En automobile, on désigne par "liaisons au sol" tous les organes assurant, ce n'est une surprise pour personne, la liaison du véhicule avec le sol. Un véhicule, c'est une caisse et un moteur qu'il faut suspendre et diriger, voire freiner pour vraiment bien faire les choses. Le porte-moyeu, la fusée, l'amortisseur, les bras de suspension, sont autant de pièces qui font partie du périmètre "liaisons au sol".
Leur dimensionnement, c'est-à-dire la détermination de leur résistance mécanique et la mise en oeuvre des moyens de conception permettant d'y aboutir, tient compte de contraintes qui peuvent être contradictoires, et exiger des compromis.
Prenons l'exemple du moyeu-disque, puisqu'une fraction non négligeable de mon lectorat me réclamait avec vigueur des précisions à son sujet. Un moyeu-disque, pour ceux qui n'en ont jamais vu, ressemble à ça :



ou, en coupe, à ça :



C'est, réunis en une seule pièce, située sur le train arrière :

  • un moyeu, c'est-à-dire l'élément a- sur lequel on fixe la roue b- dans lequel on emmanche un roulement qui assure la liaison avec la fusée, partie "fixe" de la voiture
  • un disque de frein. Non, je ne détaillerai pas à quoi ça sert.

Pourquoi en une seule pièce ? Parce qu'on économise des liaisons, que ça en simplifie la conception, que les disques de frein arrière sont moins sollicités, et par conséquent moins souvent changés.
Venons-en aux faits.
Le premier objectif du moyeu-disque, c'est de résister à un fonctionnement normal du véhicule. Ce qui signifie plusieurs centaines de milliers de kilomètres pendant lesquels le moyeu-disque transmet les efforts issus du pied de roue. Efforts verticaux et latéraux, transmis par les liaisons vissées avec la roue, venant solliciter un moyeu qui tourne autour de la cage intérieure de son roulement : on appelle ça de la flexion rotative.
Cet aspect du dimensionnement entre dans le domaine de la fatigue mécanique. La fatigue, c'est le fait qu'un effort "modéré", non préjudiciable à la tenue de la pièce s'il n'est appliqué qu'une seule fois, peut en revanche provoquer sa rupture lorsqu'il est répété un grand nombre de fois. On parle de fatigue à faible nombre de cycles (ou fatigue oligocyclique) en-dessous de 50000 à 100000 répétitions, et de fatigue à grand nombre de cycles au-delà.
Or s'il y a bien un domaine où le comportement des matériaux est difficile à saisir, à quantifier, c'est celui de la fatigue. Les principes élémentaires de rdm (résistance des matériaux) ne sont plus suffisants, et la détermination de la durée de vie demande une caractérisation fine de l'état de contraintes et de déformations : les calculs élements finis sont quasi-impératifs tant qu'on ne dispose pas de pièces physiques (auquel cas on peut éventuellement leur substituer des mesures extensométriques), et la durée de vie ne peut de toute façon être approchée que d'un point de vue statistique. Deux pièces issues d'un même matériau, d'un même process, d'un même outillage, peuvent très bien présenter des durées de vie allant du simple au double pour un effort donné.

Deuxième aspect du dimensionnement d'un moyeu-disque : la résistance aux sollicitations "inhabituelles". On essaie par exemple de s'assurer que quelques montées de trottoir un peu optimistes ne risquent pas d'engendrer de déformations irréversibles (déformations dites plastiques) susceptibles d'altérer la géométrie du train (pince, carrossage ...). Ce sont des sollicitations dites incidentelles, qui peuvent se répéter plusieurs fois dans la vie d'un véhicule. Le cran au-dessus, ce sont les cas de charge dits accidentels. Tous les éléments d'un train, dont le moyeu-disque, sont dimensionnés de manière à pouvoir supporter sans rupture des chocs modérés, par exemple l'impact latéral sur un trottoir à faible vitesse, que les adeptes des demi-tours au frein à main sur les parkings de supermarché expérimentent parfois.

Troisième aspect du dimensionnement d'un moyeu-disque : la fonction disque. De par sa géométrie, sous sollicitation thermique induite par les freinages, le disque se déforme "en parapluie" :



Cette déformation est évidemment préjudiciable au bon fonctionnement du freinage, et doit donc être minimisée. Là encore, le calcul numérique vient à la rescousse.

Je passe sur les impératifs de raideur conique (déformation "angulaire" sous effort latéral au pied de roue, impactant la tenue de route), de précharge du roulement (afin de lui garantir des conditions de fonctionnement optimales), de tenue des liaisons vissées ...