(suite de la lutte sans merci contre les billets offline)

En octobre 2006 j'avais mis de côté un article du Washington Post consacré aux extensions de garantie, dans l'espoir d'y consacrer un paragraphe digne de publication. Puis (trois mois plus tard quand même), Krysztof m'avait devancé. Je m'étais débarrassé du sujet en y déposant un bref commentaire.

Ca ne pouvait pas être définitif.

Quels sont les éléments à prendre en compte au moment de se décider pour une extension de garantie ?

  • Le ratio (coût de l'extension / prix de l'objet) : plus l'extension coûte cher, relativement à l'objet qu'elle couvre, moins elle semble intéressante
  • Le ratio (prix de l'objet / pouvoir d'achat) : on justifie plus aisément le choix d'une extension pour un téléviseur à 2000€ que pour un ordinateur bas de gamme à 400.
  • La durée de l'extension
  • La nature du bien de consommation : s'agit-il d'un objet essentiel au quotidien, ou fait-il partie du superflu ?
  • Le type de panne qu'il est susceptible de connaitre. Les objets dont le fonctionnement est mécanique sont soumis au phénomène d'usure, de fatigue, qui affecte moins les composants électroniques. Le taux de défaillance évolue donc différemment avec la vétusté.
  • Le profil de l'utilisateur que vous pouvez être, compte tenu de la nature de l'objet. Certains biens de consommation sont destinés à être utilisés toujours de la même manière : une cafetière se met en marche par simple pression sur un bouton, et sa durée de vie sera principalement conditionnée par le nombre de fois où vous vous en servirez. Il n'y a pas, a priori, d'utilisateur de cafetière plus "sévère" qu'un autre. Pour un téléviseur, la durée de vie est conditionnée à la fois par la durée globale d'utilisation, mais aussi, probablement (je ne suis pas ingénieur qualité chez LG, hein, je suppute) par le nombre d'allumages, que le sens commun dit préjudiciables à la tenue des composants électroniques. Pour un frigo, c'est la fréquence ainsi que la durée des ouvertures qui va solliciter le moteur. Une famille nombreuse sera certainement plus exigeante avec son réfrigérateur qu'un célibataire. Pour résumer, il convient de distinguer si l'objet que vous achetez peut être impacté par le type d'utilisation que vous allez en faire, et si oui comment vous pouvez vous situer par rapport au client moyen.
  • L'obsolescence, en particulier pour les objets à fort contenu technologique. Si un lave-linge évolue peu d'une génération à l'autre, on ne peut en dire autant d'un ordinateur portable. Prendre une extension de garantie jusqu'à 5 ans pour une machine qui, à cette échéance, risque de se retrouver insuffisamment puissante pour faire tourner la nouvelle version de Mac OS[1] ou les dernières applications à la mode, ne parait pas être un bon calcul.
  • La "qualité" de l'extension (exclusions de garantie éventuelles, nature de la prestation proposée ...). Il est à ce sujet intéressant de noter que l'acheteur peut la souscrire son extension auprès d'un organisme tiers, ou directement auprès du constructeur, et peut le faire jusqu'à un mois après son achat. Ainsi, pour un téléviseur Sony vendu 1490€ la garantie "échange à neuf 5 ans" proposée par la Fnac coûte 329€, soit plus de 20% du prix du neuf. Souscrite directement chez le fabricant, une extension classique de 3 ans (en plus des 2 ans de garantie initiale) est facturée seulement 149€, soit 10% du prix d'achat.


L'organisme qui propose une extension de garantie en attend bien évidemment une espérance de gain positive : même si certains clients font effectivement fonctionner un jour ou l'autre leur extension, le bilan global sur l'ensemble des produits vendus _doit_ être positif. Le commerçant n'a même pas besoin de connaître dans le détail la fiabilité du produit qu'il vend. Une première estimation grossière du coût de l'extension est faite, puis ajustée en cas de besoin si l'opération n'est pas rentable.

Du point de vue du client, le choix d'une extension n'est donc jamais économiquement rationnel. Il faut, pour le justifier, tenir compte de notre aversion au risque[2] en tant que consommateur, l'achat d'une extension revenant à préférer une petite perte certaine à une grosse perte potentielle.



Est-ce vrai que la garantie légale sur les biens de consommation est de deux ans ?

Eh bien, euh ... Au niveau européen, théoriquement, oui, suite à la directive 1999/44/CE. Cette directive a été transposée en droit français par l'ordonnance 2005-136, qui modifie le code de la consommation comme le précise le site jurisques :

"Art. L. 211-12 L'action résultant du défaut de conformité se prescrit par deux ans à compter de la délivrance du bien"

Pourtant on voit encore nombre de produits manufacturés vendus avec une garantie de seulement douze mois ...
Voici la réponse de Sony France après leur avoir demandé quelque éclaircissement :

"Depuis le 18 février 2005, les produits de consommation bénéficient pendant deux ans à compter de l'achat d'une nouvelle garantie légale de conformité. Cette garantie, issue d'une directive communautaire, a pour objectif de fixer une protection minimale du consommateur au sein de l'Union européenne. Elle complète mais ne se substitue pas aux garanties existantes.

Le texte vient poser de nouvelles règles en faveur du consommateur dans le cadre de la réglementation applicable (garantie légale). Il ne modifie en rien les conditions d'exercice de la garantie constructeur, valable un an, pour les pièces détachées et la main d'oeuvre, pour les produits Sony (deux ans pour les téléviseurs).

Il me parait utile de préciser que l'application de cette garantie légale de conformité incombe aux distributeurs. Elle ne peut en aucun cas être prise en compte dans la relation entre le fabriquant et les consommateurs."



Ouais mais bon d'abord les fabricants ils font exprès rien qu'à faire des trucs qui pètent juste après la fin de la garantie !!!

Ahhh, le mythe de la durée de vie calculée "juste comme il faut" ! C'est accorder beaucoup trop de crédit aux fiabilistes que d'imaginer qu'ils sont capables de "planifier" la mort d'un composant à un ou deux mois près. Compte tenu des incertitudes déjà évoquées sur les facteurs qui conditionnent la longévité d'un objet, le fabricant essaie de se prémunir contre une éventuelle multiplication des retours en garantie, et doit pour cela se fixer un objectif de durée de vie bien supérieur à la durée de la garantie constructeur.
Le simple fait qu'il existe des extensions de garantie, jusqu'à cinq ans, constitue déjà un élément de preuve : les produits ne sont pas conçus pour être défaillants après seulement 12 ou 24 mois d'utilisation, sinon la rentabilité d'une extension de garantie serait nulle.
Mais la meilleure des preuves réside dans notre ignorance, à nous les gens qui sommes en charge d'estimer des durées de vie. En mécanique, il n'est pas rare de devoir se contenter, via la simulation, d'une erreur pouvant atteindre un facteur 2 sur la longévité ... Des essais sont toujours nécessaires pour recaler les prévisions, mais la nature aléatoire inhérente aux déterminants de cette longévité nous rend incapable de la borner de manière certaine. Tout au plus peut-on se prononcer sur la probabilité qu'une pièce résiste à un nombre de cycles donné.

La loi de probabilité la plus utilisée pour décrire la fiabilité est la distribution de Weibull, qui se révèle suffisamment flexible pour être adaptée à la plupart des cas de figure ... Qui écrit flexible, veut aussi dire "imprécise". Là où les statisticiens de l'INSEE utilisent des échantillons d'un millier d'individus pour extrapoler leurs résultats à l'ensemble de la population avec une marge d'erreur considérée comme acceptable, un fiabiliste se contente, lorsque les essais sont longs et coûteux, de six (oui, 6) échantillons pour se prononcer sur une durée de vie. On comprend dès lors aisément que, la marge d'erreur étant beaucoup plus importante, il est nécessaire de se prémunir contre les incertitudes par un coefficient de sécurité confortable lors des phases de conception et dimensionnement.

Peut-être, bientôt, un billet plus technique sur Waloddi et ses amis.

Notes

[1] Apple étant globalement un assez bon spécialiste de ce qu'on appelle l'obsolescence programmée

[2] La théorie de la décision parle d'ailleurs préférentiellement d'aversion à l'incertitude dans les cas où le risque n'est pas quantifiable de manière exacte