposée par les employeurs, seuls ceux qui sont prêts à accepter ce compromis en profiteront. Typiquement plutôt des gens bien formés (qui savent qu'ils pourront plus facilement que d'autres rebondir ailleurs en cas de licenciement) et suffisamment à l'aise financièrement (soutien familial ?) pour pouvoir se permettre des périodes de non-emploi entre deux CPE. Et comme je doute que le nombre de CPE proposés n'ait aucun impact sur le nombre de CDI "classiques", ce dernier devrait mécaniquement aller en diminuant. Autant d'opportunités en moins, a priori, pour les plus vulnérables ...
  • Je suis plutôt pour le CNE, qui ne concerne que les TPE, directement concernées par le besoin de flexibilité. Je comprends tout à fait qu'un patron de petite entreprise hésite à prendre le risque d'embaucher en CDI. Je ne comprends pas, en revanche, le critère d'âge sur lequel se fonde le CPE, et suis loin d'être convaincu que les grands groupes n'abuseront pas des possibilités que ce contrat leur laisse.
  • Je suis assez sceptique sur la capacité du CPE à générer la croissance dont je parlais un peu plus haut, croissance qui est la condition nécessaire (et suffisante ?) à une amélioration de la situation vis-à-vis du marché de l'emploi de tous, et non seulement des plus audacieux.