(Billets précédents : Part 1 - Part 2 - Part 3 - Part 4)
Dans le dernier billet, on a vu que le modèle utilisé par Ashenfelter lui permettait de donner une "note" (wine quality) à chaque millésime. En triant le tableau précédemment obtenu par "wine quality" décroissante, on obtient le classement suivant :
2003, année atypique d'un point de vue météorologique (été caniculaire), se retrouve sans grande surprise en tête de ce classement. Est-ce la meilleure année de la période 1982-2008 ? Je pense que peu d'amateurs de Bordeaux seront d'accord avec ça. On peut s'en rendre compte en allant fouiller sur les sites de Robert Parker, de la RVF (pdf), du Figaro, du Savour Club, du guide Hachette (voir ici), etc ...
J'ai également récupéré le tableau de millésimes de lapassionduvin.com, et j'ai fait la moyenne des notes attribuées par les contributeurs du forum aux Bordeaux des deux rives. On obtient le classement suivant :
La juxtaposition des deux, sur la période commune de 20 millésimes allant de 1989 à 2008, montre clairement l'écart considérable entre la prévision du modèle d'Ashenfelter et ce que pense une large population d'amateurs avertis :
C'est peut-être un peu plus lisible en ajoutant le nombre de rangs d'écart entre les deux classements. 2003 passe du 1e au 11e rang, 2006 du 2e au 9e rang, etc ... :
Plus de la moitié des millésimes ont 5 rangs d'écart ou plus d'un classement à l'autre ! Les notes attribuées par des internautes n'ont certes pas la même valeur indicative que les prix de ventes aux enchères, mais le modèle d'Ashenfelter semble avoir du plomb dans l'aile ...
Il est sans doute un peu trop simple : par exemple son paramètre harvest rainfall de cumul des précipitations sur août et septembre n'est pas assez riche et mériterait de tenir compte du nb de jours de précipitations : il me semble assez évident que 100 mm de flotte en 2 jours et 58 jours de beau temps ne donnent pas le même résultat que 60 jours de crachin quasi-continu .. en tout cas à la vigne, car dans son modèle justement ça ne change rien. Peut-être a-t-il aussi été victime du réchauffement climatique :) Son modèle est construit sur une certaine période (1952-1980), et la "linéarité" de sa régression par rapport à la température moyenne a peut-être atteint ses limites avec des millésimes comme 2003. Un été chaud c'est bien, mais un été caniculaire pas forcément ... Mais bon, l'idée de départ demeure intéressante (s'appuyer sur les prix des vins aux enchères pour juger avec du recul de la qualité d'un millésime ... même s'il y a des effets de bord), et je trouve toujours ça amusant de trouver des corrélations même grossières sur ce genre de données.