L'article de CNN Money.com signalé en commentaire il y a quelques jours par Kryzstof vaut effectivement le coup d'oeil. Recyclons, traduisons, simplifions.

Pour Betsy Morris, l'auteur de l'article, les règles de fonctionnement sur lesquelles un consensus existait dans l'Amérique entrepreneuriale il y a encore quelques années ne sont aujourd'hui plus valables. Elles ont fonctionné, dans un certain contexte, à une certaine époque. Mais aujourd'hui la donne a changé.
L'exposé est décliné en sept points :

1. Nouvelle régle : mieux vaut être agile que gros
(ancienne règle : les gros tiennent le marché)
Les avancées technologiques et l'évolution des business models ont contribué à réduire l'importance de la taille, censée permettre des économies d'échelle. L'externalisation et les partenariats permettent de transformer des coûts fixes en coûts variables.

2. Nouvelle règle : trouvez des marchés de niche, créez quelque chose de nouveau
(ancienne règle : soyez le leader, ou éventuellement le n.2 de votre marché. Les autres sont condamnés)
Evidemment, être le leader de son marché demeure une position enviable. Mais ce n'est pas synonyme de sécurité. Ainsi l'énorme base d'utilisateurs d'AOL n'a servi à rien pour enrayer la montée en puissance de Google. Même remarque pour l'affrontement Disney-Pixar, ou pour l'entêtement de Coca-Cola à refuser de croire en l'intérêt croissant des boissons énergisantes, focalisée qu'était la société sur sa guerre à coups de dixièmes de % de parts de marché avec Pepsi.

3. Nouvelle règle : le client est roi
(ancienne règle : l'actionnaire est roi)
Les entreprises se seraient peu à peu éloignées de leurs fondamentaux en essayant de chercher à produire de la valeur perçue, plutôt que de la valeur réelle, sous prétexte que cela comblerait les marchés financiers. Certaines réapprennent donc à se concentrer sur des "détails" comme l'innovation, la qualité du service après-vente, ainsi que les indicateurs de satisfaction des clients.

4. Nouvelle règle : tournez vous vers l'extérieur, et non vers l'intérieur
(ancienne règle : soyez "lean and mean")
L'expression "lean and mean", qui ne m'est pas familière, semble liée à l'adoption de la démarche de qualité Six Sigma, qui s'est généralisée dans de très nombreuses entreprises. Incitant les sociétés à étudier dans le détail leur processus industriel pour y traquer les surcoûts, elle les aurait détournés de la nécessité de garder un oeil ouvert sur ce qui se fait à l'extérieur. Se concentrer sur ses propres dysfonctionnements ne doit pas dispenser de conserver une bonne part de son énergie pour l'innovation. J'aime bien la phrase du vice-président de Genentech qui dit que l'innovation est une entité "méta-stable". Que rien ne la tue plus vite que de vouloir la planifier, l'encadrer ...

5. Embauchez des collaborateurs passionnés
(ancienne règle : ne travaillez qu'avec les meilleurs)
Chez General Electrics sous l'ère Welch, les employés étaient classés par niveau (A, B ou C). Si l'on en croit l'auteur d'un livre qui lui a été consacré, Welch aurait un jour tenu à ses cadres dirigeants le discours suivant : "nous sommes une société classée A+. Nous ne voulons que des employés de niveau A. Ne perdez pas de temps à faire passer ceux du niveau C à l'échelon supérieur. Débarassez-vous en le plus rapidement possible".
Inutile d'expliquer la nouvelle règle ...

6. Embauchez un patron courageux
(ancienne règle : embauchez un patron charismatique)
Les Etats-Unis ont connu une période faste pour les CEOs charismatiques, dont la réputation de certains a traversé l'Atlantique (Jack Welch, Lou Gertsner, Carly Fiorina ...). Les stratégies adoptées par ces leaders, généralement fondées sur une réduction drastique des coûts, sur l'emploi d'astuces financières ou comptables et sur une croissance par acquisitions, n'ont pas toujours fourni de solution à long terme (une étude réalisée sur 157 entreprises s'étant renforcées à la suite d'acquisitions dans les années 90 a montré que seulement 7 d'entre elles avaient obtenu des résultats financiers au-dessus de la moyenne).
Aujourd'hui, ces méthodes perdent de leur crédit. La croissance, la vraie croissance, nécessite de faire des paris qui ne paieront ni à court ni à moyen terme, mais seulement à long terme, ce que les marchés sont peu enclins à accepter. Xerox a pratiquement été tué à cause de la résistance de ses dirigeants devant la nécessité de passer de l'impression analogique au numérique, parce que cela risquait de réduire leurs marges. Au moment où ils se sont enfin décidés à franchir le cap, leur part de marché s'était effondrée ... Anne Mulcahy, l'actuelle CEO engagée en 2001 pour y faire le ménage, affirme à ce sujet : "vous devez changer quand vous êtes au sommet du jeu en termes de profit. C'est difficile à faire ; votre business va pour le mieux, vos marges sont au top ... Mais c'est là que vous devez plonger et prendre des risques".

7. Nouvelle règle : admirez mon âme
(ancienne règle : admirez ma force)
E. Neville Isdell, le CEO actuel de Coca-Cola : "je ne suis pas d'accord avec Milton Friedman pour dire que le rôle de l'entreprise est seulement de gagner de l'argent. Notre légitimisation dans la société constitue une part très importante de notre activité".
Avoir une âme, c'est plus que s'engager pour des causes, être transparent vis-à-vis des rémunérations, ou respecter les législations environnementales. C'est aussi la définition d'une vision à long terme. Les chefs d'entreprise doivent devenir de meilleurs courtisans des investisseurs à long terme, en expliquant leur stratégie ... Mais auront-ils le courage de défier le présent pour se concentrer sur l'avenir ? Et les actionnaires auront-ils la patience de les soutenir ?