Philippe Bilger n'est pas Michel Blanc, mais il titre "Grosse fatigue" malgré tout. Je le comprends. Dans un style différent, mais sur le même sujet, j'aime bien le titre choisi par Brave Patrie.
Bref. Afin de justifier le classement dans ce billet dans la rubrique Intello et non Deportivo, il faut relever le niveau. Le nivo.
Dans une analyse "à la Steven Levitt", intitulée "Statistical evidence consistent with performance-enhancing drugs in professional baseball", de valeureux chercheurs du centre d'études sur les polymères (...) de l'université de Boston se sont lancés dans une analyse statistique au long cours sur la carrière de 10000 joueurs ayant sévi depuis 1920, date considérée comme signant le début de l'ère moderne du baseball. Soit dit en passant, je n'y entrave que pouic à ce sport atavique[1], et le papier regorge d'expressions bizarres comme "at bat" ou "innings pitched". J'ai donc lu un peu rapidement, et j'ai du mal à comprendre comment ils passent du "Players from the last 25 years have increased their ability to hit home runs, either by modern training regimens or performance-enhancing drugs" de la figure 3 (p.8 du pdf) au "Statistical evidence in career home run distributions consistent with performance enhancement drugs (fig.4, p.9). Si quelqu'un y connait quelque chose en tennis pour bûcherons ...
Parlons maintenant de choses qui plaisent aux pousse-citrouilles[2]. "Fitness, chance, and myths: an objective view on soccer results". Je résume, rapidement[3], cette étude qui essaie de répondre aux questions qui hantent tous les supporters (est-ce que c'est bien le meilleur club qui est sacré champion ? combien faut-il jouer de matchs pour que la meilleure équipe emporte le titre de manière quasi-certaine ?) :
- La différence de buts constitue un meilleur indicateur du "niveau" d'une équipe que son nombre de points.
- Il n'y a statistiquement pas de variation significative du niveau d'une équipe au cours d'une saison.
- Les résultats d'une équipe sont le fruit d'un facteur "systématique", reflétant son "vrai" niveau, et d'un facteur "aléatoire", qui caractérise la glorieuse incertitude de ce sport[4]. L'étude montre qu'après 13 matches, les deux facteurs ont le même effet sur la variance de ce qui caractérise le niveau (que ce soit le nombre de points ou la différence de buts). A la fin de la saison, le facteur aléatoire contribue encore pour environ un tiers au résultat (p.12)
- un petit coup d'inférence bayésienne plus loin (p.14), on apprend qu'il y a environ une chance sur quatre pour qu'une équipe classée 10 points derrière une autre à la fin de la saison soit en fait "meilleure".
- au-delà de la différence classique entre les résultats à domicile et ceux à l'extérieur, il est faux de dire que certaines équipes sont particulièrement meilleures sur leur terrain, ou au contraire en déplacement. En clair, le fait de jouer à domicile avantage autant les équipes faibles que les plus fortes.
- la "différence de différence" de buts moyenne entre les matchs à domicile et ceux à l'extérieur est de 1.4
- il n'y a pas d'évidence statistique de l'existence de "séries positives". En revanche on constate que les séries négatives "existent", i.e peuvent avoir un effet stabilisateur (rien de positif là-dedans, puisque ça signifie que l'équipe se stabilise dans sa médiocrité). La discussion sur cette notion de série est intéressante, et assez subtile. Lecture conseillée aux joueurs de Loto Foot.
Voilà, avec ça, normalement, surtout à 23h30, j'endors tout le monde. Je devrais me faire rembourser mon abonnement internet par la Sécu, tiens.
Le dopage dans le baseball, et l'analyse des résultats de la Bundesliga
mercredi 2 avril 2008. Lien permanent Intello
3 réactions
1 De N. Holzschuch - 03/04/2008, 04:17
C'est pourtant simple, le base-ball !
fr.wikipedia.org/wiki/Bas...
en.wikipedia.org/wiki/Bas...
T'as deux équipes. Une équipe qui a la batte, et une équipe qui a pas la batte. Dans l'équipe qui a pas la batte, il y a un mec qui est chargé de lancer la balle très fort en direction du mec qui a la batte. Le mec qui a la batte, il tape dans la balle aussi fort qu'il est bête, pour l'envoyer le plus loin possible.
Pendant que l'équipe qui a pas la batte essaie de ramasser la balle, le mec qui a la batte il lache sa batte et il court très vite autour du terrain. Si il arrive à faire un tour, son équipe marque un point. Bon, comme en général les mecs de l'autre équipe sont pas des manchots, il a pas le temps de faire son tour. Alors le règlement lui prévoit trois "bases" sur lesquelles il peut jouer à chat perché. Littéralement. Tant qu'il touche une des bases, il peut pas être éliminé, mais si la balle arrive avant lui à la base, il est éliminé.
Bon, pendant que le mec il est comme un con sur sa base, faut bien que le jeu continue, hein ? Alors l'équipe qui a la batte elle envoie un nouveau batteur, qui fait pareil que le premier (taper aussi fort qu'il est bête, courrir, tout ça). Dès que le nouveau batteur a tapé, le premier batteur a le droit de quitter sa base et d'essayer de finir son tour.
Évidemment, les batteurs peuvent se faire éliminer. Déja si la balle arrive avant eux à la base. Ou si quelqu'un rattrape la balle avant qu'elle touche le sol. Ou si ils arrivent pas à taper dans la balle trois fois de suite (à condition que le type qui lance la balle l'ait lancée dans un rectangle très précis, on rigole pas). Et si une équipe a trois batteurs éliminés, hop, elle sort, on échange les équipes, et l'équipe qui avait pas la batte devient l'équipe qui a la batte et réciproquement. Ça s'appelle un inning, et il y en a neuf dans un match.
Ce qui rend le jeu intéressant (pour le matheux, hein, parce que sinon, les goûts et les couleurs...) c'est que pour marquer un point, il faut en général un travail d'équipe, c'est-à-dire plusieurs batteurs à la suite qui arrivent à taper dans la balle assez fort pour l'envoyer loin. Il est fréquent d'avoir un inning qui se termine avec zéro points. Pas parce qu'il n'y a pas eu de jeu, mais parce que l'équipe n'a pas réussi à conclure.
Ensuite, le joueur qui parvient à envoyer la balle hors des limites du terrain marque un "home-run". Ça veut dire que plutot que d'obliger l'autre équipe à aller chercher la balle dans les tribunes, ce qui mettrait du piment dans le jeu, on laisse tomber la balle, on en sort une autre, et on compte un run pour le joueur (qui doit quand même faire son tour du terrain, mais en marchant). Si par hasard il y avait déja des joueurs sur les bases, ils ont le droit de finir leur tour aussi. Un home-run permet dont de marquer jusqu'à quatre points.
Voilà pour l'essentiel. "at bat", c'est l'équipe ou le joueur qui a la batte, "innings pitched", c'est le nombre d'innings ou le joueur a envoyé la balle.
Dans les années 30, les home-runs étaient plutot rares, la plus célèbre exception étant Babe Ruth. Comme c'était un petit gros, il pouvait pas courir d'une base à une autre, donc sa seule chance c'était de marquer des home-runs. Ces dernières années, les records de home-runs tombent les uns après les autres avec une facilité étonnante (73 hr en une seule saison, 762 hr en une carrière (21 ans)). Comme les joueurs ont beaucoup grossi des épaules, au point de ressembler à des nageuses est-allemandes, mais avec un bébé-kro en plus, les mauvais esprits disent que ça viendrait, peut-être, du dopage. Je suis content de voir que cet article permettra de faire taire ces méchantes rumeurs. Euh, attends...
Ah, oui, pour compliquer les choses, le dopage est interdit dans le base-ball... mais il n'y a pas de contrôle (puisque je te dis que tu peux me faire confiance...) D'où le gros scandale qui secoue en ce moment le sport, avec commission d'enquête parlementaire et tout (figure toi qu'il y avait des joueurs qui se dopaient ! nan, ça s'est vu ?)
2 De Eric - 03/04/2008, 10:21
Taper autant que t'es bête et courir en criant "chat" je connaissais à peu près, mais n'ayant jamais regardé de rencontre en entier je ne savais même pas comment on comptait les points. Merci pour ces éclaircissements. Question subsidiaire, l'article parle d'innings pitched measured in out. Mhûû ?
3 De N. Holzschuch - 03/04/2008, 14:32
Là, j'ai été obligé d'aller lire l'article. S'agit de mesurer la carrière d'un joueur. Au foot, on compterait le nombre de matches joués, mais là, il y a deux postes très différents : à la batte et au lancer de balle. Alors on compte d'une part le nombre de fois qu'il a eu la batte (at bat, AB) et d'autre part le nombre d'innings. Sauf que les stats ne mentionnent pas le nombre d'innings, mais le nombre de joueurs éliminés (out). Pas grave, parce que si on a bien lu les règles, trois joueurs éliminés font qu'on change d'équipe. Donc nombre d'innings = nombre de joueurs éliminés divisé par trois. D'où la formule (à la <meep>) "Innings pitched measured in out" (IPO), c'est à dire en français : "nombre d'innings ou le joueur à lancé la balle, mesuré en nombre de joueurs éliminés -- zavez qu'à diviser par trois pour avoir le résultat".