Voilà un projet qu'il va être intéressant de suivre sur le long terme ... Je profite de mon abonnement (sans doute temporaire) à Mediapart pour relayer cet article datant de début 2012 :

Le réacteur Iter, chambre de confinement d'un gaz ionisé porté à 100 millions de degrés, est la version d'une très grande taille de réacteurs appelés tokamak, fonctionnant actuellement dans de nombreux pays. La grande taille du réacteur est définie pour espérer atteindre le seuil permettant de dégager suffisamment d'énergie d'origine nucléaire par fusion d'atomes légers pour produire de l’électricité. Il s'agit du principe de fonctionnement de la bombe H.

Dans le cas du projet Iter, le dossier de plusieurs milliers de pages, soumis cet été à enquête publique dans douze villages autour de Cadarache, comprend nombre d’incohérences, de lacunes et de questions non résolues. Il est tout à fait clair que les scientifiques et les ingénieurs promoteurs de ce projet ont délibérément ignoré un grand nombre de «verrous» scientifiques et technologiques qui conduisent de nombreux spécialistes de cette discipline à être particulièrement sceptiques sur le succès éventuel de ce projet Iter.

Parmi ces interrogations fondamentales, il convient de mentionner entre autres:
- la fragilité des bobines supraconductrices servant à confiner le plasma dans le réacteur Iter: ce seront les plus grands bobinages supraconducteurs jamais réalisés. Mais leur tenue au flux de neutrons est très incertaine; n’ayant résisté que pendant quelques secondes dans les réacteurs expérimentaux, il n'est pas du tout certain qu'ils resteront fonctionnels durant un laps de temps de plusieurs années permettant réellement de mener à terme le programme de recherche prévu.
(...)
- le risque de disruption majeure, qui est la perte brutale du contrôle du confinement du plasma en régime thermonucléaire: ce risque n’est jusqu’à présent pas du tout maîtrisé. Des études récentes précisent que ces disruptions, qui génèrent en quelques millisecondes une perte totale du confinement d'un plasma où circulent quinze millions d'ampères, peuvent provoquer des dégâts catastrophiques sur les structures du réacteur. Ces disruptions, véritables foudroiements cent fois plus intenses que la foudre atmosphérique, frappent l'enceinte interne du réacteur. Elles sont inhérentes à la technologie des réacteurs de type tokamak et ne peuvent être totalement évitées. Elles induiront une destruction partielle de la machine et des aimants supraconducteurs. Il faut donc rechercher une méthode d’amortissement de leurs conséquences et un programme intensif de recherche est en cours sur ce sujet. Cependant, les dernières recherches tendent à indiquer que ce risque a été largement sous-estimé lors de la conception technique d'Iter. En effet, la taille considérable du réacteur Iter rend caduques les solutions qui semblaient efficaces dans des réacteurs de taille modeste.
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- la tenue de la première paroi du réacteur, qui contiendra un plasma à plus de 100 millions de degrés, construite avec du béryllium, matériau léger, fragile et toxique, résistant à 1287 degrés seulement: sa résistance face à un flux intense de neutrons, aux chocs thermiques et à l’abrasion est pour le moins incertaine.
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- la conception des modules tritigènes, situés juste derrière la première paroi en béryllium, destinés à reconstituer le tritium, matière rare, particulièrement dangereuse et qui n’existe pas dans la nature, est basée sur une circulation d’un mélange lithium-plomb à l’état liquide, refroidi par eau contenue dans une céramique refroidie à l’hélium. (...) Que se passera-t-il en cas de rupture de la céramique, le mélange de l’eau et du lithium étant extrêmement dangereux?
- le risque sismique enfin est sous-évalué: l’impact d’un tremblement de terre sur le site de Cadarache, notoirement sismique, aura des conséquences sur la stabilité du plasma à l’intérieur du réacteur Iter, même sans destruction du réacteur.
(...)
Un fiasco financier?
Engagé en 1985 suite à un accord Reagan-Gorbatchev, le programme Iter était évalué à 8 milliards d'euros environ en 1998, ce qui fut jugé tout à fait excessif par les instances internationales, eu égard aux avancées scientifiques attendues. Un projet moins ambitieux fut alors établi et lancé en 2001 sur la base d’une évaluation financière à 5 milliards d’euros. Aujourd'hui, le programme Iter est estimé à plus de 15 milliards d’euros! Et ce n’est sans doute pas fini…

"Iter, le naufrage" (13/01/2012)

NB : l'article est cosigné par Jean-Pierre Petit qui, tout omniscient qu'il soit, est l'auteur de prises de position "particulières". J'ai toujours un a priori très négatif vis-à-vis de ce genre de personnages ... Et titrer "le naufrage" alors que le paquebot n'est pas encore à l'eau, comment dire ...


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