Le vin, caisse (c)(r)(tm) ?

Toute bonne encyclopédie (je sais, j'avais promis de ne pas y ressembler) répondra qu'il s'agit du résultat de la fermentation alcoolique de raisins. Cela nous donne déjà une bonne base de discussion, que l'on peut compléter par deux éléments ne pouvant échapper à la plupart des dégustateurs : la couleur, et la sensation sucrée dès la mise en bouche.

1) Vin blanc, vin rouge

Le vin existe majoritairement sous deux couleurs : blanc, ou rouge. Blanc est un terme odieusement abusif, puisqu'il n'aura échappé à personne que le vin blanc présente en réalité une infinie palette de variations sur la base du ... jaune.
Le raisin existe également sous deux couleurs : blanc, ou noir[1]. S'agit-il d'une coïncidence ? Faut-il du raisin blanc pour faire du vin blanc, et du raisin noir pour faire du vin rouge ?

La première question est un piège : on peut faire du vin blanc aussi facilement avec du raisin blanc qu'avec du raisin rouge. Il suffit de ne pas laisser le jus en contact avec les peaux dès que les raisins sont pressés. C'est en effet la peau du raisin qui communique progressivement sa couleur au jus, de la même manière qu'un tee-shirt aux couleurs de Ferrari déteint sur le pantalon blanc de Flavio Briatore (c'est d'ailleurs pour ça que Briatore n'a jamais bossé pour la scuderia). Or les raisins noirs ont eux aussi une pulpe claire (à de très rares exceptions près, mais nous ne sommes pas là pour capillotétradécouper), et peuvent donc donner du vin blanc
J'espère que tout le monde suit.

Maintenant que les mystères du vin blanc sont éclaircis (plus blanc que blanc, ça vous rappelle quelque chose ?), tout le monde sait répondre à la deuxième question : pour faire du vin rouge, il faut des peaux ... bleues, donc des raisins ... noirs. En tout état de cause les raisins blancs ne peuvent en aucun cas donner un vin rouge.

Résumons :
- raisin blanc => vin blanc
- raisin noir => vin rouge OU vin blanc

Dans la pratique, il est relativement rare que les vins blancs soient obtenus exclusivement à partir de raisins noirs, à une notable exception près : la Champagne, qui fait indifféremment des vins à base de raisins des deux couleurs. On y reviendra.

2) Sucre et alcool

Le raisin contient initialement du sucre (des sucres plus précisément : glucose et fructose). Le vin, produit final, contient de l'alcool. La réaction chimique responsable de cette transformation s'appelle fermentation alcoolique. Elle n'a pas lieu spontanément, mais sous l'action des levures (champignons microscopiques) qui sont naturellement présentes sur le raisin (on parle de levures indigènes). Des levures (dites alors exogènes) peuvent également être artificiellement ajoutées par le vinificateur pour favoriser le processus.
La levure, comme tout animal unicellulaire, est plutôt stupide (elle peut par certains aspects faire penser au pigeon, ou encore au poulet - dans sa version sans képi précisé-je pour éviter tout souci avec mes amis en bleu). En transformant le sucre en alcool, elle précipite en effet sa perte puisqu'elle ne supporte pas les degrés alcooliques trop élevés. A partir de 15° d'alcool elle commence à se sentir moins bien, et rend son dernier souffle aux environs de 17-18° alc. Mais elle a également besoin d'une plage de température favorable, son travail pouvant cesser si celle-ci descend trop bas (normal, c'est inscrit dans le droit du travail).
La fermentation alcoolique n'est pas systématiquement une transformation complète : elle peut s'interrompre (soit naturellement -quantité de levures insuffisante, température trop basse, quantité de sucre "excessive" - soit artificiellement - par ajout d'alcool ou de soufre par exemple), ce qui conduit à l'existence dans le vin de sucres dits résiduels. Ce sont ceux-là que l'on perçoit immédiatement en goûtant un vin liquoreux.

3) Et le rosé, bo'del ?

Revenons à la question de la couleur, d'autant que le sujet du vin rosé est d'actualité en ce moment. Jusqu'alors, le vin rosé ne pouvait pas (sauf dans une appellation, la Champagne[2]) être obtenu par "mélange" (on parle aussi d'assemblage, ou de coupage) de vin blanc et de vin rouge. La couleur rosée était seulement obtenue en laissant le jus au contact des peaux, comme pour un rouge, mais moins longtemps (de 1 à 2 jours seulement), afin que l'effet teinturier cesse une fois la couleur voulue obtenue.
Tout ceci devrait changer puisqu'un nouveau projet de règlement permettra désormais, s'il est validé par l'Union Européenne le 27 avril, de produire également les vins rosés par assemblage.

Edit (fin 2009) : ce règlement n'a finalement pas été adopté, le rosé de coupage reste donc toujours interdit (sauf en Champagne).



Dans la même série :

- Antimanuel de vinologie (1) : introduction
- Antimanuel de vinologie (2) : qu'est-ce que le vin ?
- Antimanuel de vinologie (3) : le cépage
- Antimanuel de vinologie (4) : le vigneron, un entrepreneur comme les autres ?



Notes

[1] Là encore, le qualificatif de blanc est abusif. Le raisin blanc est vert. Et le noir n'est pas vraiment noir, mais bleu voire rouge foncé

[2] et dans d'autres pays, Afrique du Sud et Australie par exemple