Difficile de dire à quel point l'obligation de disposer d'un gilet réflechissant dans son véhicule, et surtout la sanctionnabilité de son absence, peut m'insupporter, en ce qu'elle illustre à merveille comment est considéré l'automobiliste moyen, et plus généralement le citoyen, par notre mère patrie. Infantilisation, déresponsabilisation, surassistanat de l'individu, et vachàlaitisation du contribuable qui se cache sous la même casquette, semblent être les mamelles de la gestion des ressources humaines à l'échelle d'un état, que d'aucuns prétendent pourtant relativement libéral.
Oh, la mécanique est déjà en mouvement depuis longtemps, par exemple depuis que le non-port de la ceinture peut être sanctionné d'une perte de points. On remarquera en effet que parmi toutes les infractions sanctionnées (de un à quatre points, la catégorie "6 points" étant un peu à part), la seule infraction n'ayant aucun rapport avec la mise en danger potentielle d'un tiers concerne ... la ceinture de sécurité. Il est parfaitement possible d'être un conducteur extrêmement prudent, respectueux des autres et irréprochable sur la route ET de perdre son permis, grâce à l'inventivité du législateur.
On me rétorquera, évidemment, que le non-port de la ceinture est un facteur évident d'aggravation des blessures en cas d'accident, et que la communauté ne doit pas assumer les conséquences de l'"irresponsabilité" de certains. Bien. Ceci dit, on n'enlève pas de points, à ma connaissance, aux pratiquants de basejump, même (surtout) équipés de wingsuits. Et je m'en félicite d'ailleurs.

Revenons à notre gilet. La perte de points n'est heureusement pas (encore) envisagée comme élément de sanction. Mais on peut se demander si, en lieu et place d'un nouveau renforcement de l'arsenal répressif par le biais de l'amende prévue (il s'agit quand même de 135 euros, hmm, pas d'un simple PV de stationnement), une simple campagne de prévention concernant l'utilité du port d'un gilet réflechissant, accompagnée, soyons fous, d'une opération "un gilet pour un euro" distribué par exemple dans toutes les stations-service, n'aurait pas été suffisante pour prévenir les quelques victimes annuelles de suraccidents. Car dans une réflexion où la simple considération idéologique n'est pas suffisante, c'est bien à un cynique bilan comptable qu'il faut s'atteler. Parmi les 560 piétons tués en 2007, combien étaient des automobilistes en panne, contraints de sortir de leur véhicule sans pouvoir se mettre à l'abri ? En l'absence de chiffres il faudra s'en remettre au bon sens, et je ne crois pas être de mauvaise foi en affirmant qu'il s'agit d'une toute petite minorité. A fortiori si j'insiste sur le fait que ce gilet jaune (ou pas) aurait dû, pour remplir son office, éviter à son porteur l'accident que son absence aurait donc pour ainsi dire "provoquée" ?
Allez, soyons bons joueurs, et osons un chiffre généreusement surévalué : dix, peut-être vingt vies épargnées grâce au gilet ? Cela justifie-t-il l'obligation qui est désormais faite à tout automobiliste d'en disposer ? Pour la modique facture, à l'échelle hexagonale, de plusieurs centaines de millions d'euros (à raison d'un parc de 35 millions de véhicules - VP+VU -, et compte tenu du prix auquel cette plaisanterie est vendue) ?

Poussons un peu plus loin la farce : pourquoi les pouvoirs publics considèrent-ils qu'un seul gilet est obligatoire à bord du véhicule ? Les plaisanciers ne sont-ils pas tenus, eux, d'avoir à bord autant de gilets de sauvetage que d'occupants embarqués ?
L'efficacité du dispositif ne serait-elle pas décuplée si l'on imposait à TOUS les piétons s'approchant à moins de vingt mètres d'une voie carrossable de porter un gilet certifié ? Ah, oui, j'oubliais. Evidemment le réflechissant pardessus doit être aux normes européennes, hein. Sinon, hop, au gnouf !