Ce billet est le premier d'une série consacrée au vin où l'on essaiera de ne verser ni dans l'encyclopédisme, ni dans le cours de chimie, ni dans le débat politique. Mais où l'on comprendra si j'atteins mon but que le monde du vin se comprend aussi à travers ces éléments.

Pourquoi "antimanuel" ? Parce que le Dictionnaire amoureux du Vin existe déjà en version papier, rédigé par un authentique amoureux du pinard, Bernard Pivot, dût-il me fâcher en y exprimant son désamour pour les boissons à base d'orge distillée. Parce que je n'ai pas l'érudition (et la prétention) nécessaire pour en faire un digne manuel. Le but n'est pas d'attirer les amateurs avertis, qui pour la plupart en savent davantage que moi, mais les néophytes curieux, sans qu'ils s'ennuient comme en lisant Wikipedia.

Pourquoi "vinologie" ? Pour pouvoir réserver le terme oenologie à la discipline scientifique. La vinologie c'est la connaissance du vin, au sens le plus vague qui soit. On peut "connaître" le vin en le fabriquant, mais en ignorant tout de ce que font les vignerons de l'autre côté de la planète, en le buvant sans savoir comment il se conçoit, en le vendant sans éprouver le moindre plaisir à en boire.

De mon côté je commence à "connaître" quelque chose au vin parce que j'aime ça, ce qui peut déclencher chez moi des comportements qu'un thérapeute décrirait certainement comme compulsifs. Heureusement, la fréquentation de forums de discussion vinologiques (r) permet de réaliser qu'il existe toujours plus atteint que soi.

Ce que j'aime dans le vin ? C'est d'abord le plaisir immédiat, sensoriel. La vue, l'odorat, le goût sont sollicités de manière évidente, l'aspect tactile (le "toucher de bouche") est lui aussi important. C'est aussi le plaisir plus cérébral d'arriver à mettre un mot (pas forcément codifié, mais qui _me_ parle) sur des sensations ressenties, des senteurs, une texture. Ca demande du temps, de l'expérience, un apprentissage. Ce n'est assurément pas nécessaire, mais c'est, je trouve, enrichissant.

C'est l'immersion dans une culture (sic) qui m'a longtemps été étrangère, et qui depuis m'intrigue et me passionne. Pourquoi y a-t-il des vignobles ici et pas là, pourquoi ces cépages ? Comment s'est construite la hiérarchie des terroirs ? Pourquoi ces différentes manières de travailler ("chimie" ou "bio", mécanique ou manuel, ... )? Par quel miracle des siècles de viticulture n'ont pas conduit à l'émergence d'une "méthode unique", mais bien au contraire d'une multitude de solutions propres à chaque hectare, voire à chaque parcelle de vigne plantée sur la planète ? Pourquoi cette soif des classements, des notes ? Pourquoi ces prix pour les crus les plus prestigieux ? Comment s'y retrouver dans le dédale des appellations ? Qu'est-ce qui différencie un bon caviste d'un mauvais caviste ?

La compréhension du vin, du monde du vin, fait référence à des éléments historiques, religieux, économiques, sociologiques, diététiques, culturels. Quand je bois un verre de vin, je ne bois pas une canette de soda semblable à des milliards d'autres, remplie sur une ligne intégralement robotisée. Je bois le produit d'une vigne plus ou moins bien traitée par un vigneron qui réfléchit à son vin, et qui n'y réfléchit pas de la même manière que son voisin d'AOC.

Ce que j'aime dans le vin, c'est surtout certains moments qui lui sont associés. C'est le plaisir de partager ça, en plus, heureux oenophile que je suis, avec celle que j'aime. Que le vin soit simple, ou prestigieux, qu'il soit rouge ou blanc, taillé pour la garde ou à boire dans le mois, certains instants sont magiques.
Ce que j'aime dans le vin, c'est le souvenir de cet après-midi du printemps 2004, au pied du pic Saint-Loup, dans la combe de Mortiès. Le coup de coeur pour ces vins, pour ce site incroyable, pour cette lumière ...





Dans la même série :

- Antimanuel de vinologie (2) : qu'est-ce que le vin ?
- Antimanuel de vinologie (3) : le cépage
- Antimanuel de vinologie (4) : le vigneron, un entrepreneur comme les autres ?