Et quand France Cul' parle d'auto, il y a du bon et du moins bon [1] : Comment les constructeurs automobiles font face à la fin annoncée des moteurs thermiques

Les années qui viennent seront cruciales pour les constructeurs automobiles

C'est vrai :)

(...) L’industrie automobile n’a plus le choix. Dès 2040, la règlementation imposera l’interdiction de la vente de véhicules neufs équipés de moteurs thermiques. En attendant cette échéance, elle temporise en vendant de plus en plus de voitures électriques, tout en continuant à vendre des voitures thermiques. Mais pas n’importe lesquels : la plupart sont des véhicules imposants, tels que les SUV (sport utility vehicle). "Plus elles sont lourdes, plus les constructeurs gagnent de l'argent, explique Nicolas Meilhan économiste et conseiller pour France Stratégie. La marge sur une voiture est proportionnelle à son poids. Pour les petits véhicules, qui coûtent peu cher, il n'y a plus assez de marge. De plus, l'objectif de réduction des émissions de CO2 est indexé sur le poids des voitures. Plus vous vendez des voitures lourdes, plus vous pouvez émettre de CO2."

Un mélange de plein de choses dans ce passage, avec un passage un peu tendancieux de Meilhan (il en est habitué). Le coupable n'est pas celui qu'il désigne, l'indexation du CO2 à la masse ne jouant qu'un rôle secondaire. L'essentiel du "problème" vient du durcissement des normes de dépollution qui a considérablement augmenté le coût de fabrication des moteurs. Ce renchérissement avait commencé avant même l'arrivée des technos d'hybridation, et a évidemment été décuplé depuis. Comme cette augmentation n'est pas proportionnelle au poids du véhicule mais comporte un coût quasi-incompressible, ça a évidemment pénalisé les plus petits véhicules : ajouter 2 ou 3000€ de prix de vente sur une citadine à 15 k€ passe moins bien que sur un véhicule à 40 k€
Il ne faut pas non plus oublier qu'indépendamment de ces augmentations de prix récentes, la désaffection des clients pour les "petites voitures" n'est pas un phénomène nouveau, comme le montre l'infographie suivante tirée de "European Vehicle Market Statistics" (lien pdf). On voit que la part des segments A et B (Mini+Small) a commencé sa décrue dès 2009, passant en 10 ans de 6 millions à 4 millions de véhicules :

auto_market_share_2000_2020.png

Edit du 30/01 : ce tweet de Car Industry Analysis confirme l'amplification du mouvement en 2020

2020 results: European registrations of citycars fell a massive 34% to 779,500 units. It was the third largest drop behind MPV and Sportcars. Market share decreased from 7.5% in 2019 to 6.5%.

Mais revenons à l'article :

Une anomalie qui remonte à 2009. A l’époque, à la Conférence de Copenhague sur les changements climatiques (COP 15), la France accepte sous la pression de l’Allemagne de moduler la quantité de CO2 autorisée par véhicule en fonction de son poids. L’idée selon laquelle plus le véhicule est lourd plus il a le droit de polluer est actée, la mode des SUV est alors lancée.

La mode des SUV, comme on le voit ci-dessus, a démarré dès 2012-2013, et a pris dans tous les pays du monde, indépendamment des normes régionales de pollution. Ce n'est qu'aujourd'hui, 7 ou 8 ans plus tard, que les SUV se retrouvent avec un "avantage" structurel : ils sont (souvent) plus chers donc le surcoût des technos hybrides passe relativement mieux, et leur architecture permet aussi de loger plus facilement les différents composants liés à l'hybridation.

Dans le passage suivant, l'auteur mélange allègrement hybrides et électriques :

La plupart de ces grosses voitures sont cependant des véhicules hybrides. Moitié électriques, moitié thermiques, donc beaucoup moins polluant peut-on penser. Mais ils sont aussi beaucoup plus lourds, car ils abritent deux moteurs. Et "une batterie électrique peut rajouter plusieurs centaines de kilos, explique Aurélien Bigo, ingénieur et chercheur dans la transition énergétique des transports. Pour la voiture électrique la plus vendue en France, la Zoé Renault, c'est 300 kg de batterie."

Il y a 300 kg (voire plus !) de batteries sur un VE, oui, mais pas sur un hybride. Passons sur "ils sont aussi beaucoup plus lourds, car ils abritent deux moteurs", qui fait un raccourci au mieux maladroit, au pire malhonnête. Je ne suis pas convaincu que l'auteur ait bien compris la différence qu'il peut y avoir entre un hybride et un hybride rechargeable, mais passons. ...

Résultat : "Par rapport à une voiture de sa même catégorie, en thermique pur, vous gagnez un ou deux litres aux 100 kilomètres. Ce n’est pas du tout significatif", complète Matthieu Auzanneau, directeur du think tank The Shift Project.

Cette phrase est complètement débile, puisque tout dépend de l'usage qui est fait du véhicule. Acheter un hybride (rechargeable ou pas) pour faire de longs parcours autoroutiers n'a que peu d'intérêt. Mais un hybride rechargeable en usage urbain ou périurbain, c'est une conso très nettement diminuée ... à condition qu'il soit rechargé évidemment.

Face à cette menace, des constructeurs ont mis au point un stratagème. Certains, en retard sur la réduction de leurs émissions, s’organisent pour constituer une alliance avec d’autres en avance sur l’électrique. Ils mutualisent ainsi leurs ventes déclarées auprès de Bruxelles pour éviter de payer des pénalités.

Ca, on est bien d'accord, c'est tout simplement inacceptable.

"Lorsque l’on achète un véhicule, il consomme à peu près un tiers de carburant en plus que ce qui est affiché par les constructeurs, et émet donc de l'ordre d'un tiers de CO2 en plus", estime le chercheur Aurélien Bigo

Ce n'est pas nouveau (et je râlais déjà contre ça il y a plusieurs années), mais c'est moins vrai depuis le passage aux normes WLTP, du moins pour les véhicules thermiques.

Un peu plus loin, parlant de l'impact sur l'emploi de l'électrification du parc :

Pourtant, à y regarder de plus près, ces nouvelles usines ne devraient pas se traduire par de nombreuses embauches. Le développement de l’intelligence artificielle et de la production automatisée ne nécessite pas autant de salariés qu’une chaine de production classique

Que vient faire l'intelligence artificielle là dedans ?

"Une voiture électrique, c'est beaucoup plus simple à fabriquer, on a besoin de moins de bras, constate Matthieu Auzanneau, du think tank The Shift Project. Si vous imaginez systématiquement développer la mobilité électrique, vous détruisez de l'emploi."

Ben oui, tout simplement, c'est annoncé depuis le début. L'IA n'a rien à voir là dedans.

La plupart des experts s’attendent à une restructuration du secteur automobile et à la perte de millions d’emplois dans le monde qui seront remplacés par l’intelligence artificielle

(Soupir ...)

Note

[1] C'est quand même fou, parce qu'ils arrivent par moments à me faire "défendre" les SUV, alors que ce sont des aberrations sur roues ...