La transition du taylorisme au post-taylorisme n'a manifestement pas eu lieu dans tous les secteurs (liberation.fr, le 25/09/2006):

"Contraintes ubuesques, pressions hiérarchiques, obsession du chiffre : de plus en plus de salariés éprouvent de la honte à devoir bâcler leur travail.

Antoine n'a pas changé d'entreprise. Ni même de bureau. Salarié d'une grande banque postale dans la région lilloise, il a pourtant le sentiment d'avoir totalement changé de travail. D'employé administratif, il est passé, dit-il, à «ouvrier spécialisé».

Celui qui suivait les dossiers clients «de A à Z» fait aujourd'hui du monotravail à la chaîne : 8,5 dossiers à l'heure. Interdiction, désormais, de prendre les clients au téléphone. Antoine doit se limiter à exécuter les ordres qui arrivent du front office, une plate-forme téléphonique où une armada de téléopérateurs répondent en 3 minutes chrono aux demandes des clients.

Aides-soignantes en sous-effectif, employés de pompes funèbres travaillant à la chaîne, téléopérateurs infantilisés, policiers et agents de préfecture soumis à la culture du chiffre (lire ci-contre), des salariés issus de métiers aussi divers ressentent aujourd'hui un malaise identique et impalpable : l'impression de mal faire son travail. Parfois jusqu'à la honte.

Dans les services, la taylorisation des procédures a standardisé une relation client à l'origine personnalisée. Pris entre deux feux contradictoires, les salariés de ce secteur doivent donner une réponse minutée à un public divers et demandeur d'un suivi individualisé. Plus largement, les certifications qualité qui envahissent les entreprises figent des méthodes de travail sans rapport avec la réalité du terrain."

François Daniellou, professeur universitaire spécialisé en ergonomie :

"Il n'y a jamais eu autant de démarches qualité, et jamais autant de salariés n'ont eu le sentiment de faire du mauvais travail."



C'est marrant parce qu'au quotidien, je vis en fait exactement la situation inverse. L'absence de capitalisation des compétences accumulées par les prestataires, le manque de communication d'un projet à l'autre, ou entre les projets et le métier, la réticence des gens du métier à partager leur savoir avec des prestataires qui ne seront peut-être plus là le mois prochain (voire partis chez les concurrents), font régner un flou formidablement artistique sur les méthodologies de travail.
Des procédures qualité ? Nenni.
Ce ne sont pas les contraintes qui sont ubuesques, c'est le manque d'homogénéité, de normalisation. Ce n'est pas moi qui vais me plaindre de trouver un cadre de travail particulièrement souple, mais de la souplesse au laxisme il n'y a parfois qu'un demi-pas ...